Lettre ouverte à celui qui critique le soufisme Par le Cheikh Ahmed al­Alawi C'

Lettre ouverte à celui qui critique le soufisme Par le Cheikh Ahmed al­Alawi C'est dans le cadre des polémiques opposant soufis et milieux réformistes que le Cheykh Ahmed al­'Alawî eut l'occasion d'écrire en 1921 l'épître dont nous présentons un extrait de traduction. Servi par une réthorique efficace et un style incisif, il y réfute une par une les critiques des adversaires du soufisme, et cite la multitude de source scripturaires (Coran et Hadîth) sur lesquelles s'appuie le tasawwuf. La traduction, jusqu'à ce jour inédite, de cette œuvre du Cheikh al­Alawi représente une contribution très intéressante, compte tenu de l'autorité du Cheikh, à l'étude détaillée des critiques et préjugés les plus fréquents que nourrissent, de nos jours, les milieux religieux de l'Islam à l'égard de ce que représente, à l'intérieur de ce dernier, le soufisme D'autre part, ce livre servira également à ceux qui souhaitent comprendre, de manière objective et " au plus près ", le véritable caractère de certaines polémiques qui, de fait, se produisent dans toutes les religions au cours de leur développement historique, d'une manière ou d'une autre, bien que ce soit en climat musulman qu'elles apparaissent aujourd'hui de la façon la plus paradigmatique. En effet, cette œuvre n'est pas autre chose que la réponse la plus directe et précise possible à certaines attaques que le soufisme eut à subir de la part de l'un des représentants des courants " réformistes " du début du XXe siècle, milieux qui correspondent aujourd'hui grosso modo à ce que l'on appelle " fondamentalisme ", et qui tentaient à cette époque de détruire l'énorme influence que le Tassawwuf a depuis toujours exercé sur l'ensemble de la communauté musulmane. Certains s'étonneront peut­être du caractère assez polémique de ce texte, sans réussir à comprendre comment un personnage dont le rôle est d'un ordre largement plus élevé peut en être à l'origine, et pourtant, l'histoire nous montre que d'autres, tout aussi éminents, ont agi dans le même sens. Tout d'abord, notons qu'il s'agit d'une polémique très ancienne, dont on pourrait retrouver les traces aux origines de toute révélation prophétique et universelle, dans la mesure où celle­ci se trouve confrontée à l'ignorance de ceux dont l'horizon, dans la façon qu'ils ont d'appréhender la réalité, est borné soit par leur limites propres, soit par leurs intérêts matériels Ainsi, du fait même de cet " affrontement ", il se produit, dans le cadre de certaines étapes historiques, une détérioration progressive du caractère universel et spirituel, non pas de la Révélation en elle­même bien sûr, mais de ses formes d'expressions religieuses Cette opposition, qu'elle soit consciente ou non, a par définition un caractère ténébreux, puisqu'elle tente de réduire l'influence de la force lumineuse dont 1 le Message Divin est porteur, pour le conditionner en fonction des exigences d'une logique précaire Il s'agit là sans nul doute d'une bid'a, d'une innovation, des plus pernicieuses qui soient, crime dont, paradoxalement, on accuse souvent ceux qui ne se sont pas écartés d'un iota de la Volonté Divine et du comportement prophétique. C'est dans cette perspective qu'il faut situer l'intervention du Cheikh al­Alawi A travers sa réponse à une telle attitude se manifeste le zèle qui l'anime, quand il s'agit de préserver le bénéfice qu'il y a à rester fidèle aux authentiques interprètes de l'esprit de la Parole Divine et de l'enseignement prophétique qui l'accompagne, face à l'intransigeance et à l'audace de ceux qui n'" interprètent " en réalité qu'eux­mêmes, assumant ainsi la responsabilité de la décadence spirituelle et morale de toute une communauté de croyants. D'autre part, il convient de souligner le caractère exceptionnel d'une intervention de cette nature, qui ne se justifie qu'à titre de respect d'une obligation collective ­ l'accomplissement par une personne du fard kifâya en dispense les autres ­ et concerne, avant tout, celui qui assume cette responsabilité En effet, en tout autre cas : "Les serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur la terre ; et lorsque les ignorants leur adressent la parole, ils répondent: " Paix! ", Sourate 25 : Le discernement (Al Furqan) verset 63. Comme le Cheikh le signale lui­même, la polémique est, autant pour les Prophètes que pour les saints, l'ultime et le plus pénible des recours, acceptable pour autant qu'elle soit faite de la meilleure manière ". Par ailleurs, l'argumentation, le style et les moyens qu'emploie le Cheikh dans cette épître, indépendamment de certaines références ponctuelles et " techniques " parfois étrangères au contexte qui est le nôtre, permettent de mieux comprendre comment doivent être appliqués les principes qui régissent la transmission d'un authentique enseignement religieux, relativement à la " lettre " et à " l'esprit ". Quant à la première, il est nécessaire de connaître la Révélation et les sources traditionnelles et de s'y conformer, afin d'éviter les interprétations individuelles ou tendancieuses, aussi raisonnables qu'elles puissent nous paraître ; de plus, par principe, il faut toujours essayer d'avoir une bonne opinion a priori (husn al­dhann) quand il s'agit d'autrui Ces deux principes sous­tendent l'argumentation du Cheikh tout au long de cette lettre Concernant " l'esprit ", il faut admettre qu'il ne saurait y avoir de réelle tolérance en l'absence d'une connaissance véritable La vision du Cheikh est une vision sans limites, avec une perspective à très long terme, qui suscite confiance et amour pour ceux qu'Allah a choisis comme intermédiaires et sujets de la contemplation de cette Grandeur qui dépasse toute capacité humaine. En ce sens, la Vérité ne peut être manipulée, tout simplement parce qu'elle englobe tout, y compris sa propre manipulation Quoi qu'il en soit, l'action du Cheikh consiste à essayer de sauver ce qui peut l'être et empêcher la destruction de ce qui reste, en dénonçant ceux qui sèment le doute et la méfiance parmi les plus faibles, de façon à les séparer des dépositaires de la Foi. Puisse cette lettre, par la Grâce Divine, nous être à tous profitable, et remercions celui dont l'effort d'interprétation fidèle et le savoir utile nous ont permis d'y accéder. 2 Introduction Au Nom de Dieu, le Tout­Miséricordieux, le Très­Miséricordieux Louange à Dieu, qui nous a épargné ces épreuves auxquelles Il a soumis bon nombre de Ses créatures ! Que la grâce et la paix soient sur le Prophète et sa famille Cette lettre émane d'un esclave de son Seigneur ayant beaucoup de méfaits à se reprocher: Ahmad Ibn Mustafa al­Alawi ­ que Dieu lui accorde Sa grâce et lui inspire, ainsi qu'aux croyants, de suivre la voie la plus droite ! Le destinataire en est le juriste réputé, le Cheikh Sidi Uthman Ibn al­Makki, professeur à la grande mosquée de Tunis ­ que Dieu le fasse prospérer et le purifie de tout démon révolté ! Que la paix de Dieu soit sur vous, aussi longtemps que vous montrerez de la déférence à l'égard des membres des confréries : "Celui qui vénère ce que Dieu a déclaré sacré en tirera bénéfice auprès de son Seigneur", Sourate 22 : Le pèlerinage (Al­Hajj) verset 30. J'ai découvert l'épître issue de votre plume intitulée " Le Miroir manifestant les égarements " La prenant en considération, je l'ai feuilletée avec attention, en rendant grâce à Dieu qu'il reste encore de nos jours des personnes fermes en matière de religion, des gens qui ne craignent le blâme d'aucun censeur dès lors qu'il s'agit de Dieu. Certes, son titre me gênait quelque peu en raison du terme " égarements ", mais ce que j'ignorais à ce stade, c'est que le texte ainsi intitulé était encore plus gênant. Le peu que j'en lus suffit à me désappointer : mon intérêt s'émoussa aussitôt, et je ressentis une peine à la mesure de ma réjouissance initiale J'en fus à tel point affligé que je faillis m'écrier : " Il est absolument illicite de poser son regard sur un quelconque miroir, que ce soit pour y contempler des égarements ou quelque autre forme ! " et cela en raison des attaques et atteintes à l'honneur que contient votre " Miroir " Peu s'en faut qu'elle ne déborde de colère : en direction des gens du Souvenir ( Dhakiroun ), elle lance des étincelles de la taille d'une forteresse, et son discours fiévreux détruit les croyants Je cherchai bien à distinguer l'écrivain de son œuvre ; mais à chaque fois, l'idée me reprenait qu'un discours est toujours le reflet de son auteur et que la caque sent toujours le hareng. Les mensonges que contient votre " Miroir " et le caractère immoral de son contenu constituent une atteinte à l'honneur des gens du rattachement à Dieu : vous les avez proprement calomniés Aussi, la Jalousie divine et la ferveur [que je porte] à l'Islam m'ont poussé à vous écrire, par vénération pour ces membres des confréries que vous avez caricaturés Venant au secours des gens du Souvenir que vous avez trahis, je ne fais que mettre en pratique la parole suivante du Prophète ­ sur lui la prière et la paix ­ : " Celui qui assiste à l'humiliation d'un croyant sans venir à son secours alors qu'il en a les uploads/Religion/ lettre-ouverte-critique-soufisme-sidi-al-alaw.pdf

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  • Publié le Apv 15, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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