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15/10/2020 Sandra Teroni et Wolfgang Klein : Pour la défense de la culture www.vox-poetica.org/entretiens/intTeroniKlein.html 1/22 ACCUEIL ARTICLES ENTRETIENS DOSSIERS SFLGC REVUE POUR LA DÉFENSE DE LA CULTURE Entretien avec Sandra Teroni et Wolfgang Klein, auteurs de Pour la défense de la culture. Les textes du Congrès International des écrivains. Paris, juin 1935., Éditions Universitaires de Dijon, 2005. Annick Louis: La publication de Pour la défense de la culture. Les textes du Congrès international des écrivains. Paris, juin 1935 est un véritable événement. L'ouvrage permet, en effet, de reconstruire en détail les circonstances dans lesquelles s'est déroulé un épisode essentiel de l'histoire culturelle des années du fascisme, le premier Congrès de l'Association Internationale des Écrivains pour la Défense de la Culture. Organisé en 1935 à Paris, il a réuni des représentants de trente huit pays – parmi lesquels André Gide, Romain Rolland, Julien Benda, Robert Musil, Aldous Huxley, Ilya Ehrenbourg, André Malraux, Bertolt Brecht, Max Brod, Klaus Mann, Johannes Becher, Alexeï Tolstoï, Waldo Frank, Paul Nizan, Henri Barbusse, Alfred Kantorowicz, Gaetano Salvemini, Lion Feuchwanger, Heinrich Mann, Tristan Tzara, Ernst Bloch, Louis Aragon, Gustav Regler, Sophia Wadia, Jean Guéhenno, Boris Pasternak, Isaak Babel, René Crevel, Georges Dimitrov, Forster, Georges Friedmann, Ivan Luppol, Boris Pasternak, et bien d'autres. Jusqu'à présent, on ne disposait que de publications et d'informations partielles; mais cet ouvrage permet de connaître enfin les convergences, les affrontements, les malentendus, la portée et les limites de cette rencontre. En plus des textes, le volume présente de nombreuses photos et caricatures qui rendent l'événement très vivant. Ma première question est donc de quelle façon l'image qu'on avait de la militance anti-fasciste de l'époque s’est vue modifiée par la publication de la totalité des interventions et par la reconstruction des circonstances qui ont entouré cette réunion? La thématique anti-fasciste apparaît-elle sous un angle nouveau grâce au détail de ces journées? ST : La publication complète des discours prononcés au Congrès international des écrivains de 1935 ainsi que la reconstruction des vox-poetica Lettres et sciences humaines 15/10/2020 Sandra Teroni et Wolfgang Klein : Pour la défense de la culture www.vox-poetica.org/entretiens/intTeroniKlein.html 2/22 circonstances qui ont permis le congrès et dans lequel celui-ci s’est réalisé modifient d’abord l’idée que l’on s’était faite de cet événement, une idée plutôt réductrice : une parade oratoire de “grands discours humanistes”, pour Furet ; un des éléments du dispositif de propagande dont l’Internationale communiste se servait à merveille selon les nécessités et les intérêts de l’Etat soviétique, pour Winock ; un événement au fond secondaire pour Hobsbawm, à qui cependant l’on doit de remarquables analyses de l’antifascisme des intellectuels. Confrontés à la dimension de l’événement et à la qualité des participants, ces jugements et ces réticences ont sollicité chez moi le désir d’aller voir de plus près ce qui s’était passé à la Mutualité en juin 1935 ; d’où la longue recherche qui s’est croisée avec celle de Wolfgang Klein et qui a abouti à une édition autant que possible complète : 665 pages, où nous avons reproduit les 126 discours et messages dans l’ordre où ils ont été prononcés et dans la version la plus proche de l’oral, ainsi que les documents préparatoires, les résolutions finales, et d’autres textes complémentaires, dans le but de faire ressortir la trame thématique et la dynamique de ces assises. Il est maintenant possible de constater la pluralité des voix qui s’y sont exprimées, l’ampleur des questions qui y ont été abordées, les inquiétudes qui poussèrent autant d’écrivains à se « salir les mains » avec la politique. Le travail de reconstruction de sa genèse permet d’évaluer l’écart entre les programmes et intentions des organisateurs et l’événement réel, entre le programme officiel et le déroulement effectif des séances. La modification, en cours de route, des relations avec l’U.R.S.S., depuis l’ébauche d’une idée en marge du Congrès des écrivains soviétiques de 1934 jusqu’aux interventions de Gide et Malraux auprès de l’ambassade soviétique avant et après le Congrès ; le rôle joué par ces deux écrivains, mais aussi par Benda, Heinrich Mann, Musil, Huxley, Salvemini, Jean Cassou, les surréalistes, Magdeleine Paz et tant d’autres : tout cela parvint finalement à assurer au Congrès des écrivains une autonomie foncière qui n’était pas donnée au départ. Quant à l’image de la militance antifasciste de l’époque, elle s’est enrichie du fait que, par rapport à d’autres manifestations - appels, pétitions, allocutions - la forme choisie dans ce cas, celle d’un congrès international se déroulant par thèmes en neuf longues séances, créait les conditions pour développer et débattre la question, toujours ouverte, des rapports entre littérature et politique. La passion qui mobilisa les consciences par-delà les frontières nationales et idéologiques et sollicita à veiller pour empêcher la déroute complètes des démocraties, s’y exprima mêlée à un souci politique de programmes et d’organisation. En réservant une place importante aux écrivains exilés de l’Allemagne nazie et, par leur intermédiaire, à la littérature clandestine, aux expatriés italiens, aux militants venant de pays qui connaissaient déjà le fascisme ou vivaient sous sa menace, le Congrès alerta l’opinion publique sur le caractère mondial du péril. La résolution finale engageait le mouvement dans un programme assez vaste visant à jeter 15/10/2020 Sandra Teroni et Wolfgang Klein : Pour la défense de la culture www.vox-poetica.org/entretiens/intTeroniKlein.html 3/22 les bases pour une solidarité internationale réellement opératoire. L’Association internationale des écrivains pour la défense de la culture (AIEDC) à laquelle le Congrès donna lieu allait dans cette direction et formulait un programme concret d’organisation de la solidarité et de la coopération; ce programme resta en grande partie non réalisé, mais l’Association réussira malgré tout à organiser le IIème Congrès international pour la défense de la culture en Espagne, en pleine guerre civile, en juillet 1937. Si l’antifascisme fut prioritaire et décisif dans cette mobilisation, le sentiment que la culture était menacée sur plusieurs fronts travaillait les consciences plus qu’il ne paraît : en dépit de toutes les mesures préventives, la question de la répression de la dissidence en URSS éclata ; l’idée que la liberté d’expression était aussi en danger dans les pays démocratiques était largement partagée ; et une grande place était faite à l’expression du malaise pour une menace venant de l’intérieur d’une culture qui souffrait de son isolement, voire de sa mauvaise conscience. Certes, son grand paradoxe consiste en ce que la défense des libertés de création et d’expression considérées comme des valeurs universelles n’empêcha pas un acte de foi, voire l’aveuglement, par rapport à la réalité du stalinisme. Nous chercherions en vain dans ces discours les échos des quelques témoignages remettant en doute la fidélité du régime soviétique aux principes de la Révolution d’Octobre : à partir du récit du voyage non officiel de Panaït Istrati en 1927 jusqu’au Staline de Boris Souvarine, qui venait de paraître chez Plon après que Gallimard l’avait refusé. Et cependant, la dissidence politique arriva quand même à s’exprimer, voire à protester – au nom même des principes qui animaient l’Assemblée – contre la répression dans le pays du socialisme et contre la tentative d’évacuer le problème. Gaetano Salvemini, un historien de tradition libérale et l’un des personnages les plus prestigieux de l’émigration antifasciste italienne, puis Magdeleine Paz firent éclater le cas de Victor Serge ; et, malgré la virulence des réactions immédiates, dès le lendemain Malraux et Gide, ainsi que Romain Rolland à Moscou, entreprirent des démarches auprès des autorités soviétiques qui aboutirent à la libération de l’écrivain. AL: Comment avez-vous pu reconstituer l'arrière plan de ce Congrès? WK : C’était une recherche en plusieurs étapes – avec toutes les joies du puzzle. Les débuts remontent aux années 1970. Alors jeune chercheur en République Démocratique Allemande, j’ai trouvé des références au Congrès au cours d’une recherche sur les écrivains français regroupés autour de la revue Commune. J’ai alors eu affaire à une première légende concernant ce congrès, propre à l’Allemagne de l’Est : l’idée que c’étaient les écrivains antifascistes allemands en exil qui l’avaient organisé. Or, le rôle au moins public des Français de gauche, et de quelques soviétiques, comme Ilya 15/10/2020 Sandra Teroni et Wolfgang Klein : Pour la défense de la culture www.vox-poetica.org/entretiens/intTeroniKlein.html 4/22 Ehrenbourg, sautait aux yeux. Les archives que je pouvais consulter au début de mon travail étaient littéraires – à Berlin : les fonds des écrivains allemands, de Johannes R. Becher avant tout, à l’Académie des Beaux-Arts ; à Moscou, les documents rassemblés à l’Institut de la littérature mondiale à Moscou par Ivan Luppol, juste après le Congrès, en vue des actes qu’il publia en russe, en 1936 ; à Paris, le Département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale avec, avant tout, les papiers de Jean-Richard Bloch, et le Fonds Doucet, avec tout un dossier du Congrès. Tout cela était important pour reconstituer les discours tenus, évidemment ; mais on pouvait aussi, à partir des correspondances avant tout, mieux comprendre le caractère franco-soviético- allemand de l’arrière-plan qui vous intéresse – jusque dans les détails des relations entre ces écrivains. Tout cela formait la base pour une première tentative de documenter le Congrès, qui donna lieu uploads/Politique/ sandra-teroni-et-wolfgang-klein-pour-la-de-fense-de-la-culture.pdf

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