EHESS La mort défaite: Rites funéraires du candomblé Author(s): Patricia de Aqu
EHESS La mort défaite: Rites funéraires du candomblé Author(s): Patricia de Aquino Source: L'Homme, No. 147, Alliance, rites et mythes (juillet/septembre 1998), pp. 81-104 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23211041 . Accessed: 23/06/2014 00:28 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to L'Homme. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.71 on Mon, 23 Jun 2014 00:28:03 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions La mort défaite Rites funéraires du caridomblé Patricia de Aquino Juin 1988. Xangrilâ Rosa, bourgade semi-rurale de la grande banlieue de Rio de Janeiro, ignorée des cartes officielles et prétendue dangereuse pour sa misère endémique, son lot commun de banditisme et l'insalubrité des lieux où sévit la dengue, illumine la nuit de montgolfières sur lesquelles on peut lire « Odun Xangô », carton d'invitation à la fête donnée en l'hon neur de Xangô1, divinité de la foudre, originaire d'Afrique. La moiteur qui se dégage des pluies sporadiques et torrentielles, drainées avec une constance têtue par l'hiver carioca, infiltre les murs de la maison de notre hôte qui s'affaire autour de la gazinière pour nous réchauffer de ce cozido - sorte de pot-au-feu - succulent dont il a le secret, avant de se rendre à la cérémonie où, « protégé » de Xangô et Maître des tambours, il conduira les festivités. Il y a plus d'un demi-siècle, Luiz Bangbala Angelo da Silva était instruit dans les traditions afro-brésiliennes, à l'art de moduler la voix des tam bours sacrés qui convient les dieux à danser parmi les hommes en « mon tant à la tête » de leurs élus. Bangbala, je l'avais rencontré trois ans plus tôt « caressant le cuir » des tambours de la « maison de candomblé » dirigée par ma tante, initiée à des pratiques sacerdotales fort peu catholiques qui lui avaient valu sa mise au ban de la famille. Ce « jeune » mulâtre impénitent, de soixante-dix ans, Je remercie Bruno Latour pour ses commentaires et son soutien sans réserve. Que soient aussi remerciés Anne Christine Taylor pour ses conseils judicieux, et l'équipe du séminaire des américanistes qui a accueilli une première version de ce texte, ainsi que Philippe Descola pour sa relecture patiente et systématique. 1. La transcription des termes en langue liturgique respecte l'usage orthographique du portugais brési lien. En revanche, nous signalons l'étymologie des expressions originaires de langues africaines (yoruba, kikongo, kimbundo) quand elle est connue, explicitée par la population étudiée, et/ou fournit des infor mations pertinentes pour éclairer certaines pratiques. to à to LU </> 111 Q £ kiu L'HOMME 147/ 1998, pp.8l à 104 This content downloaded from 195.78.108.71 on Mon, 23 Jun 2014 00:28:03 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions au regard espiègle et à la truculente érudition, est ainsi qu'avec humour il aime à se présenter une des « archives vivantes » du patrimoine musi cal de ces cultes. Notre soirée prit une tournure inattendue lorsque Oiâ Ina « Mère de feu » - nom initiatique - appela au portail la voix entrecoupée de sanglots : sa sœur, initiée depuis plus de soixante-six ans, venait de décéder. J'allais me retirer pour les laisser préparer les rites funéraires, lorsque Bangbala m'apostropha: «cette jeunesse doit apprendre...» Quinze jours plus tard je participais à mon premier axexê. J'ignorais alors que d'autres suivraient. Candomblé : atelier de fabrication de la vie Le candomblé2 intègre le vaste champ défini par la notion de « cultes de possession afro-brésiliens ». Au sein de la multiplicité des formes d'ex pression religieuse brésilienne, le « peuple du candomblé » se démarque des catholiques et de l'univers afro-brésilien des umbandistas, des espîritas, des crentes respectivement affiliés à l'Umbanda (où les médiums, lors de transes, incorporent des esprits d'Indiens, d'anciens esclaves, d'enfants...), aux cultes kardécistes (fondés sur la doctrine de Kardec et prônant l'évolution spirituelle) et aux sectes d'origine protestante (où les pasteurs procèdent à l'exorcisme des « esprits du Mal », de toutes les « forces » distinctes du Saint-Esprit). Les temples de candomblé (terreirosP se différencient selon leur appar tenance à des « nations » (ketu, angola, jeje...) se référant à des spécifi cités rituelles et idiomatiques. En raison de la pluralité de langues liturgiques déclinées dans les cérémonies mortuaires, ainsi que du déploie ment d'énoncés interdits qui les émaillent, je m'attacherai moins à l'étude comparative susceptible de réifier des traits particuliers en les dissociant de leurs relations mutuelles qu'à établir la dynamique interne d'un rituel. La logique qui s'y déploie relève cependant d'un schème régulateur partagé par toutes les « nations » : la fabrication rituelle est le gage de la perpé tuation de la vie. Un initié aux divinités d'origine africaine est un être « fait » (feito), un « fait de dieu »4. 2. L'origine du terme candomblé renvoie au bantou : « kà-n-démb-id-é>kd-n-d6mb-éd-é > kà-n-dômb él-é, dérivé de kù-làmb-à > kù-domb-d, louer, prier, invoquer, analysable à partir du protobantou ko dàmb-éd-a, solliciter l'intercession de. Ainsi, candomblé est égal à culte, louange, prière, invocation, le groupe consonantal -bl- étant une forme brésilienne » (Castro 1983 : 83). 3. Mot portugais : « terrain », « espace défriché », désignant les lieux de culte du candomblé. Chaque « maison de candomblé », placée sous la responsabilité d'un ancien initié constitue une communauté autonome bien que les liens avec la maison où a été initié son fondateur soient entretenus (participation réciproque aux rituels, fréquentation des fêtes...). 4. Les initiés sont les feitos ; entre membres de communautés distinctes qui font connaissance une ques tion est récurrente : você é feito de que santo ? « de quelle divinité es-tu fait ? » Notons que l'usage du Patricia de Aquino This content downloaded from 195.78.108.71 on Mon, 23 Jun 2014 00:28:03 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'ensemble des séquences rituelles liées à la mort d'un initié du can domblé a pour finalité première de séparer le défunt du monde des vivants initiés, puis des morts ordinaires, avant de l'intégrer à la catégorie d'an cêtre au terme d'une série de procédures complexes et discontinues de destruction de l'identité initiatique, c'est-à-dire de restitution de ses composantes à leur matière générique originaire — la boue, constitutive de tous les êtres humains, mais aussi, l'eau, le feu, le fer, les plantes... À la difference des rites de passage, le rituel funéraire, axexê, ne se limite pas à corroborer une transformation physiologique — la mort - et à mar quer un changement de statut — le passage à l'ancestralité ; il consiste à « défaire » l'identité sociale de l'être qui avait été « fait » par l'initiation, sans l'intention de « refaire » une identité singulière. En effet, l'ancêtre fabriqué, installé, ne sera pas le symbole du mort - image de sa forme vivante - mais, à l'opposé, un ensemble d'objets vides, non iconiques. Le dispositif structurant le cycle de la mort, des funérailles et de l'an cestralisation s'ordonne autour du paradoxe de la désarticulation de l'ini tiation. A une mort aléatoire, la transformation initiatique substitue une mort reçue du dieu, suivie de la naissance d'un être nouveau dégagé de la parturition biologique. Or, bien qu'il s'agisse d'un événement à la fois singulier et récurrent, le décès de l'initié est toujours vécu comme une contingence advenant d'un extérieur non signifiant, réinvolution dans une nature jamais nommée. L'inversion qui opère par des actes focalisateurs contraignants - bris d'ob jets sacrés, élimination des biens liturgiques ayant appartenu au mort - ne constitue cependant qu'un moment des rites. L'axexê n'est pas le « symétrique inverse » de l'initiation ; sa logique rituelle correspond plutôt au schéma de l'« englobement des contraires ». Le rôle de la mort biolo gique reçue de l'extérieur est dénié par la mise à mort, à l'intérieur de l'es pace sacré, de la décomposition reçue du dehors. Le mouvement instauré par Xaxexê s'achèvera par l'expulsion de l'extérieur intériorisé pour enfin réinstaller, dans un espace intérieur mais spécifique, l'initié ancestralisé. Au-delà d'une opposition binaire entre « extérieur » et « intérieur », entre biologique et rituel ou entre nature et culture, la dynamique ainsi dégagée permet de repenser la validité et la pertinence de ces catégories. Il s'agira d'élucider les modalités par lesquelles les funérailles font jouer la trans gression rituelle contre la transgression biologique qui dé-compose ce qui a été construit, dé-socialise ceux qui participent de l'échange social et dé-limite ce qui opère la continuité entre les vivants et les morts. mot brésilien santo unifie le « peuple de saint », sans désigner les divinités par leurs noms liturgiques qui varient suivant les « nations uploads/Religion/ cerimonia-de-axexe.pdf
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Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 12, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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