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Meta Document generated on 07/12/2017 8:55 p.m. Meta La traduction, principe de perfectibilité, chez Mme de Staël Jane Elisabeth Wilhelm L’histoire de la traduction et la traduction de l’histoire Volume 49, numéro 3, Septembre 2004 URI : id.erudit.org/iderudit/009387ar DOI : 10.7202/009387ar See table of contents Publisher(s) Les Presses de l’Université de Montréal ISSN 0026-0452 (print) 1492-1421 (digital) Explore this journal Cite this article Jane Elisabeth Wilhelm "La traduction, principe de perfectibilité, chez Mme de Staël." Meta 493 (2004): 692–705. DOI : 10.7202/009387ar This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. [ https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/] This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. www.erudit.org Tous droits réservés © Les Presses de l'Université de Montréal, 2004 692 Meta, XLIX, 3, 2004 La traduction, principe de perfectibilité, chez Mme de Staël jane elisabeth wilhelm Université de Genève, Genève, Suisse RÉSUMÉ Le renouveau d’intérêt, depuis une vingtaine d’années, envers les origines et le dévelop- pement du libéralisme politique en Europe, l’un des courants originels de la politique moderne, a remis les écrits de Mme de Staël, de Benjamin Constant et des membres du groupe de Coppet à l’honneur. Le libéralisme apparaît aujourd’hui comme l’un des pivots de la modernité, celui à partir duquel se définissent tous les grands projets de société. En opposition au classicisme et à une conception nationaliste totalitaire promul- guée par le régime de Bonaparte, Mme de Staël et ses amis entrevoient le salut des peuples et des littératures modernes dans l’échange des valeurs culturelles et artisti- ques. C’est le libéralisme politique traduit dans l’espace littéraire et le champ artistique. La traduction, en tant que médiation avec l’étranger, permet de révéler l’esprit national et joue un rôle capital dans la dissémination et la circulation des idées. Principe d’émula- tion et de commerce intellectuel, elle concourt à la perfectibilité des lettres et de l’esprit humain par l’enrichissement du caractère étranger, facteur de dynamisme social. ABSTRACT Renewed interest, over the last twenty years, in the origins and development of liberal- ism in Europe, one of the founding doctrines of modern politics, has sparked new study of the writings of Mme de Staël, Benjamin Constant and other members of the «Groupe de Coppet». Political liberalism would now appear to be a cornerstone of the modern world, the basis of all of society’s grand projects. In opposition to French classicism and Napoleon Bonaparte’s nationalist and totalitarian views, Mme de Staël and her friends foresee the future of nations and modern literatures in the light of the exchange of cul- tural and artistic values. This is political liberalism translated to the literary and artistic world. As a means of mediation with foreign cultures, translation helps reveal a nation’s character and plays an important role in the dissemination and the movement of ideas. Translation as emulation and intellectual exchange contributes to the perfectibility of letters and of the human spirit through the wealth of other cultures, a key element of social progress. MOTS-CLÉS/KEYWORDS histoire de la traduction, Mme de Staël, cosmopolitisme, libéralisme politique, littérature L’espace du cosmopolitisme et du libéralisme Au lendemain de la Révolution, le château de Coppet sur les rives du lac de Genève, demeure d’exil de Mme de Staël, apparaît comme un carrefour ou un lieu privilégié de dialogue avec d’autres cultures: celles de l’Italie, de l’Angleterre, terre de liberté et référence obligée du libéralisme, et de l’Allemagne représentant l’idéal esthétique d’une nouvelle littérature que Mme de Staël nomme romantique. L’élite libérale, le groupe des amis de la châtelaine que la postérité a réuni sous le nom de «groupe de Meta, XLIX, 3, 2004 Coppet», fut dans ses grands jours, selon le mot de Stendhal, «les Etats généraux de l’opinion européenne1 ». On dira à l’époque qu’il faut compter trois puissances en Europe: l’Angleterre, la Russie et Mme de Staël. Exilée à Coppet par Bonaparte qui la considère comme dangereuse, elle deviendra la figure de proue de l’opposition à la dictature impériale et l’égérie du libéralisme politique. Le renouveau d’intérêt, depuis une vingtaine d’années, envers les origines et le développement du libéralisme, l’un des courants originels de la politique moderne en Europe et en Occident, a tiré les écrits politiques des membres du groupe de Coppet de l’oubli dans lequel ils étaient tombés durant de nombreuses années. Loin d’être uniquement une doctrine politique et économique, le libéralisme apparaît comme l’un des pivots de la modernité politique, celui à partir duquel se définissent tous les grands projets de société. Comment ont émergé et se sont articulées les notions qui vont permettre de penser et de mettre en œuvre le discours de la vie politique moderne: individu, loi et nature, société civile et État, souveraineté, représentation ? En formulant le discours moderne des rapports de l’individu au sein du corps social dans l’intelligibilité d’une nouvelle figure de la liberté, Mme de Staël et Benjamin Constant se proposent de conjuguer l’ordre du politique à la littérature et à la traduction, la réflexion politique à la notion de culture nationale et aux rapports interculturels. Lorsque disparurent les grands représentants de la philosophie des Lumières, parmi leurs héritiers, deux clans devinrent les acteurs et les témoins de la Révolution et s’attachèrent à défendre l’idéal révolutionnaire et l’idée de «perfectibilité du genre humain » : les Idéologues regroupant Cabanis, Destutt de Tracy et Volney, et le groupe de Coppet, marqué par le protestantisme et dont l’originalité est le cosmopo- litisme. Il naîtra du dialogue entre les littératures européennes, de la synthèse des idées philosophiques et de l’action politique qui caractérisent la pensée de Coppet, certaines des meilleures œuvres de l’époque. De ce vaste effort placé sous le signe des relations interculturelles et de la traduction, qui marque les débuts de la littérature comparée, il sortira au fil des années: Corinne ou l’Italie, De l’Allemagne et les Considérations sur la Révolution française de Mme de Staël, Adolphe, Cécile, Wallstein de Benjamin Constant, adaptation du Wallenstein de Schiller, la Comparaison des deux Phèdre, le Cours de littérature dramatique d’August Wilhelm Schlegel, Recherche sur la nature et les lois de l’imagination de Bonstetten, le Tableau de la littérature française au xviiie siècle de Prosper de Barante, l’Histoire des républiques italiennes et De la littérature du midi de l’Europe de Sismondi. Benjamin Constant, qui fut l’un des principaux théoriciens du libéralisme poli- tique sous la Restauration, fit de longs séjours au château de Coppet en compagnie de Juliette Récamier et d’August Wilhelm Schlegel. L’illustre traducteur allemand de Shakespeare, Cervantes, Calderon, Dante et Pétrarque, était aussi le précepteur des enfants de Mme de Staël. C’est autour du groupe de Coppet que s’élaborent, en deçà du partage traditionnel des connaissances, les catégories politiques, littéraires et esthé- tiques de la modernité. Coppet fut aussi un creuset où l’on débattait déjà des grandes questions politiques actuelles, à savoir l’unité de l’Europe dans la diversité de ses cultures, le concept de nation qui était en train de voir le jour et que l’on appelle aujourd’hui «Etat-nation», ainsi que les rapports entre l’individu et le corps social2. la traduction, principe de perfectibilité, chez mme de staël 693 694 Meta, XLIX, 3, 2004 «Il faut, dans nos temps modernes,» proclame Mme de Staël dans une formule restée célèbre, «avoir l’esprit européen» (1838, t. II: 151). La réflexion sur les rela- tions interculturelles, sur l’identité d’une culture dans sa différence, s’accompagne à Coppet de la conscience qu’«une culture n’évolue que par ses contacts», selon les mots de Tzvetan Todorov, c’est-à-dire par la communication avec d’autres cultures et, comme il le dit encore «qu’en son intérieur même une culture se constitue par un travail constant de traduction» (1986: 16). Le second mouvement du libéralisme qui va se déployer dans la première moitié du xixe siècle, et auquel se rattache l’œuvre de Mme de Staël et de Benjamin Cons- tant, aura pour tâche d’interpréter tout un complexe d’idées, d’événements et de sentiments qui peut se résumer par ces mots: Rousseau et la Révolution française. Ainsi, la Révolution française est le signe par excellence d’une crise dans le corps social et politique et s’offre à leur lecture comme l’énigme d’un texte qui pose les questions centrales de la politique moderne. Dans un premier temps, il s’agit pour eux de comprendre la liberté des Modernes par rapport aux incarnations antérieures du pouvoir politique, puis de traduire ensuite l’irréductible différence de la moder- nité, à savoir la naissance du principe individuel par le processus révolutionnaire, au niveau des institutions politiques, sociales et littéraires. L’historien François Furet nous parle de l’espace politique et culturel inauguré par la Révolution française, annonçant le monde de la démocratie moderne. Cet espace, qui nous investit de toutes parts, confère une sorte d’actualité permanente à tous les discours qui l’ont travaillé. La Révolution française, écrit-il, parce qu’elle est universelle et «originaire», instituant «un avant et un après, par uploads/Politique/ la-traduction-principe-de-perfectibilite-chez-mme-de-stael.pdf

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