CATHOS LA RÉVOLUTION SILENCIEUSE CYRIL BADET/CIRIC F M VENDREDI 30 ET SAMEDI 31
CATHOS LA RÉVOLUTION SILENCIEUSE CYRIL BADET/CIRIC F M VENDREDI 30 ET SAMEDI 31 OCTOBRE 2015 Supplément FIGARO - Nos 22153 et 22154 des 30 et 31 octobre 2015 - CPPAP N° 0416 C 83022 www.figaromagazine.fr EN PARTENARIAT AVEC On les disait vieillissants, moribonds, déconnectés de la société... On se trompait, affirment Jean Sévillia, qui publie un livre de référence appelé à un grand succès («La France catholique»), et Eugénie Bastié, partie à la C AT H O L A R É V O L U T I O 36 LE FIGARO MAGAZINE - 30 OCTOBRE 2015 DAVID LATOUR/CIRIC Confession au pied de la Sainte-Baume, lors du festival d’évangélisation Anuncio. Une génération marquée par l’exigence spirituelle. rencontre des forces vives de l’Eglise de France. Quelques jours après la fin du synode sur la famille, sur lequel Jean-Marie Guénois fait le point, enquête sur ces cathos qui s’affirment comme une minorité agissante. L I Q U E S N S I L E N C I E U S E 30 OCTOBRE 2015 - LE FIGARO MAGAZINE 37 L a foi est quelque chose pour moi de très im- portant. » Ce n’était pas Christine Boutin ni Guy Gilbert qui s’exprimait ainsi le 29 août dernier, à la Sainte-Baume, au milieu des cigales du V ar et des crépitements des ap- pareils photo. Mais Marion Maréchal-Le Pen. La jeune députée FN du V aucluse était invitée par Mgr Rey pour s’ex- primer à l’université d’été de l’Observatoire sociopolitique de Fréjus-Toulon, le think-tank catholique qu’il a lancé en 2005. A quelques kilomètres de là, au centre culturel jésuite La Baume, bastion des chrétiens de gauche, l’université d’été « La politique, une bonne nouvelle », animée entre autres par la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), était annulée, faute de participants. D’une Baume l’autre. Un symbole extrême – les catholiques ne votent pas plus FN que la moyenne des Fran- çais – mais qui témoigne de l’évolution à droite d’une Eglise de France où, longtemps, les chrétiens de gauche ont régné en maîtres. Lors du congrès de la JOC en 1974, Georges Marchais en- tonnait L ’Internationale. Elle était reprise en chœur par 35 000 personnes devant 44 évêques qui ne bronchèrent pas. On comprend mieux pourquoi, en 1980, à l’aéroport du Bourget, une partie de l’épiscopat français accueillit fraîchement le reproche de Jean-Paul II : « France, fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » Nommé un an plus tard archevêque de Paris, Jean-Marie Lustiger répondit en actes à la question du pape polonais. Le catholicisme est devenu minoritaire en France ? Il repartira des villes et des intellectuels. L ’Eglise, ce sont d’abord des prê- tres. Avec le séminaire de Paris, créé en 1984, Lustiger fait éclore une génération de clercs dont la qualité intellectuelle le dispute à la capacité d’adaptation au monde moderne. Il fonde l’Ecole Cathédrale, faculté de théologie, et lance l’idée de faire du collège des Bernardins, au cœur du Quartier latin, à Paris, un haut lieu de rencontres intellectuelles. Aujourd’hui, ce catholicisme urbain bat son plein. Les aumô- neries prospèrent : 12 000, dont 3 000 dans les grandes écoles. Depuis 2009, ils sont plus de 500 à se rassembler tous les lun- dis soirs à Saint-Germain-des-Prés, pour suivre le parcours de formation Even, initié par le père Alexis Leproux. Aux JMJ de Madrid en 2011, la France emmenait la deuxième déléga- tion mondiale avec 50 000 jeunes. On en attend 60 000 à V arsovie cette année, pourtant plus éloignée. Ce catholicisme décomplexé, nourri des enseignements et des exemples de Jean-Paul II et de Benoît XVI, « n’a plus peur ». Sa révolution souterraine a explosé au grand jour pendant la Manif pour tous. Certes, il reste ultraminoritaire. Comme le rappelle Y ann Raison du Cleuziou, auteur de Qui sont les ca- thos aujourd’hui ? (Desclée De Brouwer, 2014), l’écrasante majorité des catholiques est âgée, et plus préoccupée par des problématiques sociales que par les questions morales. Le premier réseau catholique français demeure le Secours catholique (77 000 adhérents). « Si on regarde les choses de UNE GALAXIE HÉTÉRO Depuis la Manif pour tous, ils sont sortis des catacombes. Si les « catholiques d’ouverture » continuent d’être majoritaires, la minorité des « catholiques d’identité » est en train de prendre le dessus au sein de l’Eglise de France. En pointe du combat culturel, présents dans le débat intellectuel, à l’assaut du politique, visibles dans la cité et sur les réseaux sociaux, les nouveaux catholiques n’ont peur de rien. P AR E U G É NI E BASTI É b 38 LE FIGARO MAGAZINE - 30 OCTOBRE 2015 CLITE QUI BOUSCULE LES VIEUX CLIVAGES Ci-dessus, messe des étudiants à Notre-Dame de Paris. Ci-contre, le cardinal Barbarin avec des représentants des Eglises d’Orient ; on retrouve l’archevêque de Lyon sur tous les fronts, de la Manif pour Tous au dialogue interreligieux. Le vieux clivage entre traditionalistes et progressistes n’a plus de pertinence pour décrire cette galaxie hétéroclite. Ils lisent Laudato si’ le jour et collent des affiches contre l’euthanasie la nuit. V eillent sur les places de France et s’engagent en politi- que. Passent leurs week-ends à marcher bannières déployées vers Chartres ou à brancarder les malades à Lourdes. Ignorent qui est Mgr Pontier, président de la conférence des évêques de France, mais retweetent l’abbé Grosjean, le médiatique curé de Saint-Cyr-l’Ecole. S’il faut brosser sommairement le por- trait du « néocatholique » typique, celui-ci affiche quatre « quartiers de noblesse ». Il est passé par le scoutisme : les trois quarts des séminaristes viennent des Scouts unitaires de France ou des Scouts d’Europe, dont les chiffres sont en aug- mentation constante ces dix dernières années (environ 30 000 adhérents chacun). Il vient souvent d’une famille nombreuse où il y a des vocations. Il a fait sa scolarité dans une école privée réputée. Il a été formé religieusement au contact de communautés nouvelles (Emmanuel, Chemin Neuf, Aïn Karem…) ou de filières traditionnelles qui ont traversé le temps. Autant de structures extérieures aux paroisses et manière objective, tous les indicateurs sont au rouge ou au déclin, y compris chez les jeunes, où la seule religion en hausse est l’is- lam », insiste le sociologue. Mais, admet-il, « le rapport des forces a changé au sein de l’Eglise ». Ce qu’il appelle le « catho- licisme observant » ou les « néocatholiques » sont en train de prendre le pouvoir sur les catholiques dits « d’ouverture ». CYRIL BADET/CIRIC LAURENT CERINO/REA 30 OCTOBRE 2015 - LE FIGARO MAGAZINE 39 sance. Paul, lui, s’investit dans le dialogue islamo-chrétien. En 2013, il s’est retrouvé face à 200 musulmans dans une mosquée du IIIe arrondissement de Lyon « à la place de l’imam » pour les haranguer sur le mariage pour tous. Résul- tat : il a réussi à envoyer quatre cars de musulmans à la mani- festation du 24 mars. Ils s’inspirent autant du « Comité invisible », groupuscule anarchiste, que de la théologie du corps de Jean-Paul II. Leurs références ? Bernanos, Chesterton et Simone W eil. Ils lance- ront même bientôt dans la capitale des Gaules un café au nom de cette dernière. Le Simone ouvrira ses portes début 2016. Il s’agira d’un espace de rencontres et de coworking à la fois « ancré dans la cité » et créateur de liens. Moins alter, et plus inter, il y a Sens commun, le mouvement fondé aux lendemains de la Manif pour tous au sein des Répu- blicains. Si le courant n’est pas ouvertement catholique, beaucoup de membres le sont. Là où les « Altercathos » se ré- clament de Gramsci et du combat culturel, eux semblent sui- vre les traces de Trotski et sa stratégie de « l’entrisme ». Un entrisme « à drapeaux déployés », pour reprendre les mots du leader révolutionnaire russe, consistant à influencer la ligne du principal parti de droite en vue de la présidentielle de 2017. Avec 7 000 adhérents, d’une moyenne d’âge de 40 ans (contre 70 ans environ pour le militant des Républicains), Sens commun est un poids plume dans ce gigantesque parti, mais il a pour lui le dynamisme et l’intransigeance de la jeu- nesse. En ligne de mire : l’abrogation de la loi Taubira. Mais pas seulement. Pour Madeleine Bazin de Jessey, porte-parole du mouvement, nommée par Sarkozy secrétaire nationale des Républicains à seulement 26 ans, il s’agit de sortir de cette lo- gique d’« intermittents du réveil » des catholiques qui se mobi- lisent ponctuellement sur des sujets cloisonnés sans dévelop- per une vision du monde cohérente et politique. Elle veut sortir de la « monomanie des catholiques sur la famille » et s’at- taquer à d’autres sujets. « Pendant des années, la théologie du corps et la sexualité sont devenus les sujets privilégiés dans les pa- LYON EST DEVENUE L’AVANT-GARDE DU DYNAMISME DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE aux diocèses qui se sont retrouvées à devoir « gérer l’exis- tant », tandis que la dynamique leur échappait. Néanmoins, les diocèses uploads/Religion/cathos-la-revolution-silencieuse.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 13, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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