1 Archim. GRIGORIOS D. Papathomas Professeur de Droit Canon à l’Institut de Thé

1 Archim. GRIGORIOS D. Papathomas Professeur de Droit Canon à l’Institut de Théologie Orthodoxe “Saint Serge” de Paris Comment et pourquoi l’Église exclut l’agenouillement lorsqu’elle proclame la Résurrection et la vie du Siècle à venir selon la Tradition canonique de l’Église (Présentation sommaire des sources patristiques et canoniques) A. Texte — Introduction I. Vision canonique de l’agenouillement (génuflection) II. Débat diachronique sur le “non-agenouillement” au sein de l’Église III. Remarques critiques IV. Trois exemples représentatifs de la vie paroissiale orthodoxe parisienne — Conclusion B. Sources canoniques et Bibliographie C. Annexe (Les textes canoniques ad hoc sur la question) Paris 2002 2 SIGLES ET ABRÉVIATIONS ACO : Acta Conciliorum Œcumenicorum, éd. E. SCHWARTZ, Berlin- Leipzig, 1927 et ss. BEPES : Bibliothèque des Pères Hellènes et des Écrivains Ecclésiasti- ques, Athènes, 1955 et ss. (en grec). C. 90/V-VIe : 90e canon du Quinisexte Concile œcuménique in Trullo (691). C. 7/Ancyre : 7e canon du Concile local d’Ancyre (314). C. 15/Pierre : 15e canon du Père de l’Église saint Pierre d’Alexandrie. MANSI : J. D. MANSI, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collec- tio, 31 tomes (jusqu’à 1439), Florence et Venise, 1759-1798 ; re- production et suite par J.-B. MARTIN et L. PETIT, 53 tomes en 55 volumes, Paris-Leipzig, éd. Welter, 1901-1927. P. G. : J.-P. MIGNE, Patrologia [cursus completus, series] Graeca, 161 tomes, Paris, 1857-1866. P. L. : J.-P. MIGNE, Patrologia Latina, 181 tomes, Paris, 1878-1890. PIDALION : PIDALION [Recueil de canons] des saint Nicodème l’Hagiorite et hiéromoine Agapios Léonardos, édité à Leipzig en 11800 ; Athè- nes, Astir, 111993, 789 p. (en grec). S. C. : Sources Chrétiennes, Paris, Le Cerf, 1942 et ss. SYNTAGMA : G. A. RHALLIS-M. POTLIS, Syntagma des Saints Canons [Recueil de canons], t. I-VI, Athènes, 11852-1859 ; Athènes, éd. Grigoris, 21992 (en grec). 3 A. TEXTE « jOrqoi; me;n plhrou`men ta;" eujca;" ejn th`/ mia`/ tou` Sabbavtou ». « Nous faisons nos prières debout le premier jour de la semaine ». (Saint BASILE de Césarée [c. 91]). « JH me;n gonuklisiva suvmbolovn ejsti th`" ptwvsew" hJmw`n, to; de; mh; klivnein to; govnu suvmbolovn ejsti th`" ajnastavsew" ». « L’agenouillement est un symbole de notre chute, alors que le non-agenouillement est un symbole de la résurrection ». (DOROTHÉE Scholarios, évêque de Larissa, Concordance de Patrologia Graeca). « Pavnu me lupei` o{ti ejpileloivpasi loipo;n oiJ tw`n Patevrwn kanovne", kai; pa`sa ajkriv- beia tw`n ejkklhsiw`n ajpelhvlatai : kai; fobou`mai mh; kata; mikro;n th`" ajdiaforiva" tauvth" oJdw`/ proi>ouvsh", eij" pantelh` suvgcusin e[lqh/ ta; th`" ejkklhsiva" pravgmata ». « Je suis bien attristé de ce que les canons de nos pères soient désormais sans vigueur et que toute exacte observance soit bannie des églises ; et j’ai bien peur que les progrès d’une telle indifférence n’amènent une totale confusion dans les affaires de l’Église ». (Saint BASILE de Césarée [c. 89]). La portée du Symbole de la Foi est concentrée sur « l’attente de la résur- rection des morts et la vie du siècle à venir »1. Dès les origines, cette attente a conditionné et conditionne encore l’orientation du corps ecclésial. C’est en effet la Résurrection du Christ et le Siècle à venir qui constituaient l’axe principal et le noyau de la prédication apostolique. Sur ce point, le contenu de la prédication 1 Symbole de la Foi, in fine, de Nicée-Constantinople (325/381). 4 patristique demeure identique. Le propos des Apôtres et des Pères ne reflétait en fait que la vie et la praxis ecclésiales vécues au sein des communautés ecclésiales chrétiennes depuis la Pentecôte, jour natal de l’Église, et le Royaume à venir “déjà là et pas encore”… Tout au long des siècles de son histoire, l’Église déploiera tous ses efforts, et peut-être l’unique effort du corps ecclésial consistera à conserver intacte cette orientation apocalyptique et cette perspective eschatologiques… Réexamen d’une question canonique déjà résolue Le propos que nous souhaitons développer dans les lignes qui suivent porte sur un point qui n’est ni mineur ni intemporel. Il suffit d’entrer aujourd’hui dans une communauté chrétienne, une paroisse, et d’observer, au moment de la Divine Liturgie, la posture des Chrétiens et leurs gestes liturgiques, qui apparemment manifestent le mode de réception de la Révélation du Christ au sein de leur vie aussi bien communautaire [communionnelle] que personnelle. La Divine Liturgie, Pâque continuelle de l’Église et anticipation expérimentale du Royaume à venir, est sûrement le meilleur moment pour observer la réception évoquée. Il est particulièrement intéressant de voir comment cet événement culminant et unique dans le monde entier, qui manifeste le sacrifice perpétuel et toujours renouvelé du Christ pour le salut du monde, est devenu le moment idéal pour la manifestation de la “Religion chrétienne” (sic) — ou de la “Religion orthodoxe” peu importe — avec toutes les répercussions piétistes, folkloriques, moralistes, séculières ou magiques que cela comporte. Par définition, c’est sans aucun doute une aberration — lourde de signification au demeurant — que nous pouvons constater dans la pratique de l’agenouillement (génuflection) au sein de l’ensemble de la praxis chrétienne — non seulement orthodoxe. Et cela alors que dès les trois premiers siècles chrétiens (et par conséquent cette affaire concerne tous les Chrétiens), cette question avait déjà été résolue de façon très claire et théologiquement bien déterminée. Nous souhaitons ouvrir notre recherche par un rappel historique de la question de l’agenouillement pour pouvoir dégager le fond d’un problème qui demeure dominant et omniprésent au sein de la vie ecclésiale — orthodoxe en particulier — et ce depuis 17e siècle jusqu’à nos jours. Les opinions se distin- guent, s’opposent même aujourd’hui. Mais c’est bien significatif que toutes les tendances, tant en faveur que contre l’agenouillement durant la Divine Liturgie, utilisent des arguments théologiques et liturgico-canoniques — et parfois les 5 mêmes — pour justifier l’une ou l’autre pratique. Néanmoins, le champ — pas du “droit [sic] canonique” mais — de l’Économie canonique2 de l’Église est assez clair pour autoriser les doutes ou les interprétations arbitraires qui ont vu et qui voient encore le jour, créant des problèmes de plusieurs sortes au sein du corps ecclésial et de sa vie liturgique. I. Vision canonique de l’agenouillement (genuflectio) La période que couvre notre recherche s’étend principalement au cours de neuf premiers siècles de l’ère chrétienne, depuis le 1er siècle (canon apostolique biblique/lettre synodale3) jusqu’au VIIIe Concile œcuménique de Sainte-Sophie (879-880), le dernier Concile qui ait promulgué des canons ecclésiaux. Cette pé- riode représente 7714 canons, mais seulement cinq d’entre eux touchent directe- ment la question qui nous préoccupe ici. Si l’on tient compte de plus de deux re- cueils canoniques ultérieurs, le Nomocanon et le Pidalion, nous pouvons énumé- rer en fait, au sein de la Tradition canonique de l’Église, sept (7) témoignages canoniques (kanonikai; marturivai) ad hoc5, qui recouvrent pratiquement les deux millénaires du christianisme ecclésial et qui montrent sa conception de l’agenouillement et la praxis adoptée uniformement par l’Église. Ces sept té- moignages sont, dans l’ordre chronologique, les suivants : 1er millénaire : 1. Le canon 15 de saint Pierre d’Alexandrie (300-311) 2. Le canon 5 du Concile local de Néo-Césarée (319) 3. Le canon 20 du Ier Concile œcuménique de Nicée (325) 4. Le canon 91 de saint Basile le Grand de Césarée (370-378) 5. Le canon 90 du Quinisexte Concile œcuménique in Trullo (691) 6. Le “Nomocanon en 14 Titres” de saint Photius ([16e siècle] 2883) 2e millénaire : 7. Le Pidalion de saint Nicodème l’Hagiorite (11800). 2 C’est également ici l’occasion de dire qu’étymologiquement et essentiellement parlant (en grec oijkonomiva < oi\ko" + nevmw), il convient d’utiliser le terme “économie”, c’est-à-dire le “soin de la maison”, le soin donc du corps ecclésial, de l’Église. En conformité avec la Tradition canonique de l’Église, c’est le terme que nous proposons pour remplacer le terme en usage, qui non seulement ne dit rien mais se prête à plusieurs malentendus, de “droit canonique” ou, même, de “droit canon”. 3 Act 15, 23-29. 4 Y compris le canon apostolique (lettre synodale) biblique [770+1]. 5 Il existe encore deux témoignages canoniques, le canon 10 et la question/réponse 2, qui sont attribués à “Nicéphore Ier le Confesseur (806-815)”, mais en réalité il s’agit des “extra Corpus canonum” canons rédigés ultérieurement ; voir infra. 6 Il s’agit des témoignages canoniques vraiment ad hoc sur la question de l’agenouillement, qui méritent un examen minutieux, étant donné que c’est leur fondement théologique qui est intéressant ici et que c’est exactement cet a priori théologique qui nous échappe aujourd’hui. Comme on peut le constater, les quatre premiers témoignages canoniques datent du 4e siècle, juste après la fin des persécutions, fait qui montre bien que la question avait très tôt été posée et qu’elle avait aussitôt reçu une réponse et une solution canoniques. Les canons suivants ne feront donc que répéter et surtout insister sur la praxis unanime qui avait été adoptée définitivement au cours du 4e siècle canonique. 1er millénaire 1. Le canon 15 de saint Pierre d’Alexandrie (300-311) Il s’agit chronologiquement de la première référence ad hoc de la Tradi- tion canonique de l’Église sur ce sujet ; elle date de la uploads/Religion/ agenouillement 1 .pdf

  • 12
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Oct 10, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.4395MB