1, Les trois mots secrets de Jésus à Thomas Louis Pernot Etoile 30 mai 2021 Eva

1, Les trois mots secrets de Jésus à Thomas Louis Pernot Etoile 30 mai 2021 Evangile de Thomas Logion 13 1. Jésus dit à ses disciples : comparez-moi, et dites-moi à qui je ressemble ? 2. Simon Pierre lui dit : tu ressembles à un ange juste 3. Matthieu lui dit : tu ressembles à un homme philosophe et intelligent. 4. Thomas lui dit : Maître, toute ma bouche est incapable de dire à qui tu ressembles. 5. Jésus lui dit : Je ne suis pas ton maître. Puisque tu as bu, tu t’es enivré à la source bouillonnante que j’ai fait jaillir. 6. Et le prenant à part, il lui dit trois paroles. 7. Quand Thomas revint vers ses compagnons, ils lui demandèrent : Que t’a dit Jésus ? 8. Thomas leur répondit : Si je vous dis une seule des paroles qu’il ma dite, vous prendrez des pierres et vous les lancerez sur moi, et un feu sortira de ces pierres et vous brûlera. Les deux premières confessions de foi Les trois paroles secrètes de Jésus se trouvent dans l’évangile de Thomas. L’évangile de Thomas est un évangile dit « apocryphe » parce qu’il n’est pas traditionnellement dans les éditions de nos Bibles, il n’a été découvert qu’assez récemment, mais était connu depuis le IIe siècle. Dans sa rédaction finale, il a pu subir des influences gnostiques, mais il a été écrit à partir de sources originales et différentes de celles de nos évangiles, et sans doute authentiques et remontant au Christ. On y trouve en particulier un parallèle à la question que nous connaissons dans nos évangiles synoptiques, posée par Jésus, de savoir qui il est. Dans nos évangiles, la question est « qui dit-on que je suis ? » et la réponse est « tu es le Christ » (Marc 8:27-30) (Luc ajoute « de Dieu », et Matthieu « le fils du Dieu vivant »). Dans Thomas, la question est : « dites-moi à qui je ressemble ». Et nous avons trois réponses. D’abord, celle de Pierre : « tu ressembles à un ange juste », et celle de Matthieu : « tu ressembles à un homme philosophe et intelligent ». Jésus ne conteste pas ces réponses, il les laisse passer. Ensuite Thomas dira : « Maître, toute ma bouche est incapable de dire à qui tu ressembles ». Jésus conteste l’appellation « maître », mais il semble acquiescer et va lui dire trois mots secrets que tout le monde aimerait bien connaître. Les deux premières réponses sont intéressantes : l’une est très juive, « tu es un ange juste », l’ange est une idée biblique, c’est le messager de Dieu, et la justice est aussi une notion biblique qui renvoie à la relation à Dieu et qui n’a rien à voir avec notre notion moderne de justice. Que l’on pense au livre des Juges, les juges étaient ceux qui dirigeaint le peuple en jugeant de l’adéquation avec la volonté de Dieu. L’autre réponse est, elle, une réponse grecque, intellectuelle, « tu es un homme intelligent et philosophe ». Certes, on pourrait traduire « philosophe » par « aimant la sagesse », mais on peut garder le mot « philosophe » qui se trouve dans les Actes des Apôtres (Act. 17:18), et aussi sous la plume de Paul (Col. 2:8ss) où la philosophie est vue comme une action de la raison, une œuvre de l’intelligence. Il est vrai que dans certains écrits contemporains de nos évangiles, on trouve la mention du philosophe pour désigner la dimension intellectuelle de l’approche de Dieu et de Jésus Christ comme dans le 4e livre des Maccabées où il est question de la philosophie, mais cette fois réintégrée dans la logique juive d’une raison pieuse, en relation avec Dieu. Là encore cette philosophie est vue comme l’exercice d’une pensée, d’une intelligence qui essaye de comprendre la volonté de Dieu. Jésus lui est moins sévère que Paul, et ne conteste pas cela, il ne répond pas. Peut- être accepte-t-il simplement la similitude : « tu es semblable à », tu ressembles à, oui Jésus n’est pas à proprement parler un ange, ni un philosophe, mais admettons qu’il ressemble à un ange venant du Ciel et à un homme intelligent et philosophe, ce n’est pas entièrement faux. On pourrait voir ces deux confessions de foi pas seulement comme étant l’une juive et l’autre grecque, mais l’une comme insistant sur la divinité du Christ et l’autre sur son humanité. L’ange de l’Eternel, dans l’Ancien Testament est une entité spirituelle qui se confond même dans certains cas avec l’Eternel en personne. Dans cette première confession de foi, Jésus est parole de Dieu, il est Dieu lui-même, et il est « juste » en ce qu’il est en parfaite adéquation avec la volonté de Dieu. Dans la deuxième confession de foi, Jésus est dit être explicitement un « homme ». Il est vu alors sous son aspect humain et non plus divin, comme un homme faisant usage de sa raison et de sa sagesse, fut-elle divine. Jésus donc accepte ces deux confessions de foi, sans les critiquer, ni les opposer, ni choisir entre l’une et l’autre. Simplement notre texte va nous inviter à dépasser ces querelles christologiques pour aller plus loin. Et c’est Thomas qui va nous le permettre. 2, Dieu indiscible Thomas va donc donner une réponse toute autre en disant : « ce que tu es, toute ma bouche même ne saurait le dire », donc tu es au-delà de tout cela, au-delà de l’approche juive, et au-delà de l’approche intellectuelle. « Je ne peux pas dire ce que tu es » affirme en quelque sorte Thomas. La question est de savoir pourquoi sa bouche ne peut pas le dire. Jésus acquiesce sans doute parce qu’il comprend que Thomas ne dit pas cela pour avouer une ignorance de sa part, que d’autres pourraient dire qui est Jésus, mais qu’il ne peut pas le dire parce que ce qu’est Jésus dépasse tout ce que l’on peut en dire. Dieu est au-delà de tout ce que je peux dire, de tout ce que je peux savoir. Ainsi quoi que je dise de Dieu, ce que j’en dis est faux parce que Dieu est de toute façon au-delà de tout discours sur lui. Cela peut permettre de renvoyer dos à dos les athées et les dogmatiques, ceux qui prétendent savoir qui est Dieu, que ce soit pour dire qu’il existe ou qu’il n’existe pas. Ceux-là ne parlent pas de Dieu, mais de l’idée qu’ils en ont. C’est le danger de ceux qui réduisent Dieu à un savoir. En ayant une doctrine, ils pensent avoir la juste pensée et donc savoir qui est Dieu. Mais ceux qui font ainsi sont dans l’erreur, ils réduisent Dieu à un savoir, à une doctrine, à une dogmatique, et ils ont tort, Dieu est bien au-delà de toutes nos doctrines, dogmatiques, et discours théologiques savants. Il en est de même pour ceux qui réduisent Dieu à l’objet de leur propre expérience de foi. Même celui dont la vie est bouleversée par Dieu, parce qu’il le ressent, ne peut pas dire que Dieu ne soit que cela, parce que Dieu peut se présenter autrement à quelqu’un d’autre, et aucune expérience particulière ne peut prétendre à l’universel. Dieu est au- delà de l’expérience humaine, fut-elle intellectuelle ou affective, de l’intelligence, ou de la foi, il est au-delà des dogmes, au-delà des savoirs, au-delà de ce que l’on peut en dire. Dieu ne peut être enfermé dans aucun dogme et dans aucune expérience. Ceux qui prétendent savoir qui est Dieu, ou Jésus, sont dans l’illusions. Tout ce que l’on peut dire sur lui ne peut être que de l’ordre de l’ὁμοιότης, c’est-à-dire de la similitude, on peut l’écouter, comme l’a fait Jésus pour Pierre et Matthieu, mais inutile de s’y attarder. Il n’y a là aucune science qui pourrait épuiser la nature de Dieu. Et en fait, ces dogmatiques, ces intégristes des idées ou de l’expérience religieuse ne valent pas mieux que certains athées simplistes qui, en fait, prétendent aussi connaître Dieu pour dire qu’il n’existe pas. Ou qui érigent leur non-expérience du spirituel comme preuve de l’inexistence du spirituel. En effet pour dire qu’il n’y a pas de Dieu, il faut, avoir une idée préalable de ce Dieu dont on dit qu’il n’existe pas. Tout athéisme repose sur une théologie. Et bien souvent, la théologie sur laquelle repose nombre de discours athées est une théologie avec laquelle on ne peut être d’accord, souvent une théologie éculée, à laquelle même la plupart des croyants d’aujourd’hui ne croient plus, n’adhèrent pas. Deus absconditus, le Dieu au-delà de tout Mais peut-on se contenter d’un Dieu dont on ne pourrait rien dire ? D’un Dieu tel que quoi j’en dise, je dis quelque chose qui n’est pas Dieu ? Oui, bien sûr, et ça a été une tendance très bien représentée dans l’histoire du Christianisme. Chez les pères de l’Eglise, le plus emblématique représentant de cette théologie uploads/Religion/ 2105-3motsthomasred.pdf

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  • Publié le Dec 26, 2021
  • Catégorie Religion
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