Théonomie appliquée : le Règlement des Provinces-Unies du Midi Après l’hécatomb

Théonomie appliquée : le Règlement des Provinces-Unies du Midi Après l’hécatombe de la St-Barthélémy où le pouvoir royal permit l’assassinat de quelque 20 000 huguenots français en août 1572, les réformés du sud commencèrent { s’organiser en vue d’une nouvelle prise d’armes. Les calvinistes se redressent après la tourmente. « On voit surgir un peu partout dans le royaume de nouvelles Genèves, des cités saintes, dont la vertu et la bravoure défient la corruption de la cour » (Jacques Madaule, Histoire de France, Tome I, p. 315). Des raids de commandos livrent aux réformés maints points stratégiques d’Occitanie nécessaires à la mise en place d’un vaste dispositif défensif. Parallèlement, des assemblées politiques se tiennent à Réalmont (Haut-Languedoc), St-Antonin et St-Pierre-de-Salles (Cévennes) { l’automne pour donner une assise légale et institutionnelle à ce mouvement. Le gouverneur catholique de Guyenne, Honorat de Savoie, rapporte des mobilisations de « confédérés » à son suzerain. En février 1573, un premier congrès d’envergure a lieu à Anduze (Bas-Languedoc) où siègent des représentants de plusieurs provinces occitanes (Albigeois, Quercy, Rouergue, etc.). Les assemblées se poursuivent à Réalmont en Mars, Montauban et Nîmes en août, encore à Anduze en novembre, et enfin des États-Généraux se tenant à Millau (Aveyron) en décembre entérinent l’essentiel de la législation approuvée aux assemblées préparatoires. À Millau, les huguenots sudistes décident d’établir un véritable pouvoir civil pour encadrer leur structure militaire opérationnelle. On appelle cette confédération de villes et de territoires les « Provinces-Unies du Midi ». Selon les lois en vigueur dans cette instance souveraine, les Conseils municipaux (élus au suffrage communal) déléguaient des députés aux Assemblées provinciales qui déléguaient elles-mêmes des députés aux États-Généraux ou Assemblée générale. Ces différents paliers de gouvernement nommaient leurs Conseils permanents respectifs. Les historiens ont tergiversé à savoir si les Provinces-Unies du Midi ont réellement formé une république sécessionniste du royaume de France. La lecture de Règlement (texte constitutif) des Provinces-Unies indique que les calvinistes d’Occitanie occidentale (ils étaient trop peu populeux en Provence pour résister) ne considéraient pas opérer une sécession totale du royaume de France, patrie à laquelle ils demeuraient attachés. Ils espéraient rendre à la France « la grandeur de son renom, l’intégrité de son État avec la fermeté des lois » alors que le parti archicatholique a jeté « opprobre et déshonneur » en « temps de paix et liesse solennelle sous une couronne nuptiale » sur « le célèbre nom de Valois et la nation française » (dixit le Préambule cité plus bas). À moyen terme, leur entreprise avait donc un côté de mission de rénovation nationale. Cependant, à court terme, les Provinces-Unies du Midi ne représentent pas moins une vraie sécession temporaire du pouvoir parisien, comme le révèle clairement l’article second du Règlement : « par provision et en attendant […le] rétablissement d’un bon État, la puissance et autorité publique sera retenue, gardée et conservée par le pays [contrôlé par l’Union] sur les avis et délibérations des États[-Généraux]… ». D’autre part, nonobstant l’éventuelle restauration d’un rapport de confiance entre la monarchie parisienne et les sujets-citoyens du sud-ouest, ces derniers souhaitaient, non seulement, faire reconnaître par Charles IX la permanence de l’institutionnalisation politique du calvinisme au Midi, mais encore plus, lui faire reconnaître l’intégration de leur nouveau système { une alliance internationale des États calvinistes (c’est ce que dévoile une requête envoyée par l’Assemblée de Montauban au roi en août 1573, cf. Janine Garrisson, Protestants du Midi, p. 177-224 et 339-348, qui est ma source principale pour cette étude). Ainsi, les architectes des Provinces-Unies du Midi voyaient leur construction comme une réingénierie définitive de l’espace politique européen. Ils étaient prêts à coopérer avec Paris, mais n’entendaient nullement se dissoudre sitôt un arrangement trouvé avec le monarque du nord. Cette république officieuse (noblesse, bourgeoise et roture s’y partageaient les offices) préparait le terrain à une potentielle sécession effective (Philip Conner, 2002, p. 136), ce qui sera tenté trop tard, en 1621-1628 (Charles Weiss, 1853, p. 13-24). Les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont nettement distingués dans la constitution politique des Provinces-Unies du Midi (longtemps avant Montesquieu !). Il est pertinent de faire ressortir les principes théonomiques (application du droit biblique au droit civil) présents dans cette documentation historique calviniste. Étant donné que le texte de Millau (décembre 1573) renvoie expressément { l’autorité des versions antérieures du Règlement (et en reprend le contenu), je me permets premièrement de me référer au texte d’Anduze (février 1573) comme législation officielle des Provinces-Unies du Midi. Nous reviendrons plus loin au texte de Millau (qui est plus définitif, mais dont la version accessible n’est pas numérotée). En voici des extraits non exhaustifs. J’ai modernisé l’orthographe et la ponctuation, mais j’ai laissé la vieille syntaxe intacte. Les intertitres sont de nous (mais pas les titres d’articles), de même que les preuves scripturaires. +++++ Règlement des Provinces-Unies du Midi Édicté par l’Assemblée interprovinciale d’Anduze 7 février 1573 A tous présents et advenir, Soit notice que ce jourd’hui, septième février mil cinq cent soixante-treize, les manants [ruraux] et habitants du pays du Languedoc [et d’Occitanie plus largement] — tant de la noblesse que du commun État — faisant profession de la religion réformée, convoqués et assemblés […] en la ville d’Anduze après avoir invoqué le nom de Dieu pour l’assistance et vertu du Saint-Esprit, ont unanimement avisé, conclu et arrêté ce qui s’ensuit. […] Ils protestent et jurent par main levée devant Dieu et Ses anges […] qu’ils n’ont [pas] entrepris la levée et ne poursuivent [pas] la voie des armes par haine ni par ambition de liberté humaine ou autre mauvaise affection. […par précaution diplomatique, les rédacteurs feignent ensuite accorder le bénéfice du doute au roi Charles IX qu’ils savent sciemment être à moitié responsable du massacre de la St- Barthélémy…] En ces justes occasions, lesdits manants et habitants du pays ont résolu que pour empêcher de leur part [Catherine de Médicis et le duc de Guise] les inconvénients qui semblent pencher sur nos têtes, ils prendront et tiendront toutes les armes en mains pour se rendre les plus forts contre ces monstres d’iniquité, conjurés ennemis de Dieu et de la royauté, déshonnêteté de la loi publique et du repos commun. Et s’ils les peuvent affaiblir ou divertir de leur méchanceté, ils ont délibéré [les huguenots] se joindre { quelque force avec laquelle ils puissent s’aider et employer à chasser les consuls auteurs et nourriciers de la tyrannie exercée contre la jeunesse, l’honneur, l’État et volonté du roi […] ils espèrent aussi que par ce moyen et arme accessoire leur être conservé […] la liberté de prédication de l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ [et] à l’avancement de Son règne […]. Article I — [explication préliminaire] : Et pour acheminer toutes choses à cette bonne et louable fin, par un bon ordre a été arrêté de l’avis d’aucuns [de plusieurs] principaux magistrats de la justice qui sont de la religion [réformés] préservés comme un résidu en la province [rappelons que le parti huguenot avait récemment été décapité { Paris] avec lesquels les députés de l’Assemblée ont pour cet effet conféré. Se doter de dirigeants moralement intègres Article VII — Police des villes et lieux : Pour la police des villes et lieux, les élections des consuls se feront selon la coutume sans distinction de religion aux lieux où les catholiques se seront bien et accomodément comportés, et aux autres [lieux], entre ceux de la religion [réformée] seulement. Article XVII — Confirmation des capitaines et nomination : [On] les fera présenter au Conseil du pays afin qu’on puisse reconnaître par témoignage leurs mœurs, conditions et comportements passés et sur cela l’appréhender ou le refuser [tel qu’ils] le verront expédient […]. Limitation de la taxation Article XI — Prohibition d’imposition : Il ne se fera aucune imposition générale ou particulière sans expresse commission ou ordonnance des États [confédéraux] […] Illégalité de la corruption fiscale Article XVI — Touchant le Gouverneur général du pays : […] Sera élu un Gouverneur général [et] provincial et les États [confédéraux et provinciaux] connaîtront de ses actions en cas qu’il y ait plainte contre lui de malversation ou autre [chose] important à la sûreté du pays en général ou particulier. Aliénation des possessions matérielles des païens guerroyant contre le peuple de Dieu Article XXIII — Biens des papistes : Quant aux biens des papistes faisant la guerre ou y favorisant, chaque ville pourra faire à sa discrétion. Soumission des magistrats à la loi Article XXIX — Observations et ordonnances : Et seront tenus les gouverneurs généraux et particuliers de faire garder strictement cette ordonnance [XXVIII : sur la distribution de butins légitimes]. Devoir civique des sujets-citoyens Article XXXVI — Exhortation à tous de se déclarer pour la cause : Tous gentilshommes et autres aptes au service public de cette cause seront exhortés [de] se déclarer et de s’y employer sans plus différer autrement, sinon ils seront tenus pour déserteurs et ennemis. Structuration militaire du corps civique Article XLIIII — De l’enrôlement des hommes : Seront enrôlés en chacun lieu […] tous hommes aptes { porter armes uploads/Politique/ theonomie-appliquee-le-reglement-des-provinces-unies-du-midi.pdf

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