1 COHÉSION SOCIALE par Anne Plasman Septembre 2004 2 Cohésion sociale a) Défini
1 COHÉSION SOCIALE par Anne Plasman Septembre 2004 2 Cohésion sociale a) Définition(s) de la cohésion sociale Intimement liée au concept de capital social, la cohésion sociale est un des objectifs politiques les plus mis en avant ces dernières années au sein de l’Europe1. A titre d’illustration, le Conseil Européen de Lisbonne a défini en mars 2000 le nouvel objectif stratégique pour l’Union dans les termes suivants : « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale »2. Tout comme la notion de capital social, il n’existe pas de réel consensus sur sa définition3. Pour le Conseil de l’Europe4, la cohésion sociale se définit comme « la capacité d’une société à assurer le bien- être de tous ses membres, à minimiser les disparités et à éviter la polarisation. Une société cohésive est une communauté solidaire composée d’individus libres poursuivant des buts communs par des voies démocratiques. » Pour SANDERSON (2000), la cohésion sociale est « l’ensemble des processus sociaux qui contribuent à assurer à tous les individus l’égalité des chances et des conditions, le bien-être économique, social et culturel, afin de permettre à chacun de participer activement à la société et d’y être reconnu ». Judith Maxwell5 la définit de son côté comme construite sur « les valeurs partagées et un discours commun, la réduction des écarts de richesses et de revenus. De façon plus générale, les gens doivent avoir l’impression qu’ils participent à une entreprise commune, qu’ils ont les mêmes défis à relever et qu’ils font partie de la même collectivité ». 1 Pour Jane JENSON (1998), l’engouement pour ce concept relève du fait qu’il permet de mettre en relation la restructuration économique, le changement social et l’intervention politique. 2 CONSEIL EUROPEEN DE LISBONNE (2000), Conclusion de la Présidence, 23 et 24 mars 2000 3 Voir JEANNOTTE M.S. (2000), Social Cohesion around the World : an International Comparison of Definitions and Issues, Strategic Research and Analysis (SRA), Strategic Planning and Policy Coordination, Department of Canadian Heritage, December 2000 ou JENSON J. (1998), Les contours de la cohésion sociale : l’état de la recherche au Canada, Etude des Réseaux canadiens de recherché en politiques publiques 4 Voir COMITE EUROPEEN POUR LA COHESION SOCIALE (2004), Stratégie de cohésion sociale révisée, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 27 avril 2004 5 Tirée de JENSON (1998), op.cit. 3 Enfin, selon RITZEN (2000), la définition de Maxwell est essentiellement communautaire. Or l’état joue un rôle important dans la gérance des conflits et la défense des intérêts de la collectivité. Pour lui, « La cohésion sociale est un état de choses où un groupe de personnes (délimité par une région géographique, comme un pays) manifestent une aptitude à la collaboration suscitant un climat de changement qui, à long terme, profite à tous ». JEANNOTTE (2000) va à l’égard de cette diversité de définitions réaliser un exercice intéressant, celui de comparer les définitions que lui ont donné le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et l’OCDE. Le premier résultat qu’elle qualifie de surprenant est que « none of the three has an explicit or even widely accepted working definition of the term “social cohesion” ». Surprenant dans la mesure où le concept de cohésion sociale est utilisé largement dans la recherche et dans les interventions politiques. Par l’intermédiaire du tableau récapitulatif ci-dessous, l’auteur s’attache ensuite à comparer les éléments supposés constitutifs d’une société cohésive. 4 Tableau n°2 : Comparaison des éléments constitutifs de la cohésion sociale Source : JEANNOTTE (2000) Jeannotte constate ainsi que ces éléments divergent d’une organisation à une autre, le seul élément commun aux trois organisations étant l’accès sûr au bien-être matériel. Plusieurs facteurs sont par contre communs au Conseil de l’Europe et à l’Union européenne. Ces derniers sont : la protection des droits humains, l’existence d’un lien politique entre l’Etat et le citoyen, la participation active à la société, le système universel de protection sociale et le sentiment d’identité européenne. 5 En fait, parmi les trois définitions, c’est l’OCDE qui en a la définition la plus restreinte en limitant le concept aux aspects économiques et matériels tandis que celle du Conseil de l’Europe est la plus vaste. La cohésion y a été scindée en trois éléments : cohésion démocratique, cohésion sociale et cohésion culturelle6. Pour l’auteur, le Conseil de l’Europe met l’accent sur le renforcement de la citoyenneté démocratique, l’Union européenne sur la promotion de la solidarité et l’OCDE sur le droit au bien-être matériel. Le second tableau7 proposé par Jeannotte résume les éléments supposés renforcer la cohésion sociale au sein d’une société. L’auteur fait remarquer que la liste de ces facteurs est relativement restreinte en comparaison avec celle des éléments constitutifs (voir tableau précédent) ou des éléments menaçant (voir infra) et qu’à nouveau, il ne semble exister aucun consensus quant à ces facteurs. Ce tableau ne permet donc pas de tirer de conclusion générale quant aux éléments favorisant la cohésion sociale. Dans le troisième tableau proposé, ce sont les facteurs susceptibles de menacer la cohésion sociale qui sont recensés par l’auteur. Si la littérature était relativement absente en ce qui concerne les éléments la favorisant, elle est nettement plus abondante dans ce dernier cas. Il s’agit en effet d’une des grandes faiblesses de la définition de la cohésion sociale, à savoir de reposer souvent sur l’énumération des éléments qui la menace : l’insécurité d’emploi, la criminalité, la pauvreté et l’exclusion. De manière plus générale les problèmes sociaux sont autant de facteurs susceptibles d’ébranler la cohésion au sein de la société. 6 Dans sa stratégie de cohésion sociale révisée de 2004, le Conseil de l’Europe entend effectivement bâtir la cohésion sociale sur le fondement des droits de l’homme, ceux-ci permettant de mettre tous les individus sur un pied d’égalité. Il faut également les assortir de politiques sociales adéquates assurant que chacun y ait en pratique accès. 7 Voir annexe n°1. 6 Tableau n°3 : Comparaison des facteurs susceptibles de menacer la cohésion sociale Source : JEANNOTTE (2000) Il s’agit du tableau pour lequel on observe le plus d’éléments communs aux trois organisations. Ainsi, le chômage, la pauvreté et l’inégalité dans la distribution des revenus, l’exclusion sociale et la fracture numérique sont considérés par les trois organisations comme des menaces pour la cohésion sociale. Comme le fait remarquer Jeannotte, ce sont les aspects politiques et culturels qui divergent le plus. Pour finir, l’auteur conclut son analyse en remarquant les points suivants : -La définition de la cohésion sociale a, au sein des trois organisations, évolué d’un concept essentiellement économique et matériel à un concept beaucoup plus large englobant le bien-être 7 social ainsi que la cohésion culturelle et démocratique. Sur les trois organisations, c’est l’Union européenne qui a montré le plus de changement en incluant la protection des droits, une participation active à la société (y compris sur le plan économique) et un plus grand sentiment de citoyenneté. L’OCDE qui est restée la plus conservatrice dans sa définition de la cohésion sociale considérant les politiques sociales de santé, de logement et d’éducation comme des garants d’une économie saine plutôt que d’une société cohésive. -Les définitions présentent en général un point négatif. Le lien de cause à effet ne semble pas toujours clair : ainsi la protection des droits humains est-elle un résultat d’une société cohésive ou l’engendre-‘elle ? Cette question est l’objet du titre suivant. -Pour chacune des trois organisations, la cohésion sociale implique les niveaux politique, économique, social et culturel même si les organisations ne mettent pas l’accent sur le même niveau. -Enfin ces divergences dans les définitions s’expliquent par l’histoire des organisations elles-mêmes : l’OCDE a pour mandat principal la croissance économique durable et l’emploi ; l’Union européenne a dû faire face à une intégration de ses différents Etats membres et a ainsi mis l’accent sur l’inclusion et les droits sociaux favorisant la citoyenneté européenne ; le Conseil de l’Europe a pour principales priorités les droits humains et les libertés fondamentales. Dans le même ordre d’idées, JENSON (1998) va mettre en lumière cinq dimensions de la cohésion sociale en se basant sur la comparaison de quatre textes sources8. Tableau n°4 : Dimensions de la cohésion sociale Source : JENSON (1998), p.17 La première dimension qui ressort dans chacun des textes est celle du sentiment d’appartenance. Il s’agit de définir la cohésion sociale en termes de valeurs et d’identités collectives. Inversement l’isolement constitue une menace pour la cohésion. La seconde dimension également mise en évidence dans chacun 8 Le Sous-comité fédéral de recherche sur la cohésion sociale du gouvernement canadien ; le groupe d’études du Commissariat général du Plan du gouvernement français ; l’OCDE ; le Club de Rome (association internationale). 8 des quatre textes est le lien qu’entretiennent la cohésion sociale et les institutions économiques, et plus particulièrement le marché. Cette dimension est celle de l’insertion (et donc à son opposé, l’exclusion). Une société cohésive est en effet une société où l’égalité des chances est reconnue et où l’exclusion uploads/Politique/ wp2004-09cohesion-sociale-0.pdf
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- Publié le Jul 24, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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