On lira ici un commentaire suivi du grand dialogue de Platon, La République. Ce
On lira ici un commentaire suivi du grand dialogue de Platon, La République. Ce commentaire a été composé, il y a bien longtemps, pour une classe terminale du lycée Henri IV, à Paris. Malgré quelques corrections et additions, j'ai conservé le texte original, ce qui explique que certaines références sembleront peut-être un peu démodées. Ce commentaire s'adresse à des débutants, il est donc nécessairement superficiel, et l'érudition le jugerait à bon droit insuffisant. Je crois toutefois qu'il peut aider les étudiants à entrer dans ce dialogue difficile, leur proposer des schémas de lecture, leur donner le désir d'aller plus loin. C'est pourquoi j'ai jugé qu'il n'était pas inutile de le publier. En 1989, quand ce cours fut rédigé, je ne possédais pas encore d'ordinateur. Je remercie la compétence, la curiosité et la patience qui ont conduit Frank Javourez à se lancer dans la transcription numérique de ce long manuscrit, dont l'écriture n'était pas toujours bien déchiffrable. PLATON LA REPUBLIQUE Introduction générale La philosophie politique occupe une place centrale dans l’ensemble de la philosophie platonicienne. Dès avant la République, certains dialogues posent très nettement le problème du fondement de la cité ainsi que celui du risque de la tyrannie. C’est le cas surtout du Protagoras et du Gorgias. Après la République, la question politique est la substance d’un dialogue intitulé, précisément, Le Politique. C’est encore le cas du dernier dialogue de Platon – Les Lois – qui est un examen très détaillé de la force et des faiblesses des diverses constitutions. Par cette insistance du Politique, Platon est un homme de son temps. Aristote, qui fut son élève à l’Académie, écrira plus tard aux premières lignes de la Politique que « l’homme est par nature un animal politique » (zôon politikon) et il ajoutera que pour vivre en dehors de la cité des hommes, il faut être une bête – moins qu’un homme – ou un dieu – plus qu’un homme. L’homme, pour les Grecs, c’est le citoyen. La cité est pour chacun de ses membres la mère et la nourricière : c’est elle qui fait naître l’humanité en l’homme, c’est-à-dire le langage – logos – et l’intelligence – noûs. Dans ce même texte, Aristote compare l’homme sans cité à « un pion isolé dans un jeu de dames (en pettois) » (1253 a7). Les Grecs ont un mot pour dire le caractère propre de l’individu, ce qui lui est particulier et unique : « idios » (un « idiomatisme » est une tournure particulière à telle ou telle langue). Si la cité élève l’homme jusqu’à la pensée, inversement la différence qui singularise l’individu et le distingue du groupe est donc sa part « d’idiotie » - o idiôtès désigne le simple particulier. Pourtant, Platon a vécu l’écroulement du rêve grec de la cité idéale, se suffisant à elle-même – « autarcique » – et éducatrice de l’humanité. Cette crise rend nécessaire une refondation du politique. A- Le moment historique Selon les érudits, la République a été composée par Platon aux alentours de 380-375 a.c. (Voir Diès, Budé I, CXXXVIII et Baccou, Garnier, V). A cette époque, le déclin d’Athènes – qui fut au Vème siècle la plus puissante de toutes les cités grecques – est irréversible. L’expérience politique de Platon est amère : le philosophe pense sur les décombres de la cité, médite sur les conditions de sa chute et sur la possibilité d’en restaurer l’Idéal. La fin commence dès 431 avec les guerres du Péloponnèse qui voient s’opposer l’aristocratique Sparte – ou Lacédémone – à la démocratique Athènes. Deux ans après le début de la guerre en 429, la peste décime la population d’Athènes assiégée. Mort de Périclès – Sophocle se souvient de cette terrible épidémie dans Œdipe-tyran. Platon naît sans doute deux ans plus tard, dans une noble famille d’Athènes, en 427. 415 : expédition de Sicile sous l’influence d’Alcibiade qui déserte presque aussitôt. Ce sera un terrible échec pour Athènes et la flotte sera démantelée en 413 devant Syracuse. En 404, Athènes tombe devant Sparte. Les Longs Murs, érigés par Thémistocle, sont détruits. Sous la pression de l’occupant, le gouvernement athénien est remis entre les mains de trente personnalités du parti aristocratique, qui rêvent de prendre leur revanche sur les démocrates. C’est le gouvernement des Trente, qu’on nommera bientôt les Trente Tyrans. Parmi eux Critias, cousin de Platon, et Charmide, son oncle maternel. On propose à Platon de faire partie du gouvernement : il préfère demeurer spectateur. Voir la lettre VII, 325d : « Je me faisais alors des illusions qui, vu ma jeunesse, n’avaient rien d’étonnant. Je m’imaginais en effet qu’ils gouverneraient la ville en la ramenant des voies de l’injustice dans celles de la justice. Aussi étais-je très curieux de voir ce qu’ils allaient faire. Or il m’apparut avec évidence qu’ils avaient en peu de temps fait regretter l’ancien ordre des choses comme un âge d’or. Sans parler des violences, ils s’attaquaient à mon ami Socrate, que je ne crains pas de proclamer le plus juste des hommes de ce temps. » Nous sommes en 404 : cela fait déjà trois ans – en 407 – que Platon a rencontré Socrate (il avait alors vingt ans). L’année suivante, en 403, les Tyrans tombent et la démocratie est restaurée. Mais Socrate, inclassable, demeure indésirable : il est accusé de corrompre la jeunesse et de mépriser les dieux par Anytos, chef du parti démocratique. Socrate est condamné et exécuté en 399. Cette mise à mort est le scandale qui détermine la vocation philosophique de Platon : contre un temps de folie et de ténèbres, Platon entreprend de distinguer le juste de l’injuste, et de fonder les vraies valeurs. Compromis, parce que proche de Socrate, Platon doit fuir. Il va se réfugier d’abord à Mégare, où l’accueille une école philosophique (Euclide de Mégare, qui continue l’enseignement des Eléates). Puis il voyage en Egypte, puis en Cyrénaïque (l’actuelle Libye, école de mathématique – Théodore). Il se rend ensuite en Italie du Sud (« la Grande Grèce ») à Tarente, où il rencontre des Pythagoriciens (Archytas de Tarente). Vers 388, il se rend en Sicile et connaît le tyran de Syracuse Denys Ier l’Ancien. Platon se lie d’amitié avec Dion, beau-frère de Denys et prétend, par sa qualité de philosophe, jouer le rôle d’un conseiller politique. Denys prend ombrage de cette prétention et embarque Platon de force sur un vaisseau spartiate : il sera vendu comme esclave dans l’île d’Egine, face à Athènes. Un ami, Annicéris, le reconnaît, le rachète et le libère. C’est ainsi que Platon revient à Athènes en 387. Il a déjà rédigé de nombreux dialogues, et son prestige, chez les philosophes, est très grand. Il achète un terrain – dédié au héros mythique Akadémos – et y fonde une école : l’Académie. Il a alors quarante ans. La République est sans doute l’un des premiers dialogues composés par Platon enseignant : il ne faut donc pas s’étonner si l’enseignement en est précisément le thème central. Désormais, Platon ne fera que deux voyages, tous deux à Syracuse. Vers 367, Denys Ier l’Ancien meurt. Son fils, Denys II le Jeune, monte sur le trône. Dion rappelle Platon qui revient aussitôt. Mais le fils est aussi hostile que le père à l’enseignement philosophique. Dion est exilé, Platon à nouveau chassé. 361 : Dernier voyage à Syracuse. Pour la troisième fois, le philosophe essaie de convertir le tyran à la sagesse du politique. Nouvel et dernier échec. Dion finira par renverser Denys et instaurer à son tour une dictature pendant trois années au terme desquelles il sera assassiné. Quant à Platon, il meurt en 347, à l’âge de 80 ans. Platon a donc essayé, en vain, de réaliser la cité idéale dont la République trace le tableau. C’est ainsi que les rapports du philosophe et du politique, jamais indifférents, ont toujours été conflictuels. L’expérience politique de Platon est celle du IVème siècle. Il assiste à la faillite de l’idéal grec de la cité. Les cités se combattent entre elles, et la Grèce se détruit elle-même. A la fin du siècle, Philippe puis Alexandre de Macédoine – Aristote sera son précepteur – soumettront les cités à un despotisme de type oriental – pour les Grecs, le plus haïssable des gouvernements. L’idéal d’autarcie (Aristote) de la cité antique fera place à un autre idéal : le kosmopolitès, le citoyen du monde. Alexandre désintègre le microcosme de la cité et élargit la scène de l’histoire aux dimensions du monde. B- La signification de l’ouvrage – Le projet politique de Platon « Voulez-vous prendre une idée de l’éducation publique, lisez la République de Platon. Ce n’est point un ouvrage de politique, comme le pensent ceux qui ne jugent des livres que par leurs titres : c’est le plus beau traité d’éducation qu’on ait jamais fait. » (Rousseau, L’Emile, Livre premier) Si le philosophe et le politique ont quelque mal à s’entendre, c’est sans doute parce que leurs objets, leurs projets, sont différents : le politique doit gérer l’actuel. Il prend en charge l’état des uploads/Politique/ la-republique.pdf
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- Publié le Aoû 04, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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