Question 1 L’influence de l’écriture grecque dans la littérature est sans appel

Question 1 L’influence de l’écriture grecque dans la littérature est sans appel. Grecs et latins sont considérés comme des modèles à suivre tant au niveau culturel, philosophique ou scientifiques. La tragédie de Sophocle, Antigone (441 avant J.C), ne fait pas exception à cette règle. Tout comme l’Iliade d’Homère (VIII avant J.C), Antigone a su rester intègre à ce que Sophocle a voulu d’elle. Ce qui différencie Antigone de l’Iliade d’Homère est la constante réactualisation du mythe et de la malédiction des Labdacides pour mettre en lumière parfois le mal qui régit à l’époque où elle est reprise ou pour exposer et faire circuler les idées d’une manière plus subtile. Nous nous retrouvons donc avec Antigone chargée de convictions antiroyalistes (Alifieri, 1776), ou avec des valeurs chrétiennes (Antigone ou L’Espérance). La réactualisation de l’Antigone de Jean Anouilh au XXe siècle s’inscrit dans la conviction qu’Antigone est une figure mythique par excellence. Jouée pas moins de 226 fois de 1944 à 1945, la plus célèbre pièce du dramaturge représente, peut-être, à elle seule ce justificatif. On est dans la pièce d’Anouilh dans une période d’après-guerre où Créon, oncle de l’héroïne éponyme, a pris le pouvoir. Œdipe parti, et ses fils Polynice et Etéocle morts, il incombe à Créon de maintenir l’ordre dans la cité de Thèbes. Toutefois, il a une farouche opposition de la part de sa nièce qui ne lui facilite pas vraiment la tache de dirigeant. Cette dernière, en désaccord, avec l’édit de son oncle, résiste à la loi de ce dernier et veut faire prévaloir sa définition de la justice. Entre résistance et tyrannie, il serait intéressant de voir comment, par son titre de figure mythique par excellence, L’Antigone d’Anouilh est une pièce qui ne juge pas des choix des uns et des autres mais tentent de faire comprendre la prise de position du résistant et de l’homme politique. Pour tenter de répondre à cette problématique, nous allons étudier sous une première lumière, l’Antigone d’Anouilh sous sa figure de résistance libre. Ensuite, c’est sous l’intransigeance de la liberté que nous allons tenter de comprendre notre héroïne pour finir sur la modernité qu’Anouilh a fait de l’héroïne tragique grecque. PLAN A. Antigone : Résistante et libre a. Résistance contre la tyrannie b. La liberté B. L’intransigeance de la pureté a. L’égoïsme b. Le sacrifice C. L’Antigone moderne a. Antigone, féministe b. La fatalité De nombreux siècles séparent l’Antigone de Sophocle de celui de Jean Anouilh. Pourtant, le dramaturge français a su utiliser les mythèmes du mythe original pour s’approprier, avec la réécriture de la tragédie, le personnage d’Antigone. Il n’y a aucun dépaysement du spectateur face à la pièce mythique. Dans un contexte où la guerre fait rage dans le monde, Anouilh présente sa réactualisation du mythe de Sophocle à un public qui est libre d’en tirer ses propres conclusions. Depuis environ quatre ans, et pour une seconde fois de son histoire, la France est sous occupation étrangère. Tout moyen est bon à prendre pour soutenir la Résistance, et les écrivains, devenus des figures emblématiques, prennent aussi parti. Les Éditions de Minuit, berceau des « Nouveaux Romanciers », ont été au cœur de la résistance. Certains intellectuels comme Jean Prevost ou René Char ont laissé la plume de côté pour prendre directement part au combat. Le Maréchal Pétain (1856-1951), symbole de l’armée française lors de la Première Grande Guerre, cède aux exigences nazies, alors qu’il vient d’être élu comme le nouveau président du Conseil. Par conséquent, suite à un armistice inéquitable, la France perd l’Alsace- Lorraine et le pays se retrouve scinder en deux. Le Nord est contrôlé par les forces allemandes et le Sud est sous l’autorité vichyssoise. Pétain profite de cette situation et prend le contrôle législatif et exécutif du pays. Créon, figure allégorique qu’Anouilh utilise pour faire un rapprochement avec le maréchal, fait de même que son homologue dans la vie réelle. Son premier décret est un peu absurde. Il se « trompe en s’attaquant à un mort1 », de même que le Maréchal qui, dans son discours, cherche un bouc émissaire pour la guerre qui sévit sur le territoire français. Cet « acte politique » de Créon favorise la genèse d’Antigone. Tout son être va lutter contre cet acte « tyrannique » de Créon. N’oublions pas qu’Antigone est décrite comme « laide, maigre, noiraude. » Dans la Grèce Antique, le symbolisme de la laideur est le désordre. Un désordre, une anarchie, que justement que Créon veut éviter.. Sous l’occupation clandestine 1 Nichet, Jacques. « À propos d’Antigone », Empan, vol. no57, no. 1, 2005, P.60 allemande, c’est le Général de Gaulle qui lança l’appel à faire front contre les Allemands. La résistance d’Antigone est pour expliquer simplement, sans être simpliste, dans son « ADN ». Étymologiquement, Antigone veut dire « contre génération », il s’agit donc pour la princesse de Thèbes de vivre une vie contre sa famille. Elle est dans le refus d’un dialogue dans la majeure partie des cas. Elle veut juste imposer ses idées. Ses discussions tout au long de la pièce avec Ismène offrent une assez bonne perspective de cela. Moi je suis plus pondérée. Je réfléchis. /il y a des fois où il ne faut pas trop réfléchir. Je comprends un peu/Moi, je ne veux pas comprendre2 Le dualisme qui existe dans la pièce d’Anouilh n’oppose pas seulement l’idéalisme d’Antigone à la rigidité politique de Créon, mais aussi entre Antigone et tous les personnages de la pièce. Bien difficile d’être une figure de la résistance quand on s’en prend à ses alliés. Sauf que c’est ce qu’elle a choisi d’être. Toutefois, c’est contre Créon — voire l’autorité de Créon contre lequel résiste Antigone. Sophocle utilise la philia, le lien social entre Antigone et son frère, pour légitimiser son héroïne tragique. Chez Anouilh, ce lien est utilisé pour montrer la tyrannie de Créon. Antigone refuse que son frère soit dépourvu d’une sépulture et devient traitresse à la cité. Comprenons d’abord que l’interdiction de Créon n’est pas réellement un acte despotique, mais politique. C’est l’acharnement, « la force de résistance3 » d’Antigone qui « fait basculer Créon du côté de la tyrannie. » Antigone vers la fin de la pièce ne parle plus de son frère, mais de son besoin ou de son envie de mourir. Ce qui est commun à Créon est à Antigone, mais qui semble tout de même les éloigner l’un de l’autre, c’est leur solitude. Antigone qui « s’éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène »4 et Créon, lui aussi, est seul sans l’aide de personne pour l’épauler. Chez Anouilh, Antigone s’insurge, s’oppose contre « la fondation d’un État qui installe sa justice sur une première injustice5 ». La réactualisation d’Antigone par Jean Anouilh a autant essuyé de critique qu’il a eu de succès. Cette figure de la résistance qu’incarne Antigone grecque est reprise d’ailleurs dans nombre de pièces de théâtre. L’opposition de deux idées de la dikè, de la justice s’opère dans l’Antigone d’Anouilh. La dikè est l’expression des lois qui 2 ANOUILH Jean, Antigone, Éditions de la Table Ronde, 1946, P.13 3 Nichet, Jacques. ‘À propos d’Antigone’, Empan, vol. no57, no. 1, 2005, P.60 4 ANOUILH Jean, Antigone, Éditions de la Table Ronde, 1946, P.4 5 Op. Cit., P.60 régissent une cité. Hésiode affirmait que la dikè triomphe de la démesure quand son heure est venue.6 La démythification de la tragédie de Sophocle par le dramaturge français n’enlèvent en rien l’idée de justice. L’anti-héroïne s’entête à vouloir rendre justice à un mort alors que son oncle, par le biais de ce même mort, veut instaurer une paix dans la cité. La résistance d’Antigone est dure. La longue altercation entre les deux personnages en atteste. Sa prise de position est tenace face à Créon. Elle s’obstine à faire valoir sa croyance, sa justice du droit naturel des hommes que, dans une lutte acharnée, Les Lumières ont su faire accepter à la France. « L’obstination de l’Antigone d'Anouilh représente la revendication d'un droit ! l'expression d'une volonté inébranlable7 ». L’Antigone d’Anouilh est comme nous l’avons vu, en perpétuelle rébellion. Toujours en conflit. Elle agit de la sorte parce qu’il y a la désinvolture de la jeunesse. Le conflit générationnel, n’étant pas le thème le plus important de la pièce, a son importance dans la manière qu’agit Antigone. En étant jeune, elle attire la compassion du public. Comme un héros grec, Antigone va mourir jeune sauf qu’elle n’a commis aucun exploit. C’est sous le public de l’Occupation que toute sa gloire, que tout son honneur va grandir. Que savons-nous d’elle ? Elle est celle qui dit non. Déjà exposée comme une figure de la résistance, Antigone use de toute la fougue de sa jeunesse pour faire face à Créon. « Moi je veux tout, tout de suite — et que ce soit en entier — ou alors je refuse8 », nous dit-elle pendant l’altercation avec son oncle. La même Antigone qui fait face à Ismène : « Je comprendrai quand je serai vieille9 ». C’est d’une certaine manière, uploads/Politique/ le-mythe-antique.pdf

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