MICROPOLITIQUE DES GROUPES Pour une écologie des pratiques collectives David VE

MICROPOLITIQUE DES GROUPES Pour une écologie des pratiques collectives David VERCAUTEREN Éditions HB, 2007, Politique(s) 240 Pages ISBN : 9782914581813 Publication électronique : http://micropolitiques.collectifs.net/ Thierry Müller, et Olivier Crabbé ont collaboré avec David Vercauteren à l'écriture de cet ouvrage. Tous trois ont participé, entre autres, au Collectif sans ticket et sont membres du Groupe de Recherche et de Formation Autonome (GReFA). 2 SOMMAIRE Introduction 6 Une culture des précédents 6 Qui est (dé)possédé ? Qui est séparé ? 7 Savoir royal, savoir nomade 8 Cheminement 8 Un vent du sud 10 Une étrange schizophrénie 12 L’option choisie 14 Artifices 16 Assembler 19 Deux axes imbriqués 19 A. La charpente 19 B. Le mouvement interne 20 La Borde 21 1. Une histoire transversale 21 2. Les modifications 22 3. La bascule 23 Question de rapports 25 Auto- dissolution 26 Le début ou la fin 26 Deux cas de figures illustrent cette approche. 27 Passage : la « mue » 27 Du jeu 28 Évaluer 30 1. « Évaluation contrôle » 31 2. « Évaluation signe » 31 Un signe d’une mauvaise volonté 33 Préparer et expérimenter 34 Préparer 34 Expérimenter 34 vendredi samedi dimanche 34 Événement 37 Les signes 37 Aion 38 La fêlure 38 3 Des lignes 39 Décider 41 Un mode n’est pas l’autre 41 Les absents ont toujours tort 42 Mémoire 43 Bricoler 43 Cartographie des pratiques décisionnelles d’un groupe 44 Détours 45 Se perdre 45 Fantômes 47 Une histoire n’est pas l’autre 49 D’une prise à l’autre 49 Micro-politiques 52 Prendre en compte 52 « C’est un front secondaire ! » 53 La capture de l’affect 54 La création d’une culture de soi 55 Parler 58 Le « nous parlons » 58 La magie des mots 59 Corps et paroles 60 Pouvoir 63 Le pouvoir comme… 63 …relation 64 Repères 65 Un regard 66 Problémer 68 À la recherche de l’objet 68 Repère 1 : Situation 70 Repère 2 : s’impliquer-s’expliquer 70 Repère 3 : le point de vue 71 Repère 4 : quels critères ? 72 Programmer 74 Deux semaines de tournée et sept représentations furent prévues. 75 Puissance 77 Les rapports 77 Les rencontres 78 4 Les notions communes 79 Réunion 81 Passages et repères 81 1. Préparer 81 2. La réunion 82 Rôles 84 Milieu 84 Dix et plus… 85 Princesses, serpents et facilitateurs 86 Memento 88 Scission 90 Quelques traits 90 Ça psychologise 90 Ça ru-moralise 91 Échapper 92 Silence 94 Souci de soi 96 Transformer 97 Savoir et technique de soi 98 Lier 98 Subsides 101 Il existe trois grandes catégories de subsides. 101 « Rencontre culturelle » 102 Le double discours 103 « Cela fait signe de quoi, toute cette histoire… » 104 Théories (effets des) 106 Annexes 109 Bibliographie sommaire 109 Petit lexique 110 VISUEL / TABLEAUX MURAUX 111 REPÉRAGES 111 AGENCEMENT 111 RÔLES 112 ATTENTION 112 NOTIONS 113 Rôle 113 Les Corbeaux 113 5 Les Grâces 114 Dragons 115 Serpents 116 Araignées 117 6 INTRODUCTION Tant que l’histoire des pratiques collectives ne sera pas racontée par celles et ceux qui la vivent et la construisent, ce sont les historiens qui s’en chargeront. (Proverbe du pays des deux lacs) Jadis, dans les groupes, habitait un personnage dont le nom variait selon les territoires. Ici il se faisait appeler « l’ancêtre » ; là-bas, « celui qui se souvient » ; plus loin encore, « l’appeleur de mémoire »… Souvent installé à la périphérie du groupe, il contait inlassablement de petites et de grandes histoires. Elles relataient tantôt des situations, des « pentes », des dangers dans lesquels le groupe avait été embarqué, comme bien d’autres avant lui et autour de lui, tantôt des réussites et des inventions qui avaient permis d’accroître les forces collectives. L’ancêtre transmettait également des manières pragmatiques de construire un devenir commun. UNE CULTURE DES PRECEDENTS Bien sûr, nous ignorons si de tels personnages ont jamais existé [1]. Peu importe finalement car le pouvoir de cette courte fiction a ceci d’intéressant qu’il nous invite d’abord à une question : qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que, dans nos collectivités, les savoirs qui auraient pu constituer une culture des précédents soient aussi peu présents ? Notre histoire nous entraîne ensuite dans une perspective indéterminée : que pourrait-il se passer si une attention était désormais portée à ces savoirs que fabriquent les réussites, les inventions et les échecs des groupes ? Et si l’ancêtre ou l’appeleur de mémoire se mettaient à exister ! ? Ce livre se situe donc là, à la frontière de ces deux questions où aujourd’hui nous nous tenons, en proie au désir et à la nécessité. Nécessité, car nous avons besoin d’une culture des précédents non seulement pour les savoirs qui pourraient la composer mais aussi pour la respiration, pour le dehors qu’elle serait susceptible de nous offrir : nous ne serions plus seuls au monde. De l’élan nous entrerait alors dans les plumes : on se sentirait précédé, inscrit dans une histoire qui pourrait nous rendre plus fort. Et puis de l’inspiration nous gagnerait : « Tiens, cette limite que l’on rencontre, d’autres l’ont dépassée de telle ou telle manière » ou « À entendre ce récit qui nous est rapporté, nous aurions tout intérêt à aiguiser notre vigilance sur tel ou tel point. [2] » Désir ensuite. Désir d’agencer le groupe au-delà des formes acquises, de le pousser sur le chemin d’une expérimentation qui épouserait conjointement les signes et les forces rencontrées. Autrement dit, désir de fabriquer un territoire où se déploieraient et se cultiveraient à la fois une sensibilité aux mutations qui le parcourent, une agilité dans les capacités à « nous penser » et un art du bricolage dans nos manières de faire. Nécessité donc d’un peu d’air frais, d’un pas de côté dans nos groupes. Nous nous retrouvons souvent enfermés dans des histoires qui tissent au fil du temps des nœuds, des goulets d’étranglement. À force, ceux-ci pèsent, alourdissent les gestes et les idées, ou bien nous sommes tout simplement pris dans des routines dont on ne sait même plus qui les a inventées. Et désir de s’alléger un peu la vie de toutes ces morales et théories qui viennent prescrire notre quotidien tout en nous rendant impuissants à le comprendre. Comme le suggère Michel Foucault : « N’utilisez pas la pensée pour donner à une pratique une valeur de vérité ; ni l’action politique pour discréditer une pensée, comme si elle n’était que pure spéculation. Utilisez la pratique politique comme intensificateur de la pensée, et l’analyse comme un multiplicateur des formes et domaines d’intervention de l’action politique. […] N’exigez pas de la politique qu’elle rétablisse les « droits » de l’individu tels que la philosophie les a définis. L’individu est le produit du pouvoir. Ce qu’il faut, c’est « désindividualiser » par la multiplication et le déplacement les divers agencements. Le groupe ne doit pas être le lien organique qui unit les individus hiérarchisés mais un constant générateur de « désindividualisation » [3]. Désindividualiser, dépsychologiser, sortir des disjonctions exclusives (« ou bien, ou bien »), apprendre à ralentir et à se protéger (artifices), résister à l’urgence et à ce qu’elle implique comme manière d’être ensemble… autant de petits bouts de savoir glanés par-ci par-là. Chacune [*] d’entre nous, par son expérience, a éprouvé les effets de ces logiques, de ces agencements quand ils s’imposent à soi. Tantôt en les subissant, tantôt en jouant avec. Il y a là comme une intuition qui reste en rade, qui demande à s’exprimer, à se déployer, à forcer 7 le hasard contre la répétition du déjà vu, du déjà connu. Insistance cent fois énoncée, mille fois rencontrée : on n’est pas groupe, on le devient. La possibilité de ce devenir est donc à construire. Pourtant nous cultivons peu cette micropolitique, cette construction d’une écologie des pratiques. Comme si une force nous retenait, nous maintenait sur un sol infecté de poisons. Poisons dont le pouvoir est peut-être de briser cette insistance et de la vider de sa puissance [4]. Du moins, il y a là un signe qui doit nous faire penser : comment se fait-il que, dans les groupes, la question de la micropolitique nous soit si étrangère, que nous soyons plus ou moins incapables d’appréhender sur un mode non psychologisant des problèmes comme le pouvoir, les relations, la déprime ? Quelle est cette force qui nous rend insensibles au devenir même de nos groupes, impuissants à comprendre les bifurcations, les changements, les brisures qui s’opèrent dans nos corps et dans les processus que nous mettons en place ? QUI EST (DE)POSSEDE ? QUI EST SEPARE ? Il nous faudra comprendre un jour le rapport entre cette force et la relative pauvreté culturelle qui a cours dans le champ de la micropolitique. Sans doute cette pauvreté est-elle liée à la dépossession des savoirs et des techniques produite par le capitalisme. Depuis les sorcières, en passant par les paysans, puis par les artisans, le capitalisme s’en est pris à toutes les formes uploads/Politique/ vercauteren-micropolitique-des-groupes.pdf

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