« L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir ; il porte avec lui l’immen
« L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir ; il porte avec lui l’immensité. » (François René de Chateaubriand) Les Entretiens de la Conférence Monarchiste Internationale CMI : Les mouvements royalistes ont été de nouveau autorisés au Burundi en 1992 mais la famille royale semble divisée tout comme les partis royalistes au- jourd’hui. Quelles sont les raisons de ces divisions ? Guillaume Ruyovizo : Les mouvements royalistes ont été autorisés non pas en 1992, mais en 2000, par l’Ac- cord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi. Jusqu’à cette date, ils étaient expressément interdits dans toutes les constitutions qui se sont succédées depuis le renversement de la monarchie en 1966. Ainsi, en 1992, le fondateur du PRP avait dû le changer d’appellation, sous peine de ne pas être agréé : au lieu de « Parti Royaliste Parlementaire », il avait dû l’appeler « Parti pour la Récon- ciliation du Peuple ». La famille royale n’est pas divisée. Toute la famille royale du Burundi, les Ganwas, s’identifie sans aucune contesta- tion à ce jour dans Ishaka, l’ASBL reconnue par la loi qui nous regroupe tous au point de vue social. Mais, comme toute communauté sociale, elle est traversée par des cou- rants d’idées différents. En ce qui concerne les partis politiques monarchistes, je peux affirmer sans l’ombre d’un doute qu’ils sont aujourd’hui unis. Les leaders de ces partis se voient régulièrement et sont d’accord sur tous les dossiers les concernant, qu’il s’agisse du rapatriement de la dépouille du roi Mwambut- sa IV ou de la recherche de celle du roi Ntare V. Au point de vue politique, les Ganwa, comme tous les Burundais, ont le droit d’appartenir à n’importe quelle for- mation politique existant au Burundi. Ainsi, des Ganwa sont membres du CNDD-FDD, le parti au pouvoir qui a gagné les élections de 2010, d’autres sont membres des partis de l’opposition, mais des Ganwa sont aussi membres des partis royalistes. Quelquefois, des Ganwas font une confusion, volontaire ou pas, entre leur appartenance partisane et les aspira- tions de leur communauté. Ils privilégient alors leur lutte politique et peut être leurs frustrations dans leurs position- nements. Ce sont ceux-là qui risquent de porter atteinte aux intérêts de la communauté à laquelle ils appartiennent et qu’ils prétendent défendre. Heureusement qu’ils sont un très petit nombre. Comme dans tous les pays modernes, au Burundi nous avons deux camps politiques antagonistes : le camp de la majorité présidentielle et le camp de l’opposition. Mon vœu est que les Ganwas évitent de transposer leurs diffé- rences au point de vue politique à la question royale. Guillaume Ruzoviyo Ambassadeur du Burundi Président du Parti Monarchiste Parlementaire un entretien réalisé par Frédéric de Natal, Secrétaire général de la CMI BURUNDI N°1 - JUIN 2013 Votre Excellence, vous avez fondé le Parti monarchiste parlementaire du Burundi-Abagenderabanga (PMP), ac- tuellement membre de la coalition gouvernementale et de la Conférence Monarchiste Internationale, vous avez été nommé Ambassadeur du Burundi en Russie il y a deux ans. En 2012, l’actualité royaliste a été médiatiquement forte au Burundi. D’abord avec les festivités du cinquante- naire de l’indépendance du Burundi auxquelles ont été associées la famille royale et la famille royale belge, la recherche du corps du Mwami Ntare V, l’affaire du transfert de la dépouille du Mwami Mwambutsa IV et enfin un mystérieux mouvement armé affirmant désormais se battre pour le retour de la monarchie au Burundi. Les Entretiens GUILLAUME RUZOVIYO 2 LES ENTRETIENS DE LA CONFERENCE MONARCHISTE INTERNATIONALE - #1 - JUIN 2013 Le Burundi compte officiellement trois mouve- ments politiques royalistes, Abahuza, le Parti de la Réconciliation du Peuple et le Parti monarchiste parle- mentaire du Burundi-Abagenderabanga. Quelles sont actuellement les relations entre ces deux premiers mouvements et le PMP ? Les relations entre le PMP et les deux autres formations monarchiques sont réellement au beau fixe aujourd’hui. Entre le PMP et le PRP, les relations sont plus étroites parce que nos deux partis politiques ont fait partie de la Coalition pour des Elections Libres, Apaisées et Transpa- rentes (CELAT) qui a soutenu le CNDD-FDD, au pouvoir pour le deuxième mandat consécutif. Entre le PMP et Abahuza, il n’y a plus aucune mésentente. Avant mon départ du pays, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec l’ac- tuel Président de Abahuza. Nous avons constaté qu’il n’y a plus de sujet qui nous divise et nous sommes convenus d’œuvrer pour la même cause. En avril 2012, une équipe scientifique menée par le Professeur Jean-Jaques Cassiman a tenté en vain de retrouver le corps du Mwami Ntare V, assassiné dans de mystérieuses conditions quarante ans plus tôt. Comment le rôle des anciens monarques est-il perçu par les jeunes Burundais en 2013 ? D’abord, je voudrais vous dire que le roi Ntare V n’a pas été assassiné « dans de mystérieuses conditions ». Les circonstances de son assassinat sont bien connues. Ntare V a été exécuté la nuit du 29 avril 1972 par le capitaine Ntabiraho, sur ordre du Président Micombero. C’était un assassinat programmé, parce que Ntare V avait été littéra- lement kidnappé de Kampala, lors de son premier voyage en Afrique depuis son renversement le 28 novembre par le même Micombero. Il a passé un mois en résidence sur- veillée avant d’être exécuté ce fatidique jour du 29 avril 1972 sous le prétexte fallacieux qu’il avait commandité une armée de rebelles hutus pour le remettre sur le trône. C’est son enterrement, probablement dans une fosse commune, qui a fait l’objet du plus grand secret parce que le lieu n’a jamais été retrouvé jusqu’à ce jour. Chose cu- rieuse, quelques acteurs (ou complices) de cet assassinat sont encore en vie, mais personne ne leur demande rien (ou n’ose rien leur demander ?). Il est prévu que la mort de Ntare V et celle des milliers de Hutus qui a suivi fassent partie des cas qui seront analysés par la Commission Vérité-Réconciliation à venir. Espérons qu’à ce moment, qui tarde à venir, nous en saurons plus. En ce qui concerne l’image que les Burundais, plus par- ticulièrement les jeunes, ont des anciens rois, c’est une image positive. Il est vrai que depuis le renversement du dernier roi, en 1966, les régimes militaro-régionalistes qui se sont succédés ont fait un véritable lavage de cerveau de la population, présentant d’une façon très négative les rois et toute la période monarchique, dans le but de légitimer leur pouvoir. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils ont fait disparaître du langage écrit et parlé les Ganwas, l’ethnie dont descendent les rois, et qui pourtant existe bel et bien. Mais malgré cela, ils ne sont pas parvenus à effacer de la mémoire collective l’image du roi fédérateur de tout le peuple, le roi dont la justice est impartiale mais aussi im- placable, le roi patriote qui défend avec ardeur son pays contre toute intrusion extérieure, prêt à se sacrifier, s’il le faut, pour le bien de son peuple. La preuve de cette vision est donnée par les efforts que le gouvernement actuel est en train de déployer pour ra- mener la dépouille du roi Mwambutsa IV et pour retrouver l’endroit où a été enterré le roi Ntare V, afin de les enterrer dans la dignité et avec tous les honneurs. Ceci signifie que le gouvernement actuel, qui est jeune dans son ensemble et à la tête duquel se trouve un homme encore jeune, est conscient de l’image positive que les Burundais gardent de leurs rois. Les rois constituent encore aujourd’hui le symbole de l’unité, tant malmenée depuis leur départ, du patriotisme et de l’intégrité morale des dirigeants. En vou- lant ériger des monuments sur les lieux de leur sépulture, le gouvernement reconnait clairement l’action bénéfique des rois, leur importance dans l’histoire du Burundi, et il reconnait implicitement l’existence de leurs descendants, au moment où ces derniers sont en train de réclamer que l’on leur « restitue » leur ethnie. Cela signifie que nos diri- geants sont conscients du rôle que peuvent jouer les rois, même morts, dans la politique de réconciliation nationale en train d’être mise en place au Burundi. Vous comprendrez aisément mon incompréhension face à la position de la princesse Esther Kamatari, qui prétend vouloir défendre la dignité du roi Mwambutsa IV en le fai- sant garder dans un cimetière suisse. Les Entretiens GUILLAUME RUZOVIYO 3 LES ENTRETIENS DE LA CONFERENCE MONARCHISTE INTERNATIONALE - #1 - JUIN 2013 Le Mwami Mwambusta IV repose en Suisse dans le ci- metière de Meyrin. Le gouvernement a souhaité son retour lors des célébrations du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi ; cependant la Princesse Esther Kamatari s’est opposée devant les tribunaux à ce retour du souverain dans son pays, affirmant que le gouvernement entendait utiliser politiquement la dépouille de l’ancien monarque et ne respectait pas les volontés du défunt mwami de reposer sur son lieu d’exil. L’affaire est toujours en cours devant les tribu- naux ; quelle est la position du PMP dans ce conflit dynastico-politique ? La position du PMP dans cette polémique créée par la princesse Kamatari est claire uploads/Politique/ les-entretiens-de-la-cmi-1-juin-2013-guillaume-ruzoviyo-burundi.pdf
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- Publié le Jul 18, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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