DOCUMENTS RELATIFS A L'ÉPOQUE DE GIA-LONG. Par L. CADIERE, de la Société des Mi
DOCUMENTS RELATIFS A L'ÉPOQUE DE GIA-LONG. Par L. CADIERE, de la Société des Missions Etrangères de Paris, Correspondant de l'Ecole française d'Extrême-Orient. INTRODUCTION. L'histoire de Gia-long n'est pas encore écrite. C'est cependant une œuvre qui s'impose. A celui qui la tentera, j'offre les documents suivants, tous inédits. Les annales indigènes, que l'Ecole française d'Extrême-Orient s'occupe de réunir et d'utiliser, sont une source de renseignements fort précieux. Elles nous montrent la suite des événements, nous désignent les localités où les faits se sont passés, nous donnent exactement le nom des acteurs. En un mot, elles nous fournissent la trame de l'histoire. Mais, il faut le reconnaître, ces annales ne sont pas exemptes de défauts. Les rédacteurs ont souvent manqué de critique. Surtout, ils nous présentent les événements sous un jour tout spécial. Les empereurs nous sont toujours montrés pleins de majesté et de clémence, parfois avec une candide invraisemblance ; les mandarins se divisent en deux catégories nettement tranchées : les serviteurs loyaux, et les rebelles; les armées atteignent des chiffres fantastiques ; les soldats ne connaissent que la victoire, ou, s'ils sont battus, on ne le dit que par une périphrase ; les grands dignitaires, les princes et princesses du sang, occupent constamment la scène ; pour les gens du peuple, ils n'apparaissent guère que lorsqu'il s'agit de corvées à imposer, de taxes à percevoir, de troupes à lever. On dirait une de ces peintures ou de ces mosaïques de l'école byzantine, où, sur un fond d'or uniforme, les figures du Christ, de la Vierge ou des Saints apparaissent drapées dans des vêtements somptueux aux plis rigides et conventionnels, majestueuses, mais sans vie. Heureusement, nous avons d'autres sources d'information qui permettent de compléter, de corriger au besoin, les renseignements fournis par les annales officielles. Ce sont les témoignages des Européens, missionnaires ou commerçants, qui ont vécu en Annam. Parmi ces témoins, les uns ont laissé des mémoires que l'on s'occupe de rééditer ou de mettre au jour ; d'autres, sans souci de la postérité, ont fait allusion parfois, en écrivant à leurs amis, à leurs parents, à leurs chefs, aux événements qu'ils vovaient se dérouler sous leurs yeux. XII, " Parfois c'est une lettre entière qui a trait à un événement politique important ; mais, la plupart du temps, c'est une simple allusion, ici, c'est une date, que les annales ne mentionnent pas avec précision, ou un détail, oublié par les historiens indigènes ; là, c'est un titre de fonction, donné avec sa traduction, ou sa forme populaire ; ou bien, on indique quelles étaient les attributions de tel mandarin, de tel tribunal, quelle était la filière à suivre pour faire aboutir une affaire ; ou bien encore, c'est un trait de mœurs que l'on rapporte, une croyance populaire que l'on mentionne, une pratique religieuse que l'on décrit en passant ; d'autres fois, un petit trait nous peint au naturel le caractère des princes: on nous cite leurs paroles, on nous montre leurs qualités comme leurs petites misères morales; mais, ce qui est plus important encore, on nous raconte ce que pensait, ce que disait le peuple, ses craintes, ses espérances, ses souffrances, sa vie de tous les jours. J'ai eu l'occasion de parcourir un très grand nombre de documents de cette sorte. Malgré mon vif désir de glaner tout ce qui était intéressant au point de vue de l'histoire civile de l'Indochine ancienne, j'ai été obligé de me borner. Négligeant la période des rois de Hué antérieurs à Gia-long, j'ai, sur des conseils autorisés, recherché ce qui concernait l'époque de Gia-long, et, là aussi, le temps qui m'était fixé m'a obligé à faire un choix. Les documents qui suivent ont trait, pour la plupart, aux faits saillants concernant les grands combats livrés par Gia-long, ou bien aux Français qui l'aidèrent dans la conquête de son royaume ('). (v) Le P. Cadière ayant rédigé ce travail en France, et sans avoir à sa disposition les documents indigènes, j'ai ajouté en note quelques essais d'identification des noms annamites cités dans les lettres [Cl. E. Maître]. I. — Edit de 1774 sur la Religion chrétienne ('). [695 | Edictum Regis Cocincinae ab Religione Christiana [Suit le texte en latin, traduction latine du décret]. (697) Ordonnance du Roi de Cochinchine, qui accorde la liberté aux confesseurs de la foi détenus depuis 1749, et leur permet le libre exercice de leur religion. Je soussigné, secrétaire de la Chambre royale et du Conseil souverain, de la part du Roi, fais savoir à tous les sujets de ce Royaume les ordres suivants, A savoir : Que Sa Majesté accorde un pardon général et le libre exercice de la religion chrétienne à tous ceux qui ci-devant ont été condamnés à couper l'herbe aux éléphants ou à l'esclavage perpétuel en qualité de soldats dans ses armées, pour n'avoir pas voulu abjurer leur religion et fouler aux pieds l'image de J.-C. ; ordonne Sa Majesté qu'après la publication de la présente ordonnance, tous les mandarins, gouverneurs des provinces et autres, aient à rendre la liberté aux ci-dessus nommés et leur laisser professer en paix leur religion ; ordonne à son Conseil souverain d'envoyer aussitôt cet ordre à tous les mandarins, gouverneurs des provinces et autres, afin qu'il soit publié dans toutes les villes et villages de ses Etats, et que par là la connaissance en vienne à tous ses sujets ; ordonne que lesdits mandarins, gouverneurs des provinces et autres, prennent une liste exacte de tous les chrétiens ci-devant punis pour leur religion, et aient à la lui présenter en peu de temps pour lui certifier l'exécution de ses ordres ; qu'enfin les susdits chrétiens, après leur délivrance, aient à se présenter au Conseil souverain, pour rendre grâce à Sa Majesté d'un si grand bienfait, et afin qu'il conste par là que les mandarins, gouverneurs des provinces et autres, ont exécuté sans délai la présente ordonnance. Soit lu et publié partout dans ce Royaume. Donné le 12° de la 3e lune de l'année du Cheval (c'est-à-dire le 22 avril 1774). Par ordre du Roi, Bo Sinh, secrétaire de la Chambre royale et du Conseil souverain. [Archives M-E, 745, p. 695-697.] :1i Une traduction française de cet édit, rédigée en termes quelque peu différents, a été publiée dans la Galette d'Amsterdam du 13 février 1776, et reproduite dans l'Histoire naturelle, civile et politique du Tonquin, par l'abbé Richard (Paris, 1778, 2 vol. in- 1 2), t. II, p. 346-347. XH, - 4 - II. — Lettre de M. La Bartette (') a M. Alary (-), DU 24 JUILLET I78O. ... [2] Dans mes lettres de l'année précédente, je parlais d'un édit que les Tonkinois avaient porté contre notre Sainte Religion. Il n'a point été encore révoqué. Tout de suite qu'on vit cet édit, il y eut certaines chrétientés éloignées des missionnaires qui abattirent leurs églises par crainte d'être molestées, mais voyant que ce n'était pas bien sévère, elles furent sur-le-champ rebâties. Vous sentez bien que cette faute ne demeura pas impunie ; mais elles [3] firent cela dans la bonne foi, comme ils l'ont bien protesté après. Malgré cette défense nous allons toujours notre train : tous nos chrétiens sont régulièrement visités et soignés comme auparavant.... Dans le Tonkin, tous nos Messieurs se portent bien comme chez nous. Je reçois très souvent des lettres de ces Messieurs et surtout de M. Sérard (:i), qui m'a écrit depuis environ vingt jours et me mande que depuis longtemps on n'avait joui dans le Tonkin d'une si grande paix et tranquillité, soit quant à la religion, soit quant à la guerre. Nous n'avons absolument cette année la moindre nouvelle de nos Messieurs de Btmg-nai (л). Le royaume est toujours divisé en trois, savoir, la partie des Tonkinois où se trouve votre serviteur, la partie des rebelles où est mon bon (!) La Bartette, Jean, originaire du diocèse de Bayonne, partit pour la Cochin- chine en décembre 1773. En 1792, il fut sacré évêque de Véren et nommé coadjuteur de la mission. En 1799, il prit les fonctions de vicaire apostolique. Il mourut le 6 août 1823 à Co-vu'u, près de Quàng-tri, âgé de 77 ans. C'est dans l'église de cette chrétienté qu'il est enterré. Les notices concernant les missionnaires dont on fait mention dans ces documents sont composées à l'aide des documents fournis par le « Mémorial de la Société des Missions Etrangères », Hong-kong, Imprimerie de la Société, 1888. Une seconde édition de cet ouvrage, revue et augmentée, préparée par les soins de M. Launay, est actuellement sous presse. (2) Alary, Georges, du diocèse d'Albi, partit pour le Siam en mars 1763. Eu 1764, lors de l'invasion birmane, il était à Merguy ; il y fut battu de verges et réduit en esclavage. En 1767, il passa en Chine, dans la mission du Sseu-tch'ouan, et y resta jusqu'en 1773, époque où il fut rappelé à Paris comme directeur du Séminaire ç^es Missions Etrangères. A son arrivée en France il s'enfuit à la Chartreuse. Mais un bref de Clément XIV lui enjoignit de uploads/Religion/ documents-relatifs-a-l-x27-epoque-de-gia-long.pdf
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Licence et utilisation
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- Publié le Dec 02, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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