Bonjour Patrick Négrier. Vous venez de publier aux éditions Accarrias-l'Origine

Bonjour Patrick Négrier. Vous venez de publier aux éditions Accarrias-l'Originel "l'Echelle des Idiots de Gurdjieff". C'est votre 3ème livre sur le caucasien après "Gurdjieff, maître spirituel" – Edition L'Originel et "Le Travail selon Gurdjieff" – Edition Ivoire Clair. Qui êtes-vous et comment êtes-vous entrés en relation avec ses écrits/son enseignement ? J'ai fait des études de philosophie à la Sorbonne et c'est mon ami Serge Bouyat qui m'a fait découvrir Gurdjieff en 1976, j'avais alors vingt ans. J'ai commencé par lire le livre de Pauwels sur G., puis j'ai lu les livres de G. lui-même, et enfin les livres qu'une quarantaine de ses élèves ont écrit sur sa vie, sur son enseignement oral, et enfin sur l'ensemble de son oeuvre y compris sur sa routine pédagogique (je fais ici référence aux musiques sacrées de G., aux toasts aux Idiots, aux bains hebdomadaires au hammam, et enfin aux Mouvements). Vos trois livres sur Gurdjieff donnent des clés de lecture et de compréhension de son oeuvre écrite cryptée (selon la tradition). D'où tenez-vous vos informations et pourquoi les divulguer maintenant au grand public ? G. conçut son enseignement à partir des informations qu'il récolta de deux sources : d'une part une source naturelle (l'expérience personnelle de la vie "vue" et comprise), et d'autre part des sources culturelles diverses dont la Bible. J'ai fait le même travail et c'est en puisant à la fois dans mon "voir" et dans ma connaissance des traditions du Proche-Orient ancien et de la Grèce que j'ai rédigé mes trois livres sur G. Si j'ai publié ces livres sur l'enseignement de G., c'est parce que G. a retrouvé l'essence du judéo-christianisme perdue de vue par les prêtres, et qu'il convient aujourd'hui de ressusciter le judéo-christianisme dans sa vérité qui a été défigurée par les clercs et par les théologiens en raison de leur lecture littérale de la Bible. Gurdjieff est un personnage ambivalent. Les avis le concernant oscillent entre charlatanisme et grand initié. Même si vous ne l'avez pas connu directement, vous penchez plutôt pour la deuxième option... Ce sont les ignorants qui accusent G. de charlatanisme parce qu'ils n'ont pas perçu ni compris la profondeur de son enseignement en paroles et en actes. Les gens rabaissent ou élèvent les choses à leur propre niveau. G. n'était pas un imposteur. Etait-il un initié ? Cela dépend de la définition qu'on donne de ce terme. Si par initié on entend quelqu'un qui a été reçu rituellement dans une société initiatique, alors G. n'était pas un initié même s'il a été franc-maçon pendant un an car son savoir il le tira non d'une société initiatique mais des deux sources dont j'ai parlé plus haut. A présent si l'on entend le terme "initié" au sens des Grands initiés d'Edouard Schuré, alors on peut considérer G. comme un "grand initié". Cependant comme je l'ai dit ce vocable "d'initié" est ambivalent et ambigu et c'est pourquoi il vaut mieux requalifier G. en le désignant par les termes "d'homme de connaissance" ou de "maître spirituel". Son livre posthume : les "Récits de Belzebuth à son petit fils" fascine encore de nos jours. Il est une oeuvre à part qui rebute certains, pousse la curiosité d'autres, est un puits de connaissances pour un petit nombre. Comment expliquer que cette oeuvre ne laisse personne indifférent ? Est-ce parce que ses racines plongent loin dans notre subconscient et à qui s'adressent, selon vous, les écrits de Gurdjieff ? Les Récits de Belzébuth rebutent au début les lecteurs en raison de ce que G. y cultive les néologismes forgés à partir de plusieurs langues, les métaphores, les allégories et les symboles. Ce sont là autant de matériaux obscurs qui, pour être compris, doivent être déchiffrés, et les déchiffrer est un travail long et pénible voire parfois impossible. Si ces Récits intéressent un certain nombre de personnes, c'est peut-être parce que ces personnes se sont d'abord intéressées à la personnalité orientale et à la biographie de G. Personnellement j'ignore ce qu'est le subconscient. Les écrits de G. appellent les lecteurs à développer leurs cinq centres humains (moteur, sexuel, instinctif de conservation, émotionnel, et intellectuel) pour les harmoniser avec les deux centres non humains que sont le centre émotionnel supérieur et le centre intellectuel supérieur, A.R. Orage ayant expliqué en 1927 que le centre émotionnel supérieur désignait l'Esprit de vie, et que le centre intellectuel supérieur désignait le Père qu'est l'Etre. Mais on ne peut développer les centres humains et les harmoniser avec les centres non humains qu'en prenant conscience de la nature exacte de ces différents centres. Que représente Belzébuth selon la tradition chrétienne et qui est, selon vous, Hassin, son petit fils ? Un nouvel envoyé ou chaque chercheur de vérité se reconnaissant actuellement dans ses pas ? Selon l'Ancien testament Beelzeboul était le dieu des Philistins de la cité de Eqron. Les Philistins ne respectaient que la force physique : c'était là leur dieu. En son temps Jésus de Nazareth fut accusé par les Pharisiens de chasser les démons en recourant à Beelzeboul, le chef des démons. Dans les Récits de Belzébuth, Belzébuth est une figure du maître spirituel et celui-ci s'appelle Belzébuth en référence au fait que tout maître spirituel est un jour ou l'autre accusé d'être un démon exactement comme Jésus de Nazareth fut lui aussi accusé par ses ennemis jaloux d'être un démon comme Beelzeboul. Quant à Hassin dont le nom arabe signifie "bienfaisant", il est une figure de l'élève qui est en même temps le petit-fils biologique de son maître spirituel, G. reprenant à travers cet exemple la vieille vérité traditionnelle selon laquelle la conception des enfants doit nécessairement s'accompagner, chez les parents, de l'éducation spirituelle de leurs enfants. Comme figure d'élève ou de disciple, Hassin n'est pas à proprement parler un nouvel envoyé : c'est Belzébuth qui est la figure du nouvel envoyé. Or au sujet de ce dernier G. s'écarte légèrement de la tradition. En effet la tradition, reprise en son temps par Jésus de Nazareth, enseigne que l'élève ou le disciple est appelé à devenir comme son maître spirituel. Or dans les Récits, les élèves ou disciples de Belzébuth sont appelés à renoncer volontairement à quelques parcelles de la substance de leurs propres cornes en faveur et au profit de Belzébuth. Pour le dire clairement, ces élèves ou disciples sont appelés à s'illuminer et à se moraliser mais sans aller toutefois jusqu'à devenir des maîtres spirituels qui éclipseraient Belzébuth, signe que Belzébuth leur demande en fait d'oeuvrer à sa propre gloire. C'est ce qui se passe dans le christianisme : les chrétiens qui deviennent des maîtres spirituels exercent leur direction spirituelle mais sans éclipser pour autant la gloire de Jésus de Nazareth : c'est qu'ils sont censés exercer leur direction spirituelle en utilisant les Evangiles, ce qui ne peut que contribuer à renforcer la gloire de leur maître spirituel Jésus. Et c'est ce qui se passe en général dans le mouvement Gurdjieff : certains élèves ou disciples de G. deviennent parfois à leur tour des maîtres spirituels mais comme ils transmettent l'enseignement de G. ils travaillent par là même à la gloire de G. qui s'en trouve ainsi renforcée et magnifiée. Gurdjieff révèle l'existence de "légamonismes" pour cacher la connaissance au fil des siècles, notamment en périodes de guerre. De quoi s'agit-il exactement et les "récits de Bélzebuth" n'en sont-ils pas un ? Le mot légamonisme vient du grec et signifie grosso modo "enseignement". Dans l'Antiquité proche-orientale étudiée par G. la plupart des enseignements étaient formulés de manière symbolique, que ce soit dans la littérature ou dans les arts plastiques comme la sculpture, l'architecture et la peinture. Etant donné que le langage symbolique est obscur et ne peut être compris qu'après avoir interprété, il donne l'impression de cacher la connaissance. Mais il cache la connaissance autant qu'il l'expose. C'est ce qu'enseignait Héraclite d'Ephèse lorsqu'il dit : "Le dieu dont l’oracle est à Delphes ne révèle pas, ne cache pas, mais il signifie". Il est bien évident qu'en leur qualité d'enseignement symbolique, les Récits de Belzébuth sont eux aussi un légamonisme. Il est reproché à Gurdjieff de n'avoir pu achever son oeuvre écrite. Or selon vous, tout est accompli car dans son troisième livre ("la vie n'est réelle que lorsque Je suis"), Gurdjieff évoque l'échelle des 21 idiots (de merde à Dieu), soit les états spirituels de toute personne comprenant la nécessité de faire un travail sur soi pour se rapprocher de l'homme "fait à l'image de Dieu"... En effet dans la mesure où dans le troisième volume de sa trilogie G. évoque en filigrane les 21 Idiots, son dernier ouvrage est complet et achevé contrairement à ce que laisserait penser la phrase inachevée qui clôt le livre. Les derniers Idiots de l'échelle portent sur les différents degrés de maîtres spirituels et sur l'ultime degré de l'échelle qu'est Dieu. Il n'y a rien au-delà et c'est ce qui fait que le dernier ouvrage de G. marque la fin de son enseignement. Nous laisserons au lecteur le plaisir de découvrir l'échelle des uploads/Religion/ 3039205286 1 .pdf

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  • Publié le Aoû 27, 2021
  • Catégorie Religion
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