IN MEMORIAM Saint François de Sales , dans la préface de son immortelle Intro
IN MEMORIAM Saint François de Sales , dans la préface de son immortelle Introduction À la Vie dévote, explique comment et dans quel but son livre fut écrit. Destiné exclusivement à la direction spirituelle d'une âme, il ne devait jamais être imprimé. Le manuscrit serait demeuré sans en sortir dans les mains de sa destinataire, afin qu'elle pût en médi- ter les enseignements à son loisir. Mais les pages qui le composaient furent communiquées, dit - il, « à un grand, docte et dévot religieux, lequel, estimant que plusieurs en pourraient tirer du pro- fit, m'exhorta fort de les faire publier : ce qui luy fut aysé de me persuader, parce que son amitié avait beaucoup de pouvoir sur ma volonté, et son jugement une grande authorité sur le mien. » Ces quelques lignes du saint évêque de Genève racontent exactement toute l'histoire de la publi- cation du présent volume. J'ai rencontré, moi aussi, un religieux dont le jugement possède « une grande authorité sur le mien ». Il a, par sa 4 JOURNAL ET PENSÉES DE CHAQUE JOUR direction spirituelle, achevé l'œuvre de conver- sion commencée par la rayonnante influence de la sainte compagne que Dieu m'a ravie, et déter- minée par la lecture du Journal et des Pensées que j'ai trouvés après sa mort et que j'édite aujourd'hui. Ces pages ont été écrites non au jour le jour, mais quand l'auteur éprouvait, sous l'impulsion d'un sentiment intérieur, le besoin d'épancher dans le secret les pensées ou les émotions qui remplissaient son cœur. Encore bien qu'elle ait donné à son manuscrit ce titre : Journal, il ne constitue pas un journal au vrai sens de ce mot. Elle n'écrivait qu'irrégulièrement, souvent à des intervalles assez longs ; très peu de faits sont relatés qui pourraient renseigner sur les événe- ments de sa vie. C'est, à proprement parler, l'his- toire d'une âme, qui note les principales étapes de son évolution, une sorte d'examen de con- science, à de certains moments traduit par la main. Et comme l'auteur écrivait pour elle seule, cette conscience se répandait devant Dieu en toute simplicité, en toute vérité, en toute liberté, sans aucune préoccupation de style et de composition. Oh! la littérature est bien absente, on le verra, de ces pages si parfaites de forme, si sublimes d'in- spiration, si dépouillées de recherche et d'artifice. L'auteur les jetait sur le papier comme elle les IN MEMORIAM « pensait, au courant de la plume, d'une écriture souple et facile, sans ratures ni surcharges (à peine quelques grattages), ne trahissant aucun labeur de texte, révélant, au contraire, une effu- sion de l'esprit. Je n'en soupçonnais pas l'existence, qui ne me fut révélée qu'après la mort de l'auteur par sa sœur, à qui elle en avait communiqué des passages en confidence; unique, heureuse et providentielle confidence qui a sauvé le manuscrit. L'auteur, dans son humble modestie, jugeant que celui-ci avait rempli auprès d'elle toute l'action spirituel- lement bienfaisante qu'elle en avait attendue , vou- lait le brûler. Sa sœur intervint à plusieurs re- prises auprès d'elle pour l'en empêcher, et son affectueuse insistance arrêta cette destruction. « Tu as raison, lui dit- elle un jour, mon cher mari lira cela après ma mort, et cela lui expli- quera bien des choses! o Ce journal, quand j'en trouvai le manuscrit, présentait une grosse lacune. Commencé le 11 septembre 1899, il était clos une première fois le 11 août 1906, et cela formait un cahier recou- vert de molesquine noire, comme les cahiers d'éco- lier. Puis il reprenait brusquement, dans un autre cahier de même aspect, Je 19 octobre 1911, pour être continué jusque pendant la dernière maladie qui devait emporter l'auteur, jusqu'au 9 jan- vier 1914, lorsqu'il lui devint impossible d'écrire, peu de mois avant sa mort. D'août 1906 à oc- tobre 1911, il j avait un vide de plus de cinq 6 JOURNAL ET PENSÉES DE CHAQUE JOUR années, vide des plus regrettables, puisque ces années comptent parmi les plus intéressantes de l'évolution religieuse d'Elisabeth Leseur. C'est la période où son âme s'est engagée avec décision et fermeté, de façon définitive, dans la voie étroite de la sanctification où la guidait la divine prédes- tination. La Providence a permis que cette lacune fût comblée. J'ai trouvé, en faisant d'autres recherches, un petit cahier intitulé Cahier de Résolutions -Règlement de vie, qui remplit exacte- ment le vide, débordant même légèrement sur la seconde partie du Journal, puisqu'il part d'oc- tobre 1906 pour se terminer le 18 juillet 1912. Et c'est bien, comme je le pensais, le moment déci- sif de cette existence exceptionnellement édifiante, une des plus émouvantes parties de toute l'œuvre, qui apparaît dans ce cahier, légèrement différent du Journal comme ordonnance, mais qui s'enchaîne harmonieusement avec lui, et où les dates four- nissent à souhait les points de repère désirables. Les Pensées de chaque jour sont tout à fait dis- tinctes du Journal, bien que consignées sur un des deux cahiers qui renferment celui-ci, pré- cédant sa deuxième partie. Ce sont des fragments détachés qui furent inscrits au jour le jour, tels que les inspiraient la méditation quotidienne ou la prière, lorsque l'auteur les jugeait mériter d'être retenus. Quelques-uns, très développés, prennent pour ainsi dire le caractère d'hymnes, comme ceux qui suivent la date douloureuse du 13 avril 19Ûo; mais, la plupart du temps, ils ont IN MEMORIAM 7 la forme habituelle de pensées, parfois très courtes, souvent plus détaillées, rédigées dans un style fort et concis, et qui vont jusqu'aux profon- deurs de l'âme ou de Tesprit en y projetant une vive et inoubliable lumière. Ecrites pendant les mêmes années que le Journal, plus exactement pendant les sept premières années, de 1899 à 1906, elles soulignent, développent et complètent celui-ci, dont elles constituent le meilleur com- mentaire. J'ai joint comme épilogue à l'ouvrage le Tes- tament SPIRITUEL, qui m'a transmis l'ultime pensée et les derniers conseils de celle que je venais de perdre. J'ai beaucoup hésité avant de livrer à la publicité ce document, d'une nature si intime ; mais j'ai été vivement encouragé à le faire, et je me suis rendu aux arguments qui m'étaient pré- sentés. En effet, ce Testament spirituel est la conclusion normale de toute l'œuvre ; il montre quelles furent jusqu'au seuil du tombeau l'exquise charité, l'étonnante tendresse de cette âme sainte et quelles ont été ses préoccupations religieuses constantes jusque dans la mort. Ainsi tout se tient et constitue un ensemble parfait. Journal, Cahier de Résolutions, Pensées de chaque jour, Testament spirituel, ont leur lien chronologique, se succèdent dans l'ordre, s'éclairent, s'expliquent et se complètent les uns par les autres. La subli- mité de l'inspiration y va croissant, l'ascension vers Dieu y apparaît continue, et certains pas- sages, comme ceux qui terminent le Journal 8 JOURNAL ET PENSÉES DE CHAQUE JOUR (16 juillet 1913, 9 janvier 1914), ont un accent qui n'est déjà plus de cette terre. Tel est le manuscrit, voyons maintenant quel fut l'auteur. * Le renoncement, le détachement, la pauvreté volontaire, l'aversion pour le monde, le sacrifice et l'oubli de soi, l'acceptation de la souffrance, la charité poussée aussi loin que possible envers Dieu et le prochain forment le thème de chacune de ces pages. En les lisant, on est amené à se deman- der si elles n'ont pas été rédigées par une reli- gieuse, ou tout au moins par une femme vivant à l'écart, dans une retraite volontaire, dans des con- ditions d'existence exceptionnelles. Et le lecteur en vient facilement à se dire : « Evidemment, cela est très beau, très édifiant, mais presque trop pour moi. Je ne me trouverai jamais dans de semblables circonstances de vie intérieure, et je ne pourrai jamais suivre une voie aussi ascen- dante, profiter d'un pareil exemple. Dans les incidents et les tracas journaliers d'une existence normale, comment réaliser un si haut enseigne- ment? » En quoi le lecteur se trompe tout à fait, l'auteur fut une femme du monde, vivant dans le monde et remplissant à merveille ses obliga- tions d'état. Elisabeth Leseur avait trente-trois ans quand elle commença à rédiger son Journal, en sep- IN MEMORIAM tembre 1899 (elle était née le 16 octobre 1866) ; elle était donc encore jeune, en plein épanouis- sement. Nous aimions, à cette époque, à recevoir et à sortir, nous avions constitué un intérieur très confortable, nous menions une existence très large, agrémentée de beaux voyages qui nous causaient à tous deux de grandes satisfactions. D'une intelligence ouverte à tout, remarquable- ment prompte et pénétrante, elle jouissait de toutes les belles manifestations tant de la nature que du génie de l'homme. Très cultivée, elle avait appris le latin , connaissait l'anglais parlait et , écrivait couramment le russe, et commençait à bien posséder l'italien, quand la maladie la ter- rassa, dans les derniers mois de 1913. Elle savait comprendre et apprécier l'art sous toutes ses formes : peinture, sculpture, musique, littérature, et ses séjours en Espagne, en Italie, dans l'Afrique du nord, en Grèce, en Orient, en Russie, en Allemagne aussi, uploads/Religion/ diario-di-margalette1.pdf
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- Publié le Jul 19, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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