« Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine BAKKOUR ES n°2013-0
« Un essai de définition du concept de gouvernance » Darine BAKKOUR ES n°2013-05 1 Un essai de définition du concept de gouvernance Darine BAKKOUR1 Décembre 2013 Résumé Ce papier a pour objet de préciser la terminologie du concept de gouvernance. Nous allons examiner les modes de gouvernance les plus connus, à savoir la gouvernance d’entreprise, la gouvernance publique, et la gouvernance territoriale. C’est ainsi, que nous évoquerons le concept de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE), le courant du New Public Management (NPM) et le concept de gouvernementalité de Michel Foucault (1978). Nous considérons que la gouvernance s’applique à un « système » et nous proposons une définition du concept de gouvernance d’un système, comme suit : « La gouvernance d’un système désigne les mécanismes au moyen desquels les mandataire(s) et les mandants articulent leurs intérêts et aplanissent leurs différences afin de réaliser leurs objectifs. La gouvernance désigne, par ailleurs, les institutions, qui influent sur l’exercice des pouvoirs dans les entités concernés. Enfin, la gouvernance d’un système est décrite par l’interaction participative entre les acteurs concernés à tous les niveaux ». La gouvernance est un concept holistique qui s’applique à plusieurs niveaux, et pour plusieurs objectifs, dans un environnement marqué par des conflits d’intérêts, des situations d’incertitudes et d’asymétrie d’information. Mots clés : gouvernance d’entreprise, gouvernance publique, gouvernance territoriale, gouvernementalité, new public management, gouvernance d’un système. 1 Université Montpellier 1, UMR5474 LAMETA, 34000 Montpellier, France. Av. Raymond Dugrand, CS 79606, Richter, 34960 Montpellier Cedex 2, France. E-mail: bakkour@lameta.univ-montp1.fr 2 Introduction Le terme « gouvernance » provient du verbe grec « kubernân » qui signifie « piloter un navire ou un char ». Utilisé par Platon, ce terme était employé en français comme synonyme de « gouvernement » jusqu’à la fin du XVIIIe siècle pour être repris dans le sens anglais « governance » dans les années 80. Depuis, deux nouveaux usages de la notion de gouvernance émergent dans le monde anglo-saxon où l’on a distingué la gouvernance publique de la gouvernance d’entreprise. Le concept de gouvernance est apparu, en premier lieu, dans la sphère privée comme un standard de comportement des dirigeants ou des membres du conseil d’administration leur permettant de se prémunir contre une mise en cause judiciaire de leurs responsabilités par les actionnaires. Dès lors, le concept de gouvernance n’a cessé d’envahir plusieurs domaines. Nous entendons principalement parler de « gouvernance d’entreprise », de « gouvernance publique » mais également de « gouvernance environnementale », de « gouvernance territoriale », de « gouvernance urbaine », de « gouvernance mondiale » ou encore de « e- gouvernance », ce qui n’est pas de nature à faciliter l’établissement d’une définition unique. La gouvernance est une question à laquelle se sont intéressés les chercheurs de différents domaines allant des sciences sociales, aux sciences politiques en passant par les législateurs et les institutions internationales comme la Banque Mondiale et le FMI. La polysémie du terme « gouvernance » soulève des débats. Il permet de réintroduire le pouvoir et la politique dans l’analyse économique. Par ailleurs, il pose en des termes nouveaux la problématique des liens entre État et Marché, tout en tenant compte de cet acteur que constitue la Société civile. La gouvernance est souvent évoquée et pointée du doigt lorsqu’il y a un problème de performance au sein d’un système, que l’on soit en entreprise, au niveau de l’État, d’une région, ou d’un territoire notamment. Nous évoquons alors les problèmes de gouvernance ou la « mauvaise » gouvernance, souvent sans réellement comprendre de quoi il s’agit. De même, il est frappant de constater l’absence d’une définition commune vu le grand nombre d’études et les avis souvent divergents, concernant ce domaine. 3 D’une façon générale, les modes de gouvernance renvoient à l’attribution de pouvoirs aux différents acteurs. On peut imaginer une multitude de cas allant de la délégation de pouvoirs au seul secteur privé, à la prise de pouvoir par le secteur public jusqu’à la possibilité d’une gestion commune par ces deux secteurs, sans pour autant oublier l’intervention d’un organisme international. Tout cela requiert un fondement légal solide légitimant l’intervention de l’un ou l’autre des acteurs. Nous considérons que la gouvernance s’applique à un système quel qui soit. Par système nous entendons l’idée d’organisation vue comme caractéristique fondamentale des phénomènes organisés. Cette notion de système est mise en avant par Füssel (2005 et 2007) en tant que composante principale du cadre d’évaluation du concept de vulnérabilité. Le cadre conceptuel général de Füssel (2007) est fondé sur la distinction de quatre groupes fondamentaux de facteurs comme suit : le système d’analyse, l’attribut(s), les dangers, et la référence temporelle. Le système pourra, dans la suite de cet exposé, être une entreprise, un État, une communauté, une région, ou un territoire, etc. Par la suite, nous présenterons les deux modes de base de la gouvernance, notamment la gouvernance d’entreprise et la gouvernance publique. Ensuite, nous évoquerons la gouvernance territoriale. Nous conclurons par la proposition de notre propre définition du concept de gouvernance d’un système. 1. La gouvernance d’entreprise La gouvernance d’entreprise, connue sous le terme générique de Corporate Governance (CG), est apparue au cours de la décennie 19801 pour se répandre, plus tard, dans la plupart des économies développées (Valin et al., 2006, p. 38). Cette gouvernance d’entreprise résulte de la nécessité de concilier plusieurs intérêts, souvent antagonistes, au sein des entreprises, notamment ceux des actionnaires et des dirigeants. Bien entendu, dans ce cas, le système en question est l’entreprise. 1 En politique, notamment sous les gouvernements de Margaret Thatcher en Royaume-Uni et Ronald Reagan aux États-Unis. 4 Les problèmes de la gouvernance d’entreprise résultent de la séparation entre la propriété et le contrôle du capital, du pouvoir disproportionné de certains actionnaires, du contrôle sur les actionnaires minoritaires, des salariés détenant des droits importants indépendamment de ceux qui leur reviennent en leur qualité de détenteurs potentiels du capital (OCDE, 2004). Afin de bien discerner les différentes approches de la notion de gouvernance d’entreprise, nous allons : définir la gouvernance d’entreprise ; appréhender cette notion dans une perspective d’agence ; préciser/expliciter les principes d’une « bonne » gouvernance d’entreprise. Nous finirons par une explicitation de la notion de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). 1.1. La définition de la gouvernance d’entreprise La gouvernance d’entreprise se définit comme l’ensemble des « mécanismes organisationnels qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire » (Charreaux, 1996). La définition standard de la gouvernance d’entreprise repose sur la défense des intérêts des actionnaires. Des économistes classiques d’Adam Smith (1776) à Berle et Means (1932) ont été préoccupés par la séparation de la propriété du contrôle qui est à la base de la relation d’agence entre un « Principal » et un « Agent » magistralement formalisée par Tirole (2001). Ainsi, alors que les actionnaires ont le « contrôle formel » sur de nombreuses décisions, les gestionnaires ont souvent le « véritable contrôle ». La gouvernance d’entreprise, encadrée par des Lois et des règles comptables, maintient, en théorie, les intérêts des principales parties prenantes que sont les actionnaires majoritaires et les dirigeants, ainsi que ceux des prêteurs (banques), des actionnaires minoritaires, des salariés, des fournisseurs, des clients et des autres partenaires comme les conseils sous- traitants et les Organisations Non Gouvernementales (ONG), etc. En matière de gouvernance d’entreprise, il faut toutefois distinguer l’avant-Enron et l’après- Enron. Le Sarbanes-Oxley Act (SOX)1 du 30 juillet 2002 est en effet la réponse législative 1 Promulguée aux États-Unis, cette loi aborde le rôle des auditeurs externes vis-à-vis de l’information financière communiquée par les sociétés américaines. 5 fédérale au scandale Enron1 aux États-Unis. Par la suite, nous pouvons résumer les différentes recommandations et réglementations en matière de gouvernance de quatre pays industrialisés par le tableau ci-après. Tableau 1 : Les réglementations de la gouvernance d’entreprise des pays industrialisés Principaux initiateurs Textes de référence États-Unis Les marchés financiers American Law Institute: Principles of CG (1994). Rapport Calpers (1999). Rapport du Blue Ribbon Committee (1999). Sarbanes-Oxley Act (2002). Grande- Bretagne Les marchés financiers Rapport Cadbury (1992). Rapport Greenbury (1995). Combined Code (1998). Rapport Turnbull (1999). France Le patronat : MEDEF /AFEP Rapport Viénot I (1995). Rapport AFG-ASFF I (1998). Rapport Viénot II (1999). Nouvelle Régulations Economique, NRE (2001). Rapport Bouton (2002). Allemagne Le gouvernement Loi KongTrag (1998). Code de bonne conduite (2000). Source : KPMG (2001) 1 Enron (1985-2001) était l’une des plus grandes entreprises américaines opérant dans le secteur de l’énergie. En janvier 2001, l’action d’Enron valait 83$ et devint un an plus tard 0,67$. Après une perte exceptionnelle d’un milliard de dollars, elle fit faillite en décembre 2001. La faillite d’Enron entraîna l’effondrement de son auditeur externe, le célèbre cabinet d’Arthur Andersen. Désormais, Enron est synonyme de l’une des plus grandes escroqueries mondiales réalisées au détriment des employés, des investisseurs et des petits actionnaires 6 1.2. La gouvernance d’entreprise dans une perspective d’agence La gouvernance d’entreprise s’inscrit dans une perspective d’agence, c’est-à-dire un contrat par lequel une ou plusieurs personnes uploads/Politique/es2013-05-pdf.pdf
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- Publié le Jui 04, 2021
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