(NOUVELLE SÉRIE- VERSION ÉLECTRONIQUE) 04 2 0 1 6 Paix et Securité Internationa

(NOUVELLE SÉRIE- VERSION ÉLECTRONIQUE) 04 2 0 1 6 Paix et Securité Internationales ISSN 2341-0868, Num. 4, janvier-décembre 2016, pp. 47-75 47 LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES AU MAROC À LA LUMIÈRE DE LA LÉGISLATION ET DE LA JURISPRUDEN­ CE CONSTITUTIONNELLE Adil Moussebbih1 I. INTRODUCTION – II. LE CADRE JURIDIQUE DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES – III. PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES DES CANDIDATS AUX ÉLECTIONS LÉGISLATIVES – IV. VERS L’ADOPTION D’UNE LÉGISLATION NOVATRICE SUR LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE. RÉSUMÉ : Les partis politiques sont des institutions vitales dans les démocraties contemporaines. La question du financement de la vie politique est l’épine dorsale de tout système politique. Le présent article permet donc d’examiner au préalable le cadre juridique déterminant les conditions de la participation de l’État au financement des partis politiques lors des élections législatives ainsi que les critères de répartition des dotations accordées par l’État et le contrôle exercé sur les moyens octroyés. L’article se réfère dans son développement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel marocain relative à un point important introduit dans le code électoral, à savoir le plafonnement des dépenses électorales. MOTS CLÉS : Financement, partis politiques, élections législatives, campagnes électorales, légis­ lation, jurisprudence constitutionnelle, plafonnement des dépenses LA FINANCIACIÓN DE LOS PARTIDOS POLÍTICOS EN MARRUECOS A LA LUZ DE LA LEGISLACIÓN Y LA JURISPRUDENCIA CONSTITUCIONAL RESUMEN: Los partidos políticos son instituciones vitales en las democracias contemporáneas. La cuestión de la financiación de la vida política es la columna vertebral de cualquier sistema político. Este artículo permite examinar de antemano el marco jurídico para determinar las condiciones de participación del Estado en la financiación de los partidos políticos en las elecciones parlamentarias y los criterios de distribución de las asignaciones concedidas por el Estado y el control de los medios otorgados. El artículo se refiere en su desarrollo a la jurisprudencia del Consejo Constitucional marroquí en relación con un punto importante introducido en el código electoral, a saber, la limitación de los gastos electorales. PALABRAS CLAVE: financiación, los partidos políticos, elecciones legislativas, campañas electorales, legislación, jurisprudencia constitucional, limitación de gasto. THE FINANCING OF POLITICAL PARTIES IN MOROCCO, IN THE LIGHT OF THE LEGISLATION AND CONSTITUTIONAL JURISPRUDENCE ABSTRACT : The political parties are vital institutions in contemporary democracies. The issue of financing political life is the backbone of any political system. This article examines the legal framework determining the conditions of state participation in funding political parties in the parliamentary elections and the criteria of distribution of allocations awarded by the State 1 Assistant (Assistant Professor) de Droit Public à la Faculté Polydisciplinaire, Université Chouaïb Doukkali – El Jadida – Maroc. Le financement des partis politiques au Maroc à la lumière de la législation et de la jurisprudence constitutionnelle Paix et Securité Internationales ISSN 2341-0868, Num. 4, janvier-décembre 2016, pp. 47-75 48 and control over the allocated means. The article refers in its development to the Moroccan Constitutional Council’s jurisprudence regarding an important point introduced to the Electoral Code, namely the capping of election expenses. KEYWORDS: Financing, political parties, elections, election campaigns, legislation, constitutional jurisprudence, spending limits I. INTRODUCTION Les partis politiques sont des institutions vitales dans les démocraties contemporaines. Ils sont à la base de l’organisation démocratique fondée sur l’expression et la manifestation du pluralisme politique2. La question du financement de la vie politique est l’épine dorsale de tout système politique dans la mesure où les partis sont des entités publiques nécessaires au bon fonctionnement de la société3 et qu’ils confortent l’exercice démocratique en permettant l’expression de la diversité des opinions dans le respect de l’intérêt général de la collectivité. Ils constituent de ce fait un organe vital dans l’organisation de l’État démocratique4. Pour mener à bien leurs activités et assurer la pérennité de leur existence sur la scène politique, les partis doivent disposer de ressources financières appropriées. Ce besoin d’argent doit cependant être strictement règlementé, car la relation controversée entre l’argent et la politique peut mettre en péril le processus démocratique5. Certes argent et politique ont toujours entretenu des rapports ambigus, souvent sulfureux, caractérisés par une relation de dépendance réciproque. A l’époque contemporaine, les modalités de fonctionnement d’une démocratie moderne, par le jeu d’élections régulières, libres, concurrentielles et au coût en constante augmentation, ont poussé les pouvoirs publics à renforcer les dispositifs législatifs et règlementaires. Cela 2 van Biezen, Ingrid, Financement des partis politiques et des campagnes électorales, Éditions du Conseil de l’Europe, 2003 3 Conférence sur «le bilan de la démocratisation en Afrique», organisée à Libreville par l’Assemblée Internationale des Parlementaires de Langue Française (AIPLF) dont les actes ont été publiés par « Parlements et francophonie », n° 106 4 Tolini, Nicolas, Le financement des partis politiques, Dalloz, 2006, p. 467 5 Les liens qui doivent nécessairement exister entre les citoyens et les acteurs économiques d’une part, et les partis politiques d’autre part, se trouvent resserrés. Toutefois, les travers d’un tel dispositif sont bien connus, notamment le risque d’influence indue que les donateurs sont susceptibles d’acquérir sur les bénéficiaires. Adil Moussebbih Paix et Securité Internationales ISSN 2341-0868, Num. 4, janvier-décembre 2016, pp. 47-75 49 avait permis de faire face aux besoins de financement de la vie politique, tout en garantissant une totale probité quant à l’origine, au volume et à l’usage des fonds dont peuvent disposer les partis politiques6. Les aspects équivoques de la finance et de la politique, qui se manifestent à travers des flux financiers illégaux qui finissent dans les caisses des partis et dans les poches des hommes politiques, ne doivent pas occulter le caractère vital que le financement de l’activité politique revêt pour le fonctionnement de la démocratie. Il faut de ce fait, l’envisager dans une vision plus large que les seules transactions illicites7. Plus généralement, l’activité politique suppose des dépenses qui doivent être considérées comme le coût nécessaire et inévitable de la démocratie8. Pour bien fonctionner, les partis politiques doivent subvenir aux besoins de leurs organisations, employer du personnel, mener des campagnes électorales et communiquer avec l’ensemble de l’électorat. Pour pouvoir s’acquitter de ces fonctions, et d’autres fonctions nécessaires, ils doivent disposer de ressources financières appropriées. Toutefois, en raison de l’effet de distorsion que l’argent peut avoir sur le processus démocratique, il importe de règlementer convenablement son rôle9. En effet dans un monde politique en pleine mutation inhérent à un contexte de compétition exacerbée entre les partis, l’utilisation des méthodes modernes de communication politique et de véritables opérations de marketing exigent un coût exorbitant. De même, l’ampleur inégale des ressources financières dont disposent les partis, l’absence de règles encadrant leur utilisation, l’insuffisance des moyens disponibles, entrainent un surcroit de dépenses susceptibles de conduire à un recours aux ressources occultes, ainsi qu’à toutes sortes de pratiques répréhensibles. La révélation d’importants scandales politico-financiers a provoqué une prise de conscience de la 6 Tolini, N., op cit., p 13 7 Ibid. 1 8 van Biezen, I. op cit. 9 Ibid. 4 Le financement des partis politiques au Maroc à la lumière de la législation et de la jurisprudence constitutionnelle Paix et Securité Internationales ISSN 2341-0868, Num. 4, janvier-décembre 2016, pp. 47-75 50 nécessité d’agir contre ce fléau dans les grandes démocraties, notamment en Allemagne10, aux États Unis11 et en France12 et en Grande Bretagne13. Il est désormais admis que la consolidation de la démocratie requiert d’une part l’atténuation des inégalités à travers l’allocation équitable des ressources publiques et, d’autre part, l’adoption de mesures d’accompagnement visant à assainir les mœurs politiques, à lutter contre certaines dérives pernicieuses liées à l’argent dans ses rapports avec la politique, et à combattre le financement occulte des partis politiques14. Au Maroc, à l’instar d’un bon nombre de pays développés comme le Canada, l’Allemagne, la France, la Belgique, les pays scandinaves, des réformes législatives en matière de financement des partis politiques ont été introduites au cours des années quatre-vingt dix. Ces réformes ont coïncidé avec la volonté des pouvoirs publics d’assurer une plus grande ouverture démocratique et de renforcer le rôle des partis politiques dans la structuration 10 Le principe de transparence des comptes a été inscrit dans la constitution allemande dès 1949. La loi de 1967 sur les partis politiques, modifiée à diverses reprises, pose le principe d’un financement de l’État calculé en fonction des suffrages obtenus et des montants des dons et cotisations encaissées. Chaque année les comptes sont remis au président du Bundestag. 11 Aux États-Unis, le législateur s’est employé dés la fin du XIX siècle à contenir l’immixtion de l’argent et des intérêts privés dans la sphère politique, mais c’est 12 Jusqu’a 1988, la France a été la lanterne rouge des démocraties occidentales en matière de règlementation du financement de la vie politique. Il a fallu attendre cette date, sous la pression de scandales, pour que la classe politique et l’opinion publique ne feignent plus d’ignorer que la démocratie avait un prix et accréditent un véritable cadre spécifique du financement des partis, complétant les dispositions propres aux campagnes électorales, qui allait être fortement remaniée deux ans au plus tard soit adoptée. 13 La Grande Bretagne n’a pas jusqu’en 2000 adopté de texte d’ensemble organisant uploads/Politique/ nouvelle-serie-version-electroni-que.pdf

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