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1 2 3 Par ce mot de « gouvernementalité », je veux dire trois choses. Par « gouvernementalité », j’entends l’ensemble constitué par les institutions, les procédures, analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d’exercer cette forme bien spécifique, quoique très complexe, de pouvoir, qui a pour cible principale la population, pour forme majeure de savoir l’économie politique, pour instrument technique essentiel les dispositifs de sécurité. Deuxièmement, par « gouvernementalité », j’entends la tendance, la ligne de force qui, dans tout l’Occident, n’a pas cessé de conduire, et depuis fort longtemps, vers la prééminence de ce type de pouvoir qu’on peut appeler le « gouvernement » sur tous les autres : souveraineté, discipline et qui a amené, d’une part, le développement de toute une série d’appareils spécifiques de gouvernement [et, d’autre part,] le développement de tout une série de savoirs. Enfin par « gouvernementalité », je crois qu’il faudrait entendre le processus ou, plutôt, le résultat du processus par lequel l’État de justice du Moyen Âge, devenu aux XVe et XVIe siècles État administratif, s’est retrouvé petit à petit « gouvernementalisé ». Michel FOUCAULT, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France (1977-1978), édition établie sous la direction de François Ewald et Alessandro Fontana par Michel Senellart, Paris, Gallimard, EHESS, Seuil, 2004, (1re édition, 1978), p. 111-112. 4 5 Sa Majesté travaille infiniment à dresser des secrétaires nouveaux, lui mesme faict les dépêches, et avec une grande sollicitude il prend la peine de voir tout. Il veut monstrer par là qu’il est bastant (si son corps pouvoit soustenir le travail que son esprit luy proposeroit) d’expédier luy seul et rendre compte de toutes les afayres de son royaume. Ce changement à qui l’imagine offence un millier de ses subjects et va au dedens des courts de Parlement si advant que tous ceux qui ont esté poussez de la faveur de ceux-cy qu’on rejecte à cet’heure se ressentent de l’infélicité de leurs promoteurs, et ces cours-là en sont plaines. Nonobstant tous ces esgards et que telles personnes peuvent devenir mal affectionnez à Sa Majesté, il n’a pas laissé de faire monde nouveau et de chasser dehors tout ce qui l’ombrageoit jusques à défendre aux nouveaux venuz d’employer ou se servir à peine de la vie d’aucun de ceux qui avoyent servy les précédents — de manière que par ce moyens, si son conseil estoit fenestre, il a bouché les portes aux princes estrangers qui pourroyent avoir practique 6 parmy ses antiens serviteurs de [ne] plus regarder par là dedens ses desseings. René de Lucinge à Charles-Emmanuel Ier de Savoie, 24 septembre 1588, Paris. Id. Lettres de 1588 : un monde renversé, James J. Supple (éd.), Genève, Droz, 2006, p. 285. 7 Giorgio Silvestrini, Le Magistrat, 2015, huile sur toile, 130 x 90 cm (Galerie Eva Hober, Paris). 8 9 Remerciements. Je tiens à remercier Olivier Poncet pour sa direction bienveillante et rigoureuse. Sa constante et juste inquiétude intellectuelle construisit pour moi les cadres utiles au sein desquels je fis l’expérience de la liberté. Ma gratitude va ensuite à l’ensemble de mes professeurs et à travers eux à tous ceux qui contribuent quotidiennement à tenir ensemble les pièces fragiles du service public de l’éducation nationale. Je remercie ceux qui, les premiers, me donnèrent le goût de l’histoire, et spécialement de l’histoire moderne. Je pense tout particulièrement à Denis Crouzet, Robert Descimon et Nicolas Le Roux. Je suis redevable, pour leurs bienveillants conseils et leurs enseignements, à mes professeurs de Paris- Sorbonne, Reynald Abad, Lucien Bély, Jacques-Olivier Boudon et Alain Tallon ainsi qu’à tous ceux de l’École normale supérieure et spécialement à François Menant, Gilles Pécout, Antoine Lilti, Sophie Cœuré, Jean-François Lassalmonie, Sylvia Estienne, Claire Lemercier, Claire Zalc, Claude Kergomard et Magali Reghezza-Zitt. Mes remerciements appuyés vont à l’ensemble des conservateurs du patrimoine et des bibliothèques qui contribuèrent à faciliter ma recherche ainsi qu’aux personnels de ces établissements, ma reconnaissance va notamment au personnel du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, à Carla Zecher, ancienne conservatrice des collections spéciales de la Newberry library de Chicago et à Christine Nelson, conservatrice à la Morgan library, ainsi qu’au personnel de la Bibliothèque de l’École nationale des chartes. Je suis également très reconnaissant aux institutions qui m’accueillirent pour conduire ma recherche. Je remercie en premier lieu l’École nationale des chartes et à sa directrice, Michelle Bubenicek et l’ensemble du personnel de l’École. Je remercie ensuite la Casa de Velázquez et son directeur, Michel Bertrand, et à travers lui l’ensemble du personnel de service, technique et scientifique et notamment les directeurs des études Nicolas Morales et Laurent Callegarin. J’adresse un salut chaleureux à mes collègues des promotions passées, les membres scientifiques comme les membres artistes, de cette belle et vivante institution. Je remercie en particulier Giorgio Silvestrini pour m’avoir confié, numériquement, son Magistrat. Cette recherche fut une aventure intellectuelle collective, dont les principaux questionnements furent suscités par les échanges stimulants que j’eus avec mes collègues et notamment avec Sylvain André, Tatiana Baranova- Debaggi, Bernard Barbiche, Zoé Carles, Hugues Daussy, Camille Desenclos, Anne Dubet, Guillaume Calafat, Fanny Cosandey, Nicolas Delalande, Quentin Deluermoz, Arnaud Exbalin, Jérémie Foa, Bernardo José García García, Tiphaine 10 Gaumy, Margarita Gómez Gómez, Mark Greengrass, Bertrand Haan, Alain Hugon, Natalie Mears, Johann Petitjean, Rachel Renault, Ariane Revel, Nicolas Schapira, Jean-Frédéric Schaub, Arnault Skornicki, Marc Smith, Paola Volpini, Jean-Paul Zuñiga. J’adresse tout particulièrement à, Nicolas Iommi- Amunategui, Camille Didelon, Tiphaine, Johann et Jérémie l’expression de ma profonde reconnaissance pour leur aide indispensable durant l’achèvement de cette recherche. Enfin, les difficultés n’eurent pas beau jeu au cours de cette recherche grâce à l’entour aimant de ma famille, à la joyeuse troupe de mes amis et à ma compagne, Camille. 11 — Introduction générale — 1. L’État de la première modernité : un objet historique piégé. Le drame qui se joue au cœur de notre étude est celui d’une quête angoissée et dramatique, aussi violente dans son répertoire d’action qu’ambitieuse dans ses buts, de l’établissement d’un gouvernement royal de paix, de vérité et de justice, garantissant la concorde et l’harmonie sous le chef sacré du roi de France. Ce drame s’ouvre dans une France en proie à une féroce guerre civile, continuée en guerre européenne où la conflagration des trois grandes monarchies française, anglaise et espagnole vient durcir d’autant le conflit intérieur et lui donner vigueur, subsides et enjeux nouveaux1. Le royaume de France de la première modernité, spécifiquement à partir des années 1560 jusqu’aux années 1620, est en proie à des affrontements religieux cycliques dont l’intensité et la longueur comme la mobilisation de puissants intérêts sociaux et territoriaux armèrent la question confessionnelle d’enjeux politiques de première grandeur. Massacres, morts et destructions, bandes armées et ruine financière, prise d’armes des grands forment alors la lancinante trame de la chronique de France. Pourtant, si l’on décentre le regard et qu’on le porte sur les années 1680, 1 Laurent Bourquin, « Les défis des guerres de Religion, 1559-1610 », dans Joël Cornette (dir.), La Monarchie entre Renaissance et Révolution, 1515-1792, Paris, Le Seuil, 2000, p. 63-136. 12 le royaume est certes en guerre sur ses marges, mais c’est la mobilisation efficace et conjointe de l’État et de la gloire du roi de guerre qui en est le moteur2. L’État est restauré, le roi est glorifié. Les belles années du ministériat des cardinaux en seraient le prodrome, continuées par l’époque des grands commis à la main de Louis XIV. Cette lecture est un héritage culturel, ancien et né de l’usage politique de l’Ancien Régime à d’autres fins que scientifiques. Elle fut forgée de manière quasi contemporaine au règne de Louis XIV, notamment par Voltaire dans Le Siècle de Louis XIV publié en 1751, et continuée aux XIXe et XXe siècles3. Dans ce récit de la séquence politique de guerre civile, qui ne s’achève pas à la signature de l’édit de Nantes, loin s’en faut, le second XVIe siècle en général et les derniers Valois en particulier sont maudits4. Catherine de Médicis, Charles IX et Henri III seraient doublement coupables d’avoir détruit l’État et diminué la puissance royale, tantôt trop faibles pour maintenir le compromis sociopolitique des derniers siècles du Moyen Âge, tantôt trop exaltés dans leur défense aveugle de l’orthodoxie catholique5. Les premiers historiens des institutions souscrivirent à cette lecture, dans le sillage de la revivification de l’idéal monarchique au XIXe siècle. Certaines approches scientifiques conservent les stigmates de ce cadre de réflexion forgé à des fins politiques. La demande sociale qui pèse sur l’histoire de la première modernité a évolué et fait évoluer les objets historiques quand la discipline se constitua en sciences sociales, armée d’outils neufs qui lui étaient naguère étrangers : l’analyse des réseaux, l’enquête 2 Joël Cornette. Le Roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle (2010, troisième édition). Payot, pp.560, 2010. 3 Stanis Perez, « Les brouillons de l’absolutisme : les « mémoires » de Louis XIV en question », dans Dix-septième siècle, 2004,1, n° 222, p. 25-50 ; John Campbell, « Entre le “siècle uploads/Politique/ vd-ferrer-bartomeu-jeremie.pdf

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