LUMIÈRE DU THABOR Bulletin des Pages Orthodoxes La Transfiguration Numéro 21 ●

LUMIÈRE DU THABOR Bulletin des Pages Orthodoxes La Transfiguration Numéro 21 ● décembre 2004 L’ÉGLISE DES CATACOMBES EN UNION SOVIÉTIQUE 1 / Qui nous séparera de l’amour du Christ ? par Mgr Hilarion Alfeyev 3 / Le contexte historique de l’Église des catacombes par Paul Ladouceur 7 / Le hiéromartyr Benjamin, métropolite de Petrograd PÈRE ARSÈNE DE ROSTOV : 9 / Histoire d’une communauté vivante 13 / Irène 18 / L’Archevêque 21 / Prière d’un accord commun 22/ Saint Alexis d’Ugine 25 / La Vie spirituelle du chrétien – II par Mgr Alexandre Semenov-Tian-Chansky 26 / À propos de Lumière du Thabor Avec nos remerciements à Denis Marier L ’ÉGLISE DES CATACOMBES EN UNION SOVIÉTIQUE « QUI NOUS SÉPARERA DE L’AMOUR DU CHRIST ? » par Mgr Hilarion Alfeyev Jamais l’histoire de l’Église n’avait connu de persécutions aussi systématiques et longues qu’en l’Union soviétique de 1917 jusqu’à la fin des années 1980. Aux premiers siècles du christianisme les persécutions avaient un caractère local et ne duraient généralement pas plus de quelques années. La persécution la plus terrible de Dioclétien et de ses successeurs, commencée en 303, ne s’est poursuivie que huit ans. Les persécutions dans l’Union soviétique ont concerné un pays entier qui constituait la sixième partie de la terre ; elles ont touché tous les domaines – scolaires, administratifs, scientifiques – toutes les couches sociales et tous les âges – à commencer par les enfants soumis à une éducation athée et aux persécutions pour leur foi dans les écoles maternelles et secondaires, jusqu’au vieillards. Plus de 100 millions de fidèles orthodoxes de Russie subirent tous, sans exception, des persécutions diverses, injustices, discrimination, à commencer par les affronts et le chômage jusqu’à l’exécution. (suite page 2) ___________________________________________________________________ KONDAKION DES SAINTS NÉO-MARTYRS DE RUSSIE (TON 2) Ô nouveaux Martyrs de Russie, c’est en Confesseurs que vous avez parcouru le chemin terrestre,par vos souffrances vous avez acquis de l’audace, priez le Christ qui vous a fortifiés,afin qu’à l’heure où l’épreuve viendra pour nous nous recevions le don divin du courage. Vous êtes un exemple pour ceux qui vénèrent votre exploit,car ni la peine, ni le tourment, ni la mort n’ont pu vous séparer de l’amour de Dieu. IKOS (MATINES) Lorsque sont venus les jours de l’épreuve de feu pour l’Église russe et que le Seigneur n’a plus daigné recevoir de nous l’holocauste et les offrandes, alors un grand nombre de hiérarques et de prêtres ne s’arrêtèrent ni à la chair ni au sang, mais comprenant la volonté du Seigneur, s’offrirent eux-mêmes en victimes immaculées. Et, à la suite du Grand Prêtre éternel, de l’Intercesseur de la Nouvelle Alliance, eux aussi entrèrent dans le sanctuaire avec leur propre sang pour purifier le peuple de ses péchés. Glorieux sont vos noms, martyrs intrépides, vous êtes un modèle pour nous qui vénérons votre exploit car ni la peine, ni le tourment ni la mort n’ont pu vous séparer de l’amour de Dieu. Lumière du Thabor Numéro 21 ● décembre 2004 Page 2 _____________________________________________________________________________________________ Lumière du Thabor Numéro 21 ● décembre 2004 Page 3 L’Église orthodoxe russe en a souffert particulièrement. La persécution contre elle a commencé dès l’accession des bolcheviques au pouvoir. En janvier 1918 le patriarche Tikhon écrivit : « La sainte Église orthodoxe du Christ vit actuellement un temps difficile en Russie : des ennemies manifestes ou latents de la vérité du Christ se sont dressés contre elle et tentent de faire périr l’œuvre du Christ... Nous vous exhortons tous, enfants fidèles de l’Église : défendez notre Sainte Mère humiliée et persécutée… Et s’il faut souffrir pour l’œuvre du Christ nous vous appelons à ces souffrances avec nous par les paroles du saint Apôtre : Qui nous séparera de l’amour du Christ : chagrin, peine, persécution, famine, nudité, malheur ou glaive ? (Ro 8,35). Pendant la guerre civile du début des années 1920 un grand nombre de fidèles orthodoxes, dont les évêques, les prêtres et les moines, fut fusillé et incarcéré. Un de ceux qui a souffert pendant la campagne de la nationalisation des biens ecclésiaux fut le métropolite Benjamin de Petrograd. La veille de son exécution il écrivit dans sa prison : « Dans mon enfance et adolescence je me passionnais pour la lecture des vies des saints dont l’héroïsme m’impressionnait ; je regrettais de toute mon âme que les temps avaient changé et qu’il n’y avait plus d’occasion de vivre ce qu’ils avaient vécu. Mais les temps ont changé de nouveau la possibilité se présente de souffrir pour le Christ de la part des siens et des étrangers. Il est difficile de souffrir, mais au fur et à mesure que nos peines augmentent, abondent aussi la grâce et la consolation de Dieu ». Dès les premiers jours de leur existence les autorités soviétiques se sont donné comme objectif l’élimination totale et cruelle de l’Église orthodoxe. Cette décision transparaît dans la lettre de Lénine du 19 mai 1922 au sujet de la nationalisation des biens ecclésiaux adressée aux membres du Bureau politique : « L’enlèvement des biens, en particulier de ceux des laures, monastères et églises riches doit être effectué avec une résolution impitoyable, sans s’arrêter sous aucun prétexte et dans les délais les plus brefs possibles. Plus on pourra fusiller de bourgeois et ecclésiastiques réactionnaire, mieux ce sera ». Les persécutions contre l’Église, commencées par Lénine et ses collaborateurs, furent poursuivies par Staline. Elles ont pris une grande ampleur en 1937 ; des centaines des milliers de chrétiens furent fusillés par fausse accusation d’activité anti-soviétique. Vers la fin des années 1930 tous les monastères, toutes les écoles théologiques et presque toutes les paroisses de l’Église russe furent fermés. Parmi les 60,000 églises ouvertes vers 1917, moins d’une centaine ne furent pas fermées vers 1939 dans tout le pays. Parmi les 300 évêques de l’Église russe pendant cette période, seulement quatre étaient en liberté, mais le NKVD (la police secrète) avait préparé des accusations pour leur arrestation qui pouvait survenir à tout moment. La plus grande partie de l’épiscopat et du clergé fut exécutée ; ceux qui y avaient échappé, terminaient leurs jours dans les camps de concentration. Le changement de la politique de l’État et le rétablissement de la vie ecclésiale n’ont commencé que pendant la seconde Guerre mondiale et étaient les conséquences de la tragédie de tout un peuple. Cependant, ce renoncement à l’objectif de déraciner l’Église ne signifiait pas la fin des persécutions. Dans une mesure moindre, les arrestations des évêques, des prêtres et des laïcs engagés se poursuivirent après la guerre. Sous Khrouchtchev (fin des années 1950 et les années 1960) une nouvelle vague de persécutions s’est déclarée, pendant laquelle plus de la moitié de 10,000 églises ouvertes en 1953 fut fermée. Il est difficile d’évaluer le nombre de ceux qui ont souffert pour le Christ sous le régime soviétique. Des sources diverses parlent de 500,000 à un million de personnes. Parmi eux 100,000 furent des clercs. Évidemment, les noms de tous ces martyrs ne sont pas connus. Pendant les premières années de la révolution les persécutions se sont déroulées partout avec un sadisme et une haine singuliers ; il ne reste aucune trace de bien des cas de ce genre. Ce ne sont que des renseignements bien pauvres qui atteignaient l’émigration et pouvaient être publiés. C’est pourquoi les noms de plusieurs milliers de martyrs ne seront jamais glorifiés sur cette terre. Mais Dieu les connaît tous. L’Église aussi garde le souvenir de ces nombreux martyrs anonymes. Pour cette raison le concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe a pris la décision en 2000 de canoniser ensemble avec des centaines de néo-martyrs et confesseurs dont les noms sont connus, les nombreux autres dont Dieu seul se souvient. À la fin du deuxième millénaire chrétien, lorsque le monde célébrait le jubilé de l’Incarnation de Dieu, l’Église russe a offert au Christ le fruit de ses souffrances, sa Golgotha, un grand chœur de martyrs et de confesseurs, ceux à qui il fut donné non seulement de croire en Christ, mais également de souffrir pour lui (Ph 1,29). La glorification de ces saints est un grand évènement spirituel pour notre Église qui témoigne de l’action incessante de l’Esprit dans l’Église du Christ, de l’union entre les chrétiens d’aujourd’hui avec leurs glorieux prédécesseurs. _____________________________________________________________________________________________ Lumière du Thabor Numéro 21 ● décembre 2004 Page 4 L’exploit des martyrs est commun aux chrétiens de toutes les confessions. En URSS ce sont les orthodoxes, les catholiques et les protestants qui furent persécutés. Ce n’était pas rare que des chrétiens des confessions différentes se trouvent dans la même cellule de prison. Les barrières confessionnelles disparaissaient alors, des différences doctrinales s’effaçaient. Ce qui unissait les chrétiens, à savoir l’amour du Christ, était bien plus important que ce qui les distinguait. Je voudrais exprimer mon espoir que l’exemple des martyrs nous incitera aujourd’hui non seulement à vivre en Christ et à être fidèle à son Église, mais également à œuvrer pour surmonter les divisions entre les chrétiens. Ce qui nous unit est bien supérieur à ce qui nous sépare. uploads/Religion/ lumiere-du-thabor-no-21.pdf

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  • Publié le Apv 02, 2021
  • Catégorie Religion
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