Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 Ecole doctorale 267 Arts du spectacle, S
Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 Ecole doctorale 267 Arts du spectacle, Sciences de l’Information et de la Communication (ASSIC) Thèse de doctorat Discipline : Etudes théâtrales Armelle TALBOT Théâtres du pouvoir, théâtres du quotidien. Nouvelles économies du visible dans les dramaturgies des années soixante-dix Thèse dirigée par Christine HAMON-SIRÉJOLS Soutenue le 19 novembre 2007 Membres du jury : Jean-Louis BESSON Bernadette BOST Yves CHEVREL Jean-Pierre SARRAZAC 2 Remerciements A Christine Hamon-Siréjols qui a accepté de diriger cette recherche, avec la bienveillance et la vigilance dont elle avait besoin. A Jean-Pierre Sarrazac dont les écrits comme le regard ont continûment accompagné ce travail, ont nourri son inspiration et aiguisé ses exigences. A Michel Deutsch, Michèle Foucher, Jacques Lassalle et Jean-Paul Wenzel qui m’ont donné accès à leurs archives personnelles et ont bien voulu me faire partager quelques-uns de leurs souvenirs. A Lucien et Micheline Attoun qui m’ont chaleureusement accueillie pendant plusieurs mois à Théâtre Ouvert où est né ce projet. Aux équipes du Théâtre National de Strasbourg, du Théâtre de l’Aquarium, de l’Institut National de l’Audiovisuel, de la S.A.C.D. et de la Bibliothèque Gaston Baty qui m’ont guidée dans mes investigations et m’ont fait profiter de leur documentation. Aux membres des Groupes de recherche « Poétique du drame moderne et contemporain » (Paris III-Sorbonne Nouvelle), « Théâtres politiques » (Paris X-Nanterre) et « Lecture et Réception du Texte Contemporain » (Lyon 2-Université Lumière), aux écrits et aux échanges qui m’ont permis d’affiner ma méthode d’analyse et d’approfondir mes pistes de recherche. A Florence Rougerie pour ses éclairages bienvenus sur la langue allemande. A Guillaume Sibertin-Blanc pour sa lecture attentive, et pour le reste. 3 Sommaire Introduction Chapitre I. Représentation du pouvoir et pouvoir de la représentation : critique de la raison politique dans le théâtre des années soixante-dix A. Après Brecht : nouveaux usage du réel B. Politique des auteurs et renouvellement du répertoire : l’émergence d’un théâtre du pouvoir alternatif C. Théâtres du pouvoir, théâtres du quotidien : des itinéraires, une tendance Chapitre II. Des hommes illustres aux hommes infâmes A. Présence-absence de la figure de pouvoir B. Les sujets du pouvoir C. Hiérarchies privées, hiérarchies politiques Chapitre III. Théâtres du pouvoir, théâtres de l’impuissance ? La question de l’action dans les dramaturgies du quotidien A. L’économie politique des gestes quotidiens B. Du quotidien au fait divers C. Résistances Chapitre IV. Ordre et désordre du discours A. Discours du dehors B. La parole des sans-paroles : formes et enjeux d’une recherche Conclusion Bibliographie Index Table des matières détaillée 4 26 27 51 112 191 193 246 311 370 373 427 473 523 524 596 645 654 680 687 4 Introduction La juste procédure de découpe du réel me paraît passer par une évaluation de rapports de pouvoir qui ne se manifestent plus exclusivement au niveau de l’appareil d’Etat, mais qui nous traversent complètement, qui traversent les corps. Il faut donc promouvoir, comme dit Foucault, des séries de « micro- analyses ». Et pour cela, il faut changer d’échelle. Michel Deutsch, 1976 Le schéma qui veut qu’il y ait d’un côté les appareils de pouvoir et de l’autre la grande masse des gens qui en serait démunie est un peu trop abstrait. Dans la famille, dans la vie quotidienne par exemple, il y a une foule de détails anecdotiques qui permettent de contraindre l’autre, de normaliser ses rapports. Chacun le sait. Manger pas manger, quoi manger, à quelle heure manger, dormir pas dormir, être à l’heure ne pas être à l’heure, se laver ne pas se laver, etc. etc. C’est dans la mesure où nous serions capables de comprendre ces détails autrement que comme des détails, ou des anecdotes, de les inscrire dans un imaginaire, que nous pourrions commencer d’appréhender une mythologie du quotidien. Dominique Muller, 1976 - Rapport dialectique entre le vie de travail et la vie domestique – publique / privée – privée / publique. - Comment la vie de travail (rapport d’oppression et de lutte) est incrustée dans la vie domestique. - Comment les commandements bourgeois sont intériorisés par la classe ouvrière. - Comment l’idéologie dominante traverse le langage et les comportements. Jean-Paul Wenzel et Claudine Fiévet, 1976 Il m’intéresse d’explorer de très près les retombées de la réalité socio- historique sur un terrain où, traditionnellement, on ne le fait pas. Comment, par exemple, cela peut s’intérioriser, dans la quotidienneté, sur le terrain de l’affectif, du sexuel, du domestique. […] Nous pouvons garder la nostalgie, depuis Brecht, d’un grand Théâtre de l’Histoire. […] Mais le présent vécu, intériorisé, de tant de formes d’oppressions, d’inaccomplissements ne nous sollicite pas moins, sur leur apparente banalité. Jacques Lassalle, 1977 Le théâtre ancré dans le quotidien, c’est avant tout une capacité de trouver le plus extrême intérêt à ce qui est le moins intéressant, de porter le quelconque, le tout-venant, au sommet de ce qui importe. N’est-elle pas quelque part de ce côté-là, avec des contours à peine encore dessinés, la forme de subversion adaptée aux formes d’oppression d’aujourd’hui ? […] Aujourd’hui les voies de la domination nous apparaissent se traçant de tous les côtés, et face aux systèmes oppressifs qui s’enchevêtrent pour mieux nous tenir, il ne se dégage pas clairement de vérité qui vaille le combat. Alors la distanciation, qui plus que jamais importe dans l’acte théâtral, […] s’intériorise […]. Elle réside, au niveau moléculaire de ce théâtre, dans le refus de ce qui est attendu. Michel Vinaver, 1981 5 Placée sous le sceau du quotidien, une part importante de la production théâtrale des années soixante-dix est marquée par la volonté de rendre visibles ceux qui ne le sont pas, de faire accéder à la lumière ce qui en est habituellement exclu. Geste doublement paradoxal : dramatiquement, parce qu’il promeut la vie ordinaire et apparemment insignifiante de gens sans histoire au rang d’objet théâtral digne d’être représenté ; politiquement, dans la mesure où, prenant le parti du plus grand éloignement par rapport aux lieux canoniques du pouvoir, il ne renonce pas pour autant à sa représentation mais s’attache au contraire à en révéler les modes imperceptibles de fonctionnement. Citées en exergue, les déclarations de Michel Deutsch, Dominique Muller, Jean-Paul Wenzel, Claudine Fiévet, Jacques Lassalle et Michel Vinaver montrent en effet que la réévaluation de l’anodin et de l’infime est indissociable d’une compréhension extensive du pouvoir1. Qu’elles soient maintenues comme horizons d’analyse ou plus radicalement désavouées, l’opposition massive entre oppresseurs et opprimés et les formes spectaculaires de conflictualité qu’elle implique ne permettent pas de cerner des processus de domination anonymes et diffus qui fonctionnent par « incrustation », « intériorisation », « traversée »… et s’insinuent dans les recoins les plus obscurs de la vie quotidienne. Le défi théâtral que suscite la mise en lumière de tels processus s’offre ainsi comme le point de convergence des différentes recherches qui essaiment pendant la décennie : comment rendre visible un pouvoir qui a cessé de s’imposer de l’extérieur à ses sujets ? au prix de quels aménagements – changement d’échelle, découpe du réel, effets moléculaires de distanciation – la forme dramatique peut-elle représenter les opérations de détail, prescriptions sans paroles, assujettissements sans maîtres, par lesquelles le pouvoir informe les actes, les corps et les discours des individus ? Conjuguant ce questionnement esthétique à l’approche historique du contexte qui l’a vu naître, notre étude se propose d’analyser les formes et les enjeux de cette nouvelle économie de la visibilité qui engage tout à la fois l’exercice du pouvoir et ses modes de figuration théâtrale. Le pouvoir au quotidien : nouvelles économies dramatiques de la visibilité Certes, le quotidien ne constitue pas une terra incognita du champ théâtral à l’heure où émergent les dramaturgies qui nous occupent. Depuis le XVIIIe siècle, il n’a cessé au 1 Cf. Michel Deutsch, « Les rapports de pouvoir qui traversent les corps », in Jean-Pierre Sarrazac, « L’Ecriture au présent. Nouveaux entretiens », Travail théâtral, n° 24-25, juillet-décembre 1976, p. 94 ; Dominique Muller, « Fragments », TNS Actualité, n° 21, 17 février 1976 ; Jean-Paul Wenzel et Claudine Fiévet, « Théâtre quotidien. Axes de travail », 1976 [inédit] ; Jacques Lassalle, « Risibles amours », Théâtre/public, n° 16-17, printemps 1977, pp. 54-55 ; Michel Vinaver, « Une écriture du quotidien » (1981), in Michel Vinaver, Ecrits sur le théâtre, t. 1, réunis et présentés par Michelle Henry, Paris, L’Arche, 1998, pp. 128-131. 6 contraire de s’offrir comme le moteur d’une vaste révolution optique prônant la conversion de notre regard pour le diriger vers les franges les moins exposées de l’existence et l’histoire du théâtre, de Diderot jusqu’à aujourd’hui, pourrait bien être envisagée sous le prisme de ce que Jean-Pierre Sarrazac appelle sa « quotidiennisation »2. Dès lors que fut contestée la clause des états et des styles qui régissait la dramaturgie classique et réservait à la bassesse de la comédie, de ses personnages et de sa prose, le droit de montrer le quotidien pour en rire3, le théâtre s’employa à « faire apparaître ce qui n’apparaît pas » et à « dire les derniers degrés, et les uploads/Politique/ theatres-du-pouvoir-theatres-du-quotidie-pdf.pdf
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- Publié le Mai 24, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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