O p t i m u m , L a r e v u e d e g e s t i o n d u s e c t e u r p u b l i c •

O p t i m u m , L a r e v u e d e g e s t i o n d u s e c t e u r p u b l i c • v o l . 3 0 , n o 2 43 Les pouvoirs et les responsabilités associés à la fonction de présidente d’un organisme parlementaire indépendant et le rôle joué, dans le passé, par les titulaires du poste qu’on m’avait confié dans l’évolution de l’organisme sont deux choses que j’ai apprises lorsqu’on m’a nommée présidente de la Commission de la fonction publique (CFP), en 1994. J’avais déjà décidé de suivre la voie tracée par John Carson, qui avait assumé la direction de la Commission du Service civil – comme on appelait alors la CFP – entre 1965 et 1976, une période agitée, marquée par la prise de conscience de la dualité linguistique canadienne ainsi que l’émergence de l’idée d’égalité entre les sexes. Rappelons que la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme a été établie en 1963 et que c’est en 1969 que la CFP a publié son rapport sur la situation des femmes travaillant au sein de la fonction publique fédérale. C’est aussi durant cette période qu’on a commencé à avoir recours à la négociation collective dans la fonction publique ainsi qu’à procéder à des examens de la gestion et de la gestion du personnel. John Carson a profité de son mandat pour faire évoluer les opinions au sujet de la fonction publique, en en assumant la direction de façon éclairée durant une période difficile. C’est pourquoi je suis particulièrement honorée d’avoir été choisie, cette année, pour donner la conférence John Carson. Je suis aussi heureuse d’avoir ainsi l’occasion de faire part de mes réflexions sur certains enjeux qui sont apparus au cours de mes cinq années à la présidence de la CFP et qui me préoccupent aujourd’hui. Ces enjeux concernent la saine conduite des affaires publiques au Canada. On a longtemps considéré la CFP comme un bureau du personnel, dont le rôle se limitait à veiller à ce que les fonctionnaires soient recrutés et promus selon leur mérite. Sous la présidence de John Carson, la CFP a participé à une « révolution » au sein de la fonction publique, en faisant comprendre aux gens qu’il fallait que la fonction publique fédérale soit représentative de la population qu’elle sert. Il a observé et compris l’importance de la langue et de l’équilibre entre les sexes et a contribué à changer pour toujours l’idée que nous avons de la fonction publique. La période durant laquelle j’ai été présidente de la CFP (de 1994 à 1999) a aussi été agitée, mais pour des raisons Les critères de la bonne gouvernance Ruth Hubbard La Conférence J.J. Carson 1999 Ruth Hubbard est conseillère principale au Bureau du Conseil privé. De mai 1994 à juin 1999, elle a été présidente de la Commission de la fonction publique, où elle a pris en main le dossier du renouvellement et du perfectionnement des fonctionnaires. Sous sa direction, le système de dotation a été modifié et de nouvelles politiques d’apprentissage, de recours et de recrutement ont été élaborées. Mme Hubbard, qui a entrepris sa carrière de fonctionnaire en 1963, a assumé plusieurs postes comportant de plus en plus de défis à Statistique Canada et au Secrétariat du Conseil du Trésor. À partir de 1988, elle a rempli les fonctions de sous-ministre dans plusieurs ministères, notamment à Approvisionnements et Services Canada, à Emploi et Immigration Canada, à Revenu Canada – Douanes et Accise, de même qu’à la Monnaie royale canadienne. Mme Hubbard détient une maîtrise en analyse mathématique de l’Université Ohio State et un baccalauréat en mathématiques, en chimie et en espagnol de l’Université Queen’s. Elle a aussi suivi le programme de perfectionnement des cadres offert par l’Université Harvard. L e s c r i t è r e s d e l a b o n n e g o u v e r n a n c e O p t i m u m , L a r e v u e d e g e s t i o n d u s e c t e u r p u b l i c • v o l . 3 0 , n o 2 44 bien différentes. La mondialisation tant de l’information que des marchés était en voie de se réaliser – une première dans l’histoire de l’humanité –, tandis que le monde devenait plus « interconnecté » et plus complexe que jamais, se transformant à un rythme jamais vu. Plus près de nous, le Canada était aux prises avec un déficit considérable et, comme d’autres pays, faisait face à un mécontentement de plus en plus grand de la population à l’égard du gouvernement. Tout à coup, le « métier » de fonctionnaire consciencieusement appris amorçait une importante mutation, qui ne pouvait pas se limiter à une simple orientation vers les résultats. Ce que j’ai pu constater au cours de cette période, c’est que la CFP n’est pas qu’un bureau qui assume un certain nombre de fonctions liées à la gestion des ressources humaines dans le contexte de la fonction publique – fonctions par ailleurs importantes –, mais qu’elle est aussi une organisation qui doit avoir une compréhension des choses et mener ses activités à un niveau global et qui fait partie des institutions qui ont un rôle à jouer dans la saine conduite des affaires publiques au Canada. John Carson savait que la langue et l’équilibre entre les sexes étaient des éléments importants du contexte dans lequel il dirigeait son organisation, et qu’il devait donc en tenir compte. De même, dans ses rapports annuels de 1995-1996 et 1996-1997, la CFP posait certaines questions fondamentales au sujet de la fonction publique et de ses valeurs traditionnelles, des questions que personne d’autre ne posait, mais qui devaient être posées. Pour que le Canada puisse continuer de prospérer malgré certaines contraintes auxquelles il doit faire face, nous devons revoir notre conception de la conduite des affaires publiques. Nous devons en arriver à un nouveau consensus national sur ce que le Canada représente et sa place dans le monde, et entretenir ce consensus, tout en sachant qu’il évoluera avec le temps. Un tel consensus nous permettrait de faire des choix collectifs ainsi que d’examiner ensemble et d’orienter les conséquences de certains choix privés sur la société, la collectivité et l’ensemble de l’humanité. Cela exige toutefois une saine conduite des affaires publiques, ce qui signifie que nous devons penser différemment. Et je pense que la clé de cette nouvelle vision réside dans « l’art de la réforme » (ce que le professeur Yehezkel Dror désigne par le terme « reformcraft »). Pourquoi s’intéresser maintenant à la question de la bonne gouvernance? Pourquoi nous préoccuper maintenant de la question de la bonne gouvernance? D’abord, une saine conduite des affaires publiques est cruciale dans la période de bouleversements actuelle (période qui risque de se poursuivre dans un avenir prévisible). Le monde actuel se caractérise par son agitation, sa complexité, son interconnexion et sa vitesse de transformation. Notre époque se caractérise en outre par la diversification des choix qui s’offrent à l’humanité (surtout grâce à la science et à la technologie), les changements dans les valeurs de la société, l’augmentation des niveaux de scolarité, la progression des attentes et un meilleur accès à l’information (fiable ou non). En outre, nous sommes de plus en plus confrontés à l’inimaginable (certains diront à l’inconcevable). Et, pour la première fois dans l’histoire, un second facteur entre en jeu pour rendre encore plus complexe la situation : la mondialisation ou, plus précisément, la mondialisation asymétrique, c’est-à-dire la mondialisation de l’information et des marchés, mais pas de la démocratie. Au Canada, ce nouveau contexte a de nombreux effets préoccupants : la nécessité de faire face à l’inimaginable; la multiplication de nouveaux problèmes pour lesquels il n’existe pas de solutions véritablement satisfaisantes; le risque que le Canada perde de son importance sur la scène internationale; la perte de légitimité de l’appareil gouvernemental au Canada, comportant non pas un risque d’affrontement, mais un risque bien réel de mise à l’écart des pouvoirs publics, ce qui voudrait dire qu’on prendrait, sans l’intervention des gouvernements, des décisions qui exigeraient qu’on fasse des choix de société concernant l’importance relative de valeurs opposées dans de nombreux domaines – des décisions qui auraient des conséquences à long terme qui pourraient ne pas correspondre à ce qu’on veut pour le Canada ou à ce dont notre pays a besoin, qui pourraient ne pas être le résultat de choix éclairés et pour lesquelles L e s c r i t è r e s d e l a b o n n e g o u v e r n a n c e O p t i m u m , L a r e v u e d e g e s t i o n d u s e uploads/Politique/les-criteres-de-la-bonne-gouvernance.pdf

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