De la Stricte Observance Templière au Rite Ecossais Rectifié Préambule Le Rite
De la Stricte Observance Templière au Rite Ecossais Rectifié Préambule Le Rite Ecossais Rectifié occupe une place singulière dans la Maçonnerie contemporaine. Pratiqué en Suisse, en France et en Belgique, il est trop souvent l'objet de polémiques passionnées, certains y voyant la forme la plus pure de l'initiation maçonnique, d'autres un rejeton abâtardi, voire dévoyé, de la maçonnerie classique. La pierre de touche de ce débat est le christianisme, vrai ou supposé, qui imprégnerait ce Rite d'«ancien régime», parfois qualifié par ses détracteurs de «crypto-catholique». Certes, l'atmosphère y est plus religieuse, sinon plus mystique, mais est-ce suffisant pour justifier l'anathème et la marginalisation? Trop souvent d'ailleurs de telles attitudes sont le fait de maçons, par ailleurs sincères, qui n'ont du Rectifié qu'une connaissance lointaine, basée plus sur des racontars que sur une expérience personnelle. Le fait est regrettable, d'autant que le Rectifié présente l'avantage inestimable d'être aisément accessible à l'analyse, les intentions de ses fondateurs nous étant connues par les innombrables documents et exégèses qu'ils ont laissés. Le caractère parfois archaïque de ses rituels peut surprendre, certes. Encore faut-il comprendre que la survivance de formes d'apparence obsolète résulte d'abord de l'extinction quasi-complète du Rite au XIX° siècle et de sa renaissance inattendue en notre siècle. La première lui permit d'échapper aux réformes dont furent l'objet les autres Rites, Français ou Ecossais, réformes conditionnées par les luttes politiques et religieuses du temps, lesquelles donnèrent à la franc-maçonnerie un visage que n'auraient reconnu ni les pasteurs britanniques des origines ni les maçons lyonnais de 1778. La seconde nous le restitua (presque) inchangé, tel qu'il fut imaginé au confluent du Rhône et de la Saône entre 1778 et 1809. Si le Rite Rectifié paraît aujourd'hui incongru, voire scandaleux, n'est-ce pas justement à cause de cette fidélité à une certaine image de la maçonnerie dont nos contemporains ont peine à prendre conscience? Le travail qui suit n'a d'autre ambition qu'une présentation succincte de la chronologie et de l'évolution des rituels «symboliques» de ce Rite trop souvent décrié. Il ne s'agit pas d'une exégèse, moins encore d'un exposé systématique de sa doctrine, tâche d'une autre envergure à laquelle je me risquai autrefois (G.Verval, 1987), mais plutôt du simple débroussaillage d'un paysage passablement confus où se mêlent faits et légendes que chacun utilise à sa guise. Tel qu'il fut conçu, le Rite Ecossais Rectifié devait comporter trois étapes successives, concentriques dirait J.F.Var, composées des grades «symboliques», de l'Ordre Intérieur chevaleresque et de Profès et Grand Profès (Profession et Grande Profession). Seules sont effectives de nos jours les deux premières. La troisième relève, faute de mieux, de l'érudition personnelle grâce à la publication des textes fondateurs du «Saint Ordre», comme ses thuriféraires aiment à appeler, à tort, la Profession. Je ne m'occuperai ici que des grades symboliques. Ceux-ci sont au nombre de quatre : à l'apprenti, au compagnon et au maître fait suite le «maître écossais de Saint André». Au XVIII° siècle, ces quatre grades étaient régis par un directoire écossais dont les pouvoirs furent définis à Lyon en 1778. N'y voyons là rien qui surprenne. A la même époque la Grande Loge anglaise, dite des «Anciens», exerçait son autorité sur quatre degrés, le dernier étant le «Royal Arch». Il n'en va plus de même aujourd'hui. Les trois premiers grades rectifiés relèvent exclusivement de l'autorité des Grandes Loges tandis que le «maître écossais» est conféré dans des «loges de Saint-André» dépendant des Directoires écossais, terme qui «au symbolique» désigne les Grands Prieurés de l'Ordre bienfaisant des Chevaliers maçons de la Cité Sainte. Cette dichotomie est condition de «régularité» au sens qu'a pris ce mot durant les premières décennies de ce siècle. Nul ne désire la remettre en cause. I. Jean-Baptiste Willermoz et la maçonnerie lyonnaise. 1. Introduction de la Stricte Observance à Lyon. Ce lyonnais d'une exceptionnelle longévité (1730-1824), fabricant d'étoffes et commissionnaire en soieries, fut à l'évidence le père du Rectifié. Initié en 1750 dans une loge oubliée, il en devint vénérable en 1752. Fondateur en 1756 de la «Parfaite Amitié», constituée par la Grande Loge de France, il en tint le premier maillet jusqu'en 1762. Il contribua entre temps à la fondation de la Grande Loge des Maîtres Réguliers de Lyon (1760), plus tard Mère-Loge de Lyon. Il fallait, écrivit-il plus tard, «être chevalier d'Orient pour y être admis». Cette Grande Loge ne se voulait-elle pas chargée «à l'instar de celle de Paris...de veiller au maintien de la discipline des loges, de fixer le choix de l'uniformité des grades symboliques jusques et y compris le chevalier d'Orient»? Elle pratiquait officiellement sept grades, soit après les trois premiers ceux de maître élu, maître parfait, maître écossais et chevalier d'Orient. Là ne s'arrêtaient pas les connaissances de Willermoz qui, à l'époque, n'avait de cesse de collectionner grades, décors et rituels. Dans une lettre qu'il adressa le 2 mars 1763 à Chaillon de Jonville, substitut général du Grand Maître de la Grande Loge de France, il fit suivre sa signature des titres suivants : Maître écossais, G(rand) A(rchitecte), R(oï)al Arch, Chevalier d'Orient, d'Occident, du Soleil, de l'Aigle noir, R(ose) C(roix), G.I.G.E.ch.K. C’est à dire Grand Inspecteur, Grand Elu, chevalier Kadosh (Le grade de chevalier Kadosh lui avait été communiqué par son correspondant messin, Meunier de Précourt une année auparavant ). Les grades supérieurs au chevalier d'Orient étaient pratiqués dans un chapitre des chevaliers de l'Aigle noir, fondé en 1763 ou 1765 et présidé par le propre frère de Willermoz, Pierre-Jacques, médecin, alchimiste, esprit curieux de tout et très en avance sur son temps. Ce chapitre très fermé vit peut-être la création du grade de Rose-Croix dont le succès ne devait jamais se démentir. Au début de leur carrière, Willermoz et ses proches pratiquèrent donc cette maçonnerie qui sera appelée plus tard de «Rite Français». Jamais cependant elle ne put les satisfaire entièrement. Willermoz était trop intimement convaincu que la maçonnerie devait receler des connaissances «sublimes» pour se satisfaire d'un système aussi rudimentaire que décevant à ses yeux. Il chercha hors des loges classiques ces «vérités essentielles» qu'il devinait sous le couvert des allégories maçonniques héritées des spéculatifs britanniques. Il crut les trouver, en 1767, dans l'Ordre des «chevaliers Elus Coens de l'Univers» du théosophe Martinez de Pasqually. Reçu en 1768 au grade ultime de Réau-Croix, il avait créé à Lyon un «Tribunal» d'Elus Coens, réservé à ses intimes, et s'était consacré avec ferveur, quoique sans succès bien assuré, aux expériences théurgiques prescrites par le «Grand Souverain» de l'Ordre, Don Martinez. Déçu peut-être par les «Esprits Intermédiaires» qui se refusaient à lui, désemparé par le départ de son maître qui, en 1772, quitta la France pour n'y plus revenir (Martinez mourut à Saint-Domingue en 1774.) Willermoz écouta d'autres sirènes sans pour autant oublier l'enseignement du disparu ( de 1774 à 1776, les Elus Coens lyonnais continuèrent à se réunir assidûment, ce dont témoignent leurs «conférences» éditées par A.Faivre en 1975 aux éditions du Baucens, Braine-le-Comte). En 1772, des correspondants strasbourgeois l'informèrent de l'existence outre-Rhin d'une forme nouvelle de maçonnerie, caractérisée par sa belle ordonnance et le sérieux de ses «connaissances», la Stricte Observance Templière, ou plus exactement «l'Ordre supérieur des chevaliers du temple sacré de Jérusalem». Fondée en 1751 par le baron (FreiHerr) Charles-Gotthelf von Hund (1722-1776), elle enseignait que la franc-maçonnerie n'était autre que la perpétuation de l'Ordre du Temple, aboli en 1312 par le pape Clément V sur ordre du roi de France, Philippe IV «le Bel». Dirigée par de mystérieux «Supérieurs Inconnus» dont von Hund n'était que le mandataire, elle ne visait rien moins que le rétablissement de l'Ordre défunt et la récupération de ses biens matériels. Des amis de Von Hund prétendirent plus tard qu'il avait été admis dans l'ordre à Paris en 1743 par un mystérieux chevalier «au plumet rouge» dont ils laissaient entendre qu'il était un familier de Charles-Edouard Stuart, fils du prétendant à la couronne d'Angleterre et d'Ecosse (Charles-Edouard ne fut jamais initié. Une enquête entreprise à la demande du duc de Brunswick en fit la preuve en 1777. Le prince déclara à l'envoyé du duc que son père, le chevalier de Saint-Georges, lui avait refusé son consentement.) Il aurait reçu une patente de Grand Maître Provincial dont il s'était servi pour introduire l'Ordre en Allemagne. Si les supérieurs inconnus étaient parfaitement imaginaires, cette patente existe bel et bien. Conservée dans les archives de la Grande Loge du Danemark, elle est rédigée en un langage chiffré dont nul jamais ne donna la clef. Tout cela, faut-il le dire, ne fut connu de Willermoz que bien plus tard, après qu'il eut depuis longtemps mesuré les faiblesses du système allemand. En 1772 donc, Willermoz sollicita son admission au sein de la Stricte Observance dans une lettre adressée à von Hund en date des 14 et 18 décembre. Celui-ci lui répondit le 18 mars 1773 et le renvoya au baron de Weiler, son émissaire chargé d'implanter l'Ordre en France. La correspondance échangée montre à l'envi le quiproquo : le lyonnais parlait de l'objet caché de la maçonnerie qui ne pouvait traiter que des questions essentielles, uploads/Religion/ de-la-sotau-rer.pdf
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- Publié le Sep 18, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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