LA "MAISON ALBERTINI" D'UNE «COLLABORATION» A L'AUTRE Surveiller les organisati

LA "MAISON ALBERTINI" D'UNE «COLLABORATION» A L'AUTRE Surveiller les organisations syndicales, en ficher les militants, aviver sans relâche l'anticommu- nisme, former les cadres de direction au «dialo- gue social», susciter des syndicats-maison, aider le patronat à appuyer des partis politiques, en- tretenir des relations avec la CIA et l'extrême- droite, le tout au nom de «la liberté du mouve- ment syndical», telle aura été la tâche de la «mai- son Albertini» de 1948 à ces dernières années. FRANÇOIS MOREAU e 27 novembre 1985, sous le titre 'Les fonds secrets de Reagan en France», Libération publiait des documents américains prouvant l'aide finan- cière apportée par les services gouvernementaux, sous couvert de soutien secret au syndicalisme libre, à six institutions françai- ses: la confédération Force Ou- vrière, l'UNI, liée au SAC, une association vietnamienne anti- communiste, «Que Me•, et l'Insti- tut d'Histoire Sociale (IHS), fa- çade de la «maison Albertini»: 25 000 dollars, soit 200 000 F, cette année-là, à consacrer de la part de l'oncle Sam aux •droits des travailleurs dans les sociétés to- L'EXTREME DROITE AU TRAVAIL, 77 N7, DEUXIEME TRIMESTRE 1990 EN TRAVAINART EX AUE Ni rihteowirtateie 1 C'est alors, de 1936 à 1939, gu'Albertini travaille avec d'anciens communistes ralliés à la SFIO par antistalinisme après s'être rassemblés autour de Souvarine; parmi eux, Paul Rassinier, le futur , pitphète» des négatbrnètes Faurisson et Roques, alors très influent dans l'Est de la France, et Maurice Paz, l'avocat d'Abonni à la Libération. Rassinier, naviguant après-guerre de la SFIO à la Fédération Anarchiste qui tint par le rejeter, dut peut-être à Aberlini de se voir ouvrir les colonnes de Rivarol talitaires». Une misère par rap- port à FO (850 000 dollars en 1984-85) et à l'UNI (575 000 pour la même période). 80 000 dollars, il est vrai, venaient soutenir en outre l'Institut Sino-Soviétique et le Comité français pour l'Associa- tion Internationale des Droits de l'Homme, officines nouvellement créées, peut-être grâce à cette «aide», et étroitement liées à l'IHS. Mais, dans l'esclandre qui suivit ces révélations, l'IHS parvint à se faire oublier, en arguant de son indépendance, de son désintéres- sement et de ses faibles ressour- ces. Pour les élections de 1981, l'IHS avait cependant réglé cinq factures de «création et d'édition» de brochures électorales en fa- veur de la droite, pour un mon- tant total de 1 119 600 F (le Canard Enchair Thé, 4/12/1985). Mais l'IHS est d'abord une école de discré- tion... Du «néo-socialisme» à la vieille extrême-droite L'itinéraire du jeune Albertini, fils de cheminot, né en 1911, s'éle- vant grâce à ses mérites scolaires jusqu'à Normale Sup', où il dé- couvre l'engagement politique et adhère à la SFIO, est celui de nombreux cadres venus au so- cialisme dans les années 30. Ils apportaient leur jeunesse, mais voulaient aussi qu'on rajeunisse la doctrine. Souvent «fils du peu- ple» et non de bourgeois, ne de- vant leur ascension sociale qu'au travail intellectuel, se considé- rant comme des experts, voire comme une élite, ils avaient ap- pris à être sûrs d'eux : on vit rare- ment des «militants» se tromper plus vite sur les événements et sur eux-mêmes. Professeur d'his- toire, Georges Albertini passa en moins de 7 ans de l'adhésion au Comité de Vigilance des Intellec- tuels Anti-fascistes, en 1934, à la mise sur pied, avec Marcel Déat, venu comme lui de la SFIO, du deuxième parti fasciste de France, en 1941... Entretemps, l'un et l'autre al- lèrent du côté du «néo-socialisme». Ses principes n'avaient de nou- veau que leur raideur: pacifisme aveugle, parce que, le socialisme avait été impuissant à empêcher la boucherie de 14-18; anticom- munisme intransigeant, depuis la rupture du congrès de Tours, en 1920, alimenté ensuite par tout ce qu'on apprenait du stali- nisme; antisémitisme latent, mais prêt à se réveiller pour peu qu'on ait oublié l'Affaire Dreyfus et qu'on s'imagine, au moment de Mu- nich, que c'étaient les Juifs, et non Hitler, qui constituaient la menace de guerre. Quant à la doctrine positive, elle se cher- chait confusément dans les re- vues, les cénacles ou les frac- tions, autour du «planisme» ou de l'idée de révolution nationale ou «constructive». Pour beaucoup, il fut difficile de comprendre, ou seulement de suivre les événe- ments qui se précipitérent alors jusqu'à la défaite. C'est avec ces présupposés qu'Albertini, naguère membre de la tendance pacifiste de la SFIO, secrétaire adjoint de l'union dé- partementale CGT de l'Aube dont il avait voulu faire un outil de «résistance aux communistes»(1), rejoignit, comme d'autres ex-SFIO, le Rassemblement National Po- pulaire de l'ancien socialiste «néo» Marcel Déat. Il dut autant à son expérience syndicale qu'à ses manoeuvres d'en devenir vite le secrétaire général, l'adjoint de Déat, spécialement chargé de l'or- ganisation et de l'implantation «populaire» du mouvement. Un engagement qu'il prolongera jus- qu'au 19 août 1944, passant dans la clandestinité. Et surtout un 78 , LES CAHIERS D'ARTICLE 31 N'2, DEUXIEME TRIMESTRE 1990 engagement qui lui fera mêler son «socialisme» aux pires entrepri- ses de la «collaboration»: apolo- gies du nazisme, éructations antisémites, appels à la délation et au meurtre(2), trafics d'argent et d'hommes avec l'occupant, ou avec Pierre Laval...Détail signifi- catif: une de ses conférences de 1944 s'intitulait «Le parti de la guerre depuis 1789», et fut éditée par le RNP avec la préface d'un royaliste notoire, Dominique Sordet, par ailleurs homme des nazis à l'agence de presse Inter- France: parfaite collaboration. Les restes de la «popote Worms» A sa sortie de prison en 1948, Albertini n'a pas encore 37 ans, mais dispose déjà d'un impres- sionnant carnet d'adresses. Ami- tiés discrètes mais fidèles des «fascistes de gauche», anciens communistes ou socialistes pas- sés sous l'Occupation au RNP ou au Parti Populaire Français(PPF) de Jacques Doriot, comme Ro- land Guoguillot alias Gaucher (actuel directeur de National-Heb- do) et Henri Barbé. Amitiés persistantes de respon- sables syndicalistes et de cadres socialistes entrés dans la Résis- tance, ou même dans le mouve- ment gaulliste, comme Louis Vallon ou Robert Lacoste, mais qui continuent à partager avec Albertini souvenirs de jeunesse et anticommunisme. Mais sur- tout relations établies au temps du RNP avec la partie la plus politique du patronat vichyste, relativement épargnée par l'Epu- ration, et décidée à poursuivre ses oeuvres. Au début de la «guerre froide», quand l'urgence du «péril com- muniste» aide à oublier tout pas- sé politique, Albertini tient sa BREVES 7 juin (Présent): «à Rome, hommage à la mémoire d'Almirante, pour le second anniversaire de sa mort (...). Les messages étaient nombreux, témoignant de l'ampleur de l'estime et de l'affection vouées au fondateur du MSI-DN. De J.M. Le Pen à Nina Alschibaja, secrétaire général de l'Antibolshevik Bloc of Nations, de Dimko Stateff, président de la Ligue bulgare des droits de l'homme, à Pedro Soares Martinez, vice-porésident de l'Académie des sciences du Portugal, de Maurice Bardéche à James Gregor, de l'Université de Berkeley, du «commandant Enrique» de la Contra nicaragayenne, à Julian Amery, ancien ministre de l'aviation anglaise». Prirent notamment la parole Bernard Antony, Jean Madiran et Gianfranco Fini. 8 juin (Rivarol): «"aujourd'hui le vrai peuple de France vote aussi en réaction contre ces gens, Paul Amar, Jean-François Kahn, Anne Sinclair et Ivan Levai qui, depuis Paris, veulent dicter leur loi". Un nouveau et gravissime dérapage" de cet incorrigible bouffeur de juifs de Le Pen? Vous n'y êtes pas: c'est au bon Jean-Claude Gaudin que Daniel Carton a attribué cette diatribe assassine dans un article du Monde dont la section "politique"du n° du 6 juin est ENTIEREMENT consacrée aux "partis politiques face à 1"extrême-droite"». 2 «Collaboration franco- allemande, défense de l'Empire,construction économique, politique et spirituelle de l'Europe(...) Etat fort appuyé sur un mouvement national et populaire, puissant instrument de la Révolution nationale, à l'exclusion de toute influence occulte et de caractère international(...), épuration et protection de la race, régénération physique et morale de la population(...), économie dirigée à base corporative», tel était selon Albertini lui-même le programme du RNP (Claude Varenne=Abertini, Le destin de Marcel Déat, éd. Janmaray, 1948). Il avait écrit dans le National populaire(29111/ 1942):• ne convient plus seulement de souhaiter ta victoire de l'Allemagne(...) C'est la terreur qu71 faut mettre à l'ordre du jour(...) Cela veut dire qu'il faut une loi, des suspects et des exécutions capitales. Le sang doit couler en France». Et en mars 1944, dans le Bulletin des cadres du RNP :.afin de permettre aux camarades qui animent le Bureau des Questions juives du RNP de poursuivre efficacement leur action, je demande aux militants de bien vouloir signaler toutes les actions juives illicites qu'ils peuvent étre amenés à connaître-...Pierre Assouline, à qui sont empruntées ces dations soulgne l'extraordinaire clémence du tribunal d'épuration à l'égard d'Abertini, laissant supposer des protections aussi puissantes qu'obscures (•Georges Abertini, l'éminence grise de l'anticommunisme», L7listoire, n°90, juin 1986). LEXTREME DROITE AU TRAVAIL, 79 147, DEUXIEME TRIMESTRE 1990 revanche: il sera l'expert français ès- anticommunisme. Il a rencontré en prison Hippo- lyte Worms, banquier suspect de collaboration, mais qui avait été accusé sous l'Occupation, y compris par Déat, de couvrir le «complot synarchique» ayant amené l'amiral Darlan et ses hommes au pouvoir uploads/Politique/ article-31-2e-trimestre-1990-extrait-albertini.pdf

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