LEGENDES DES APPROBATION. Nous, PIERRE-LOUISPARISIS, évèque d'Arras, de Boulogn

LEGENDES DES APPROBATION. Nous, PIERRE-LOUISPARISIS, évèque d'Arras, de Boulogne et de Saint-Omer, Vu le rapport qui nous a été fait sur celte quatrième édition des Légendes des Origines, revue et corrigée, nous n'y avons rien trouvé qui soit contraire à la foi ou aux moeurs. An-as, le 10 septembre 1864. f PIERRE-LOUIS, Evéque d'Arras, de Boulogne et de Saint-Omer. MRI.S. — m'OUIUl'HIt, IIKKBI l'I.ON , RliK UARWCIKRK , S. LÉGENDES DES PARIS HEXRI PLON, IMPRIMEUR-ÉDITEUR, RUE GARANCIÉUE,S. 1864 ' LÉGENDES DES I. — DISPUTES DE PRIORITÉ. Dis-je quelque chose assez belle; L'antiquité, toute en cervelle, Me dit : — Je l'ai dit avant toi. C'est une plaisante donzelle. Que ne venait-elle après moi? J'aurais dit la chose avant elle. LE CHEVALIER DECAILLY. On rit un peu, dans certain opéra-comique, à une charge de M. Deschalumeaux, personnage de ce siècle. Il a émis une phrase qu'il croit spirituelle. On lui fait remarquer que Louis XIV a dit cela, et il réplique : Reste à savoir qui l'a dit le premier. Or M. Deschalumeaux vivait il n'y a pas encore long- temps; il est même possible qu'il ne soit pas mort. Lorsqu'on vit passer ce vers dans une tragédie de Lamotte : Vous parlez en soldat; je dois agir en roi, on lui objecta que ce vers était de Pierre Corneille. Il répondit : —Ce vers est mon bien. Si Corneille l'a pris, je le lui reprends. On lit partout qu'un fanfaron se vantant devant 1 2 DISPUTESDE PRIORITÉ. Turenne de n'avoir jamais eu peur, l'illustre général lui dit : — Vous n'avez donc jamais mouché la chan- delle avec vos doigts ? Or cette parole avait été dite dans les mêmes termes, nn siècle auparavant, par Charles-Quint. On parlait devant le même Charles-Quint d'un très-riche épicier de Gand, et comme les jugements téméraires sont ceux qui se font le plus vite, on insi- nuait que les fraudes et les tromperies étaient la source d'une fortune si ronde dans un commerce si •humble en apparence. Ceci se passait à travers un bal : il était minuit. Le sage empereur, qui jugeait mieux les hommes, voulant éclairer les médisants, les emmena avec lui à la porte de l'épicier et frappa vivement. Le bourgeois de Gand sortit de son lit, mit la tête à la fenêtre et demanda ce qu'on lui voulait : — De la lumière pour rentrer chez moi, répondit Charles. Servez-moi une chandelle d'un denier. — A l'instant, répondit le bourgeois. Il descendit en hâte et remit gracieusement sa chandelle d'un denier. — Vous voyez, dit alors l'Empereur, à quoi cet honnête homme doit ses richesses : à l'activité et au travail. Dans les anas dont on réveille le souvenir de Henri IV, on lui prête ce trait, parfaitement copié. Nous citerions dans ce genre bon nombre d'anec- dotes. Dans un autre ordre de faits, on dispute également la priorité ou la possession. Les Lorrains réclament Jeanne d'Arc, qui était Champenoise. Liège et Amiens se disputent Pierre l'Ermite. Le Brabant et le Bou- DISPUTES DE PRIORITÉ. 3 ionnais se disputent Godefroid de Bouillon, comme les vieilles cités de la Grèce se disputaient Homère. €es sentiments tiennent à une vanité, excusable- peut-être; c'est du patriotisme. Mais le patriotisme est quelquefois peu loyal. On a vu à la suite de batailles indécises les deux peuples ennemis chanter le Te Deum et s'attribuer à la fois la victoire. On a vu bien des actions glorieuses faites par un seul homme, mais dont plusieurs en- semble se donnaient l'honneur. Ces observations nous sont inspirées par un trait qui a beaucoup d'ana- logues, et que voici : On lit dans la Chronique de Godefroid de Bouil- lon cette description de la prise de Jérusalem. C'était le trente-neuvième jour du siège. « Plusieurs des tours qui avaient coûté aux assié- geants tant de peine et de travaux étaient brûlées et abattues. La tour de Godefroid, à moitié démantelée, menaçait ruine. Le théâtre des plus grands faits d'armes fut cette tour, qu'on avait solidement étayée. Godefroid s'y tenait debout, dirigeant tous les mou- vements et lançant des javelots qui répandaient la mort. Derrière lui était élevée une croix d'or, dont l'aspect semblait redoubler la rage des Sarasins. Ils lui lançaient des pots de feu et des pierres énormes, qui ne purent la renverser. » Le Tasse n'a pas introduit sans autorité des scènes de magie dans ses écrits épiques de la Jéru- salem délivrée. On lit dans Raymond d'Agiles, l'un des historiens de la croisade, que les infidèles em- ployaient fréquemment ces sinistres ressources contre i. 4 DISPUTES DE PRIORITÉ. les chrétiens. Au moment grave où nous sommes, ils amenèrent sur les remparts deux magiciennes qui avaient promis de détruire par leurs enchantements la croix d'or de Godefroid, qu'elles regardaient comme un talisman, et d'obliger ainsi les Francs à la retraite. Ces promesses ne leur furent pas heu- reuses; car, au moment où elles faisaient leurs charmes, une pierre lancée par une des catapultes de la tour de Godefroid écrasa les deux sorcières et les livra, dit l'historien, à ces mêmes démons qu'elles invoquaient. » L'avantage néanmoins semblait se maintenir du côté des Sarasins, lorsqu'on vit apparaître au som- met des oliviers un chevalier revêtu d'armes écla- tantes. Il agite son bouclier blanc sur lequel élin- cellent trois étoiles; il montre Jérusalem de la pointe de sa flamboyante épée. Tous les soldats de la croix s'écrient que c'est saint Georges. Godefroid aussitôt, sentant que sa tour, qui avait pris feu à la base, allait s'écrouler, laisse tomber son énorme pont-levis sur la muraille et se précipite dans la ville, entre deux frères de Tournay, Ludolphe et Guillaume, qui le soutiennent. Eustache de Boulogne et tous les croi- sés suivent ces trois héros; et la ville est prise le vendredi 4 5 juillet 1099, à trois heures... Les historiens belges donnent donc à Ludolphe et à Guillaume, à ces deux frères seuls, l'honneur d'être entrés les premiers à Jérusalem; et Orderic Vital, his- torien anglais contemporain de la prise de Jérusa- lem, en son histoire, qui est traduite dans la collec- tion Guizot, dit sciemment et formellement que celui DISPUTES DE PRIORITE. 5 qui entra le premier à Jérusalem, le 15 juillet \ 099, était RaimboldCreton, sire d'Estourmel, gentilhomme du Cambrésis. Que devons-nous conclure de ces deux récits et de quelques autres qui ne s'accordent pas avec eux ? — Que le gentilhomme du Cambrésis, les deux frères de Tournay et plusieurs autres sont entrés les pre- miers à Jérusalem, chacun de son côté peut-être. Il y a des moments providentiels où la victoire se décide, où chacun est victorieux, où ceux qui sont poussés au premier rang s'attribuent la plus grande part de la gloire, uniquement parce qu'ils se sont trouvés dans son courant. Frédéric II, à la suite d'une bataille, déclara le plus brave un petit fifre qui, sans se porter en avant et sans jouer des bras, n'avait cessé durant toute l'affaire de souffler dans son fifre les airs les plus émouvants, au milieu de la mitraille et des balles. Au reste, le plus vaillant des guerriers n'est pas toujours celui qui entre le premier dans une place enlevée, mais plutôt celui qui se retire le dernier d'un poste périlleux. Et sans nuire, comme c'était l'idée des enfants de 89, à l'éclat de nos fastes mili- taires contemporains, nous devons reconnaître que notre histoire ancienne, ou antérieure aux commo- tions de la fin du dernier siècle, est riche outre mesure de traits éclatants qui prouvent que la bril- lante valeur des Français n'est ni un progrès ni-une innovation, mais un héritage; et puisque nous venons de transporter le lecteur au temps de ces croisades héroïques, splendeurs qui ont placé la France au 6 DISPUTES DE PRIORITÉ. premier rang dans toute l'Asie, citons un trait entre mille et dix mille de ces campagnes de géants; c'est là de la vaillance. Nous l'empruntons à M. P. Roger, dans son curieux tableau de la noblesse de France aux croisades. « La fin glorieuse de Jacquelin de Maillé, maréchal du Temple, a été décrite par Geoffroi Vinisand. La cavalerie de Saladin avait surpris Nazareth. Dès qu'on en eut la nouvelle, cent trente chevaliers du Temple, ou de l'ordre de l'Hôpital, suivis seulement de trois cents hommes de pied, accoururent pour sauver la ville. L'ennemi comptait sept mille cavaliers. Le grand maître du Temple et deux chevaliers rentrèrent seuls à Jérusalem. Tous les autres avaient péri dans une lutte si inégale. On dit qu'ayant épuisé leurs flèches, ces chevaliers arrachaient de leurs corps celles dont ils étaient percés et les renvoyaient aux Sarasins. Resté seul debout au milieu des morts, Jacquelin de Maillé combattait encore. Son cheval finit par s'abat- tre. Couvert de blessures, la lance à la main, Jacquelin refusait de se rendre. Il tomba enfin percé de mille coups. On raconte qu'étonnés de tant de valeur, frappés d'admiration et de respect, les Sarasins entourèrent le corps de Jacquelin de Maillé, les uns s'emparant de ses armes, les autres se uploads/Religion/ collin-de-plancy-legendes-des-origines.pdf

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  • Publié le Nov 21, 2021
  • Catégorie Religion
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