Pierre Boyancé La religion astrale de Platon à Cicéron In: Revue des Études Gre

Pierre Boyancé La religion astrale de Platon à Cicéron In: Revue des Études Grecques, tome 65, fascicule 306-308, Juillet-décembre 1952. pp. 312-350. Citer ce document / Cite this document : Boyancé Pierre. La religion astrale de Platon à Cicéron. In: Revue des Études Grecques, tome 65, fascicule 306-308, Juillet- décembre 1952. pp. 312-350. doi : 10.3406/reg.1952.3288 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1952_num_65_306_3288 LA RELIGION ASTRALE DE PLATON A CICÉRON (*> A la mémoire de Franz Cumont. Ce que j'appellerai, ici religion astrale comporte essentiell ement une double croyance, l'une relative aux dieux, l'autre à l'homme et aux âmes. Pour les dieux, elle proclame que les· as.tres sont des êtres divins, qu'ils soient proprement des dieux, ou qu'ils soient comme des corps régis par une âme elle-même divine, ou qu'ils soient placés chacun sous lfr patronage spécial d'une divinité. Elle tend à proclamer aussi, par une sorte de réciproque, que les dieux véritables sont les- astres et eux seuls, qu'il faut donc identifier à ceux-ci les «figures que nous font connaître les cultes et les mythes. Je dis tingue, parce qu'historiquement il faut nettement distinguer, cette religion des dieux astraux de l'astrologie proprement dite, qui est une forme de divination, se fondant sur un sys tème particulier de l'univers, où tout le cours des événements est déterminé de façon inflexible par la conjoncture céleste. Par contre je lie étroitement ce que Franz Gumont a nommé le « mysticisme astral » (2), c'est-à-dire l'opinion que par la con templation du ciel et des êtres qui le peuplent et l'animent,, par la pratique de la vie intellectuelle et morale qui se joint à cette contemplation, l'âme des hommes se purifie dès mainte- (1) La présente étude est le développement d'une conférence faite le 30 mar» 1950 à l'École française de Rome. (2) Bulletin de V Académie royale de Belgique (Classe des lettres. etc.), 1909, n° 5, p. 256-286. Cf. aussi, du même, L'Egypte des astrologues, Bruxelles, 1937, p. 156-157. LA RELIGION ASTRALE DE PLATON A CICÉRON 313 nant, s'arrache aux imperfections et aux souillures de sa con dition terrestre et par là se prépare à retourner un jour au ciel d'où elle est issue. Il y a dans le composé humain à côté du corps matériel une âme d'origine céleste et d'une nature plus ou moins sublimée mais toujours apparentée à l'élément le plus pur de l'univers. F. Cumont, dans le mémoire auquel je fais allusion, avait une tendance à. donner à ce mysticisme astral une date relativement récente (le ue siècle av. J.-G.) (1) ; mais je crois qu'on est. en droit maintenant de le faire remont er sensiblement plus haut dans le passé. Il est manifeste par exemple qu'Épicure le connaissait et qu'il l'a combattu. Je le soulignais dès 1937 pour sa théorie du rôle imparti à la phy sique dans la poursuite du bonheur (2), et m'accordais ainsi avant de les connaître avec les travaux d'Ettore Bignone qui devaient insister sur ce point capital (3) . (1) F. Cumont estime notamment que le mysticisme astral apparaît chez l'a stronome Hipparque : cf. en dernier lieu Lux perpétua, Paris, 1949, p. 159. A. J. Festugière insiste sur ce point dans sou c.-r. de l'ouvrage, Revue des études grecques, t. LX1I, 1949, p. 480. La même interprétation se retrouve chez F. Boll, Die Erforschung der antiken Astrologie, N. Jahrb. f. klass. Alt. XXI, 1908, p. 106 (et d'après lui dans M. P. Nilsson, Geschichte der griechischen Religion, t. 11, 1950, p. 25*7) et dans Wilhelm Kroll, Die Kosmologie des Plinius {Abhandl. d. Schles. Gesell. f. vaterl. Kult. geisteswiss. Reihe, H. 3) Breslau, 1930, p. 25 et suiv. Malgré ce concert d'autorités, cette interprétation n'en est pas moins une erreur. Le texte invoqué ne paraît pas autoriser cette affirmation. Pline, H. n.t II, 26, 95 : « HiOparchus nunquam satis laudatus, ut quo nemo magis adprobaue- ril cognationem cum homine siderum animasque nostras partem esse caeli ». Pour Cumont cela signifie qu'Hipparque a démontré dans ses écrits la parenté etc. Mais K. Reinhardt a bien vu qu'adprobauerit ne signifiait point ici « démontré dans ses écrits » mais « prouvé par son exemple » : le génie d'Hip- parque est vraiment un génie céleste ! (Kosmos und Sympathie, Munich, 1926, p. 402). Notons que le texte reste intéressant pour l'étude du mysticisme astral, non du point de vue des croyances d'Hipparque, mais de celles de Pline ou de son temps. Que l'interprétation de K. Reinhardt soit la bonne, est confirmé par ce passage de Cicéron, concernant Archimède, dans les Tusculanes, I, 25, 62- 63 : «... quorum conuersiones omnisque motus qui animo uidit, is docuit simi- lem animum suum eius esse, qui ea fabricatus esset in caelo. Nam cum Archi medes lunae, solis, quinque errantium motus in sphaeram inligauit effecit idem, quod Me, qui in Timaeo mundum aedificauit, Platonis deus... » Pline dit d'Hipparque ce que Cicéron avait dit d1 Archimède. (2) Le culte des Muses chez les philosophes grecs, Paris, 1937, p. 323. Le texte essentiel est celui de la Lettre à Hérodote, 76-17. (3) VAristotele perduto e la formazione filosofica di Epicuro, 2 vol., 1936, Flo- RES, LXV, 1IS«, ■· 306-308. . tt 314 PIERRE BOYANCÉ I. Le problème des origines. De cette religion astrale dont je viens de rappeler les traits dominants je voudrais montrer ici comment m'apparaît l'his toire dans une période particulièrement importante, en gros celle qui va de Platon à Cicéron. Je m'installe ainsi sur le ter rain qui m'est le moins étranger, celui de la Grèce et de Rome, ■et j'affirme par là même ma réserve à l'égard de 1 Orient. Non qu'il m'appartienne de nier les influences que la Perse ou Babylone ou l'Egypte ont pu exercer sur le développement des thèmes mystiques ou des idées philosophiques en question : mon peu de compétence en la matière serait le premier à «n'ordonner le contraire. Mais je ne puis m empêcher de rele ver un point important. Franz Gumont lui-même, qui se plai sait à insister sur les origines orientales, avait élé amené à souligner de plus en plus la part qu'il n'avait jamais déniée à l'Occident et en particulier aux pythagoriciens. En Orient même, étudiant avec Joseph Bidez la littérature relative aux mages de l'époque hellénistique, il ne pouvait pas ne pas aper cevoir avec sa haute probité que le contact entre Orient et Occident n'avait point déterminé des courants à sens unique. Par exemple, sur la manière dont fut présentée au monde grec une figure comme celle de Zoroastre, il ne put pas ne pas reconnaître certains traits qui venaient au prophète de là Perse de ce prophète de la Grèce qu'avait été Pythagore, notamment la pratique du silence mystique et le végétarisme (1). Pas rence, notamment H, p. 376 et suiv. Cf. l'intéressant chapitre Epicure et la religion astrale dans A. 1. Festugière, Epicure el se* dieux, Paris, 1946, p. 102 et suir. (P. 110 et suiv., le texte de la Lettre à Hérodote 7fi et suiv.). (1] Joseph Bide* et Franz Guinont, Les mages hellénisés. Zoroastre, Ostanès et Eystaspe d'après la tradition grecque, Paris, 1939, 2 vol., t. I, p. 27 et suiv. : « II e*t à peine douteux que l'écrivain grec qui opéra cette métamorphose de Zoroastre ait été un Pythagoricien. En prêtant au fondateur de la religion des Mages de longues années de mutisme et en le donnant pour un adepte du végé tarisme, il fit du sage- qui passait pour avoir instruit Pythagore. le premier auteur des règles de silence et d'abstinence que les disciples du philosophe de Grotone imposaient aux membres de la secte. On a un indice certain de l'origine LA RELIGION ASTRALE DE PLATON A CICÉRON 315 davantage, pour prendre un autre exemple, il ne pouvait ne pas reconnaître les. éléments stoïciens dans cette exposition que fait quelque part Dion G h ry so s to me d'un mythe relatif à la fin du monde selon les mazdéens (1). Dès 1922 F. Cumont Avait admis que l'immortalité astrale avait été propagée en ■Grèce « spécialement par les pythagoriciens » (2). Il devait écrire avec plus de netteté encore dans Lux perpétua : « II est -certain que les pythagoriciens sont entrés de bonne heure en •contact avec ces « maguséens » qui s'étaient établis à proximité des cités grecques d'Ionie » (3). Néanmoins on le voit encore •dans ce dernier ouvrage professer que les Ghaldéens ont eu « probablement » « l'idée première d'une parenté... entre l'âme et les astres » (4). Il oppose encore aux « trois cieùx des indo-iraniens » l'ordonnance dite chaldéenne des planètes, laquelle suppose que les Ghaldéens auraient réellement connu à date ancienne la théorie astronomique qui dispose sur des •cercles ou des sphères concentriques le mouvement des -diverses planètes (5). Or ce second point surtout, et il est pythagoricienne de tout ce roman : c'est l'explication- des interdictions aliment aires des Mages par un recours à la doctrine de la métempsychose inconnue au ^mazdéisme. » · . , (1) Bidez et Cumont, op. laud., uploads/Religion/ boyance.pdf

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  • Publié le Jan 31, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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