Extrait de la publication Extrait de la publication Pharmacologie du Front nati

Extrait de la publication Extrait de la publication Pharmacologie du Front national Extrait de la publication DU MÊME AUTEUR États de choc : bêtise et savoir au XXIe siècle, Mille et une nuits, 2012 L’école, le numérique et la société qui vient (avec Denis Kambouchner et Philippe Meirieu), Mille et une nuits, 2012 Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue : de la pharmacologie, Flammarion, 2010 Faut-il interdire les écrans aux enfants ?, Mordicus, 2009 Pour en finir avec la mécroissance : quelques réflexions d’Ars industrialis, Flammarion, 2009 Pour une nouvelle critique de l’économie politique, Galilée, 2009 La télécratie contre la démocratie : lettre ouverte aux représentants poli- tiques, Flammarion, 2008 Réenchanter le monde : la valeur esprit contre le populisme industriel, Flammarion, 2008 Prendre soin. De la jeunesse et des générations, Flammarion, 2008 Économie de l’hypermatériel et psychopouvoir : entretiens avec Philippe Petit et Vincent Bontems, Mille et une nuits, 2007 De la démocratie participative : fondements et limites, Mille et une nuits, 2007 Le théâtre, le peuple, la passion : rencontres de Rennes, 2006 La télécratie contre la démocratie : lettre ouverte aux représentants poli- tiques, Flammarion, 2006 Mécréance et discrédit, Vol. 1. La décadence des démocraties indus- trielles ; Vol. 2. Les sociétés incontrôlables d’individus désaffectés ; Vol. 3. L’esprit perdu du capitalisme, Galilée, 2004-2006 Des pieds et des mains : petite conférence sur l’homme et son désir de gran- dir, Bayard, 2006 Constituer l’Europe, Vol. 1. Dans un monde sans vergogne ; Vol. 2. Le motif européen, Galilée, 2005 De la misère symbolique, Vol. 1. L’époque hyperindustrielle ; Vol. 2. La catastrophe du sensible, 2005 Philosopher par accident : entretiens avec Élie During, Galilée, 2004 Aimer, s’aimer, nous aimer : du 11 septembre au 21 avril, Galilée, 2003 Passer à l’acte, Galilée, 2003 La technique et le temps, Vol. 1. La faute d’Épiméthée ; Vol. 2. La déso- rientation ; Vol. 3. Le temps du cinéma et la question du mal-être, 1994-2001 Échographies de la télévision : entretiens filmés avec J. Derrida, Galilée, 1996 Extrait de la publication Bernard Stiegler Pharmacologie du Front national SUIVI DU VOCABULAIRE D’ARS INDUSTRIALIS par Victor Petit Flammarion Extrait de la publication © Flammarion, 2013. ISBN 9782081306516 Extrait de la publication Pour Alain Bideau et Gilles Couturier À la mémoire d’Elizabeth Ross Extrait de la publication Tout être humain, quelles que soient sa race, sa nationalité, sa foi religieuse ou son idéologie, est capable de tout et de n’importe quoi. Un de mes amis, Phil Lomax, m’a raconté cette histoire d’aveugle armé d’un pistolet qui, voulant tirer dans un wagon de métro sur un homme qui l’avait giflé, avait tué un innocent voyageur en train de lire paisiblement son journal sur une ban- quette, et j’ai pensé, ça alors, ça ressemble vraiment aux nouvelles qui circulent aujourd’hui, les émeutes dans les ghettos, la guerre au Vietnam, les gestes maso- chistes qui s’accomplissent en Orient. Et puis j’ai pensé à certains de nos leaders forts en gueule qui poussent nos vulné- rables frères à aller se faire tuer et je me suis dit là-dessus que toute cette violence inorganisée était comme un aveugle armé d’un pistolet. Chester Himes Nous fûmes les guépards, les lions ; ceux qui nous remplaceront seront les chacals et les hyènes. Giuseppe Tomasi di Lampedusa Extrait de la publication XI PRÉFACE Ce qu’il y a de plus bête Cet ouvrage est un instrument. Il a été conçu comme tel – et en vue de mener des luttes. Comme tout instrument, il faut le pratiquer. Et comme tout instrument, il devrait instruire ceux qui le pratiquent : à travers leurs pratiques, l’instrument tend à instruire un aspect du monde que ses praticiens ont en com- mun et surtout font en commun. Ceux qui pratiquent le piano, par exemple (ce qui s’appelle jouer du piano), instruisent la musicalité du monde sur le registre spécifique ouvert par cette lutherie – à travers eux, le piano et son art deviennent, s’individuent et font le monde plutôt que l’immonde. Et dans la mesure où un instrument doit être pra- tiqué, il faut apprendre à s’en servir : jouer du piano nécessite d’apprendre la musique. Le monde s’individue à travers l’individuation de ceux qui y vivent. Et un monde devient immonde lorsqu’il est devenu un obstacle à l’individuation de chacun et de tous. Telle est malheureusement la situation dans laquelle nous vivons. Cela provoque une très grande souffrance, une souf- france de moins en moins tolérable, et cette souffrance engendre elle-même beaucoup de bêtise, ce qui aggrave la désindividua- tion et sa souffrance. Comme la pratique du piano, qui est avant tout un plaisir, comme la promenade à vélo, ou la randonnée en montagne, ou la nage, l’instrument qu’est le présent ouvrage demande à Pharmacologie du Front national PHARMACOLOGIE DU FRONT NATIONAL XII ses lecteurs des efforts (qui peuvent aussi engendrer des souf- frances), comme il en a demandé à ses auteurs : ce n’est pas (ou ce ne devrait pas être) un objet de consommation. Cet instrument a été conçu d’abord pour combattre la bêtise. « Quelle arrogance… » penseront peut-être certains à la lec- ture d’un tel propos. D’autres se diront : « Quelle naïveté… : rien n’est plus bête que de croire que l’on peut combattre la bêtise… » Nous pensons tout au contraire que ce qu’il y a de plus bête, ce qui est même la bêtise même, la bêtise par excellence, c’est de croire et de faire croire qu’il est impossible de combattre la bêtise, et que l’on ne peut rien faire pour combattre la bêtise 1 – y compris en faisant ou en disant soi-même des bêtises, car pour combattre la bêtise, il faut nécessairement prendre et assu- mer le risque de dire et/ou de faire d’autres bêtises. Nous pensons en outre que l’idéologie régnante depuis plusieurs décennies (dite ultralibérale ou néoconservatrice) aura précisément consisté à faire croire que l’on ne peut rien faire contre la bêtise, et que, là comme ailleurs, there is no alter- native. Nous pensons également que cette idéologie a fini par conduire au gouvernement de la bêtise par la bêtise. Nous avons donc conçu cet instrument en vue de lutter contre ce gouver- nement de la bêtise par la bêtise. Et nous affirmons qu’il y a des alternatives au règne de la bêtise. La bêtise par excellence, c’est la lâcheté – qui se dissimule généralement à elle-même et aux autres en adoptant l’attitude cynique, laquelle rationalise ainsi sa paresse. Pour lutter contre la bêtise, il faut donc avoir du courage. Le vrai grand problème humain, ce n’est pas la bêtise : c’est la lâcheté. L’autre bêtise, celle qui s’oppose à la première bêtise qui pose comme un fait insurmontable que l’on ne peut rien faire contre 1. J’ai ouvert sur ce point une controverse avec les œuvres de Jacques Derrida et d’Avital Ronell dans États de choc. Bêtise et savoir au XXIe siècle, Mille et une nuits, 2012, p. 57 et suivantes. Extrait de la publication PRÉFACE XIII la bêtise, et qui encourage ainsi à la lâcheté, la seconde grande forme de la bêtise, qui ne s’oppose à la première grande forme bêtise qu’en faisant et en disant elle-même une autre grosse bêtise, c’est celle qui consiste à croire et à dire que l’on pourrait vaincre la bêtise. Cette grosse bêtise caractérise ce que certains philosophes du XXe siècle – en particulier parmi les Français – ont pris l’habi- tude d’appeler « la Métaphysique ». En cela, cette bêtise est pra- tiquement au fondement de la conception occidentale du savoir (et c’est à cela que s’opposait Jacques Derrida en soutenant à l’inverse et selon nous à tort que l’on ne peut rien contre la bêtise, et qu’elle gagne toujours). Au contraire de cette « Métaphysique », lutter contre la bêtise en sachant qu’elle revient toujours, comme le rocher de Sisyphe retombe inévitablement, c’est assumer un point de vue que nous appelons ici pharmacologique : c’est assumer la situation des êtres pharmacologiques que nous sommes, et dont Sisyphe dit la gra- vité. C’est assumer un point de vue qui pose que le meilleur (ariston), le curatif, le bienfait ou le bénéfice qu’est un phar- makon 1, cela peut toujours et cela doit toujours finir par se retourner en pire, en « maléfice » (en poison, et en particulier, en bêtise) – et réciproquement. Cette réciproque signifie que le courage, c’est ce qui ne renonce jamais à cette prendre sa part de responsabilité dans cette réciprocité. Lutter contre la bêtise, c’est alors pratiquer une thérapeutique. Cette Pharmacologie du Front national et ce Vocabulaire d’Ars Industrialis forment un instrument livresque (de la famille des instruments spirituels 2) qui pose en principe premier que lui- même ne peut en aucun cas échapper à la bêtise, et doit donc être pratiqué comme un pharmakon, c’est-à-dire mis au service d’inventions thérapeutiques. 1. Cf. infra, le Vocabulaire d’Ars Industrialis, entrée « Pharmakon, phar- macologie », p. 421. 2. Cf. Stéphane Mallarmé, « Le livre, instrument spirituel uploads/Politique/ pharmacologie-du-front-na.pdf

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