1 1839-1853 Eugène Varlin naît en 1839 à Claye-Souilly, en Seine-et-Marne, sur

1 1839-1853 Eugène Varlin naît en 1839 à Claye-Souilly, en Seine-et-Marne, sur le canal de l’Ourcq. Des bois, des champs et des vignes. De la betterave, du blé, du seigle, de l’orge et même du maïs. Peu de vaches, mais 1 200 moutons. Deux brosseries, des scieries, des carrières de gypse, des fours à chaux et à plâtre. La rivière Beuvronne, qui alimente le canal, fait aussi tourner les machines de l’usine d’impression sur étoffes, les Toiles peintes Japuis, qui emploie environ 400 ouvriers à fabriquer des indiennes, des mouchoirs de qualité supérieure, des châles… CS Alexandre Varlin exploite quelques lopins de terre et carrés de vigne, mais il travaille aussi pour les autres, il couvre les meules, tond les moutons. Ainsi, il apparaît dans les actes d’état civil comme manouvrier – ouvrier agricole –, vigneron ou journalier. Pour l’état civil, son épouse Héloïse Duru est parfois sans profession, parfois journalière. Ils ont quatre enfants : – Clémence Denise, née le 21 mars 1836 ; – Louis Eugène, « notre » Varlin, né le 5 octobre 1839 ; – Louis Benjamin, né le 7 mars 1844 ; – Hippolyte Armand, né le 17 novembre 1847. Les prénoms usuels des fils Varlin sont Eugène, Louis, Hippolyte. De même, Alexandre est pour Aimé Alexandre et Héloïse pour Héloïse Bathilde. Clémence Denise, je ne sais pas : on ne parle pas d’elle. Pour en parler autrement que par périphrases, je choisis Clémence. Le temps écoulé entre ces naissances laisse imaginer la possibilité d’autres enfants morts en bas âge. Les archives de l’état-civil ont été brûlées par « les Prussiens » qui ont occupé Claye-Souilly en 1870-1871. Un extrait d’acte de naissance d’Eugène Varlin a été confié par la famille à Lucien Descaves : Extrait des registres de l’état-civil de la commune de Claye, arrondissement de Meaux, département de Seine-et-Marne, pour l’année 1839. L’an mil huit cent trente neuf, le cinq octobre, quatre heures de relevée, devant nous maire et officier de l’état civil de la commune de Claye, est comparu le sieur Aimé Alexandre Varlin, manouvrier, âgé de trente quatre ans demeurant à Claye, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin né à Claye, ce jour d’hui à deux heures de relevée, de son légitime mariage avec Héloïse Duru sa femme âgée de vingt neuf ans, auquel enfant il nous a déclaré donner les prénoms de Louis Eugène, lesdites présentation et déclaration nous ont été faites en présence des sieurs Jean Marie Courregé, médecin âgé de trente six ans, et Jean Pierre Paussin, instituteur âgé de cinquante ans, tous deux témoins majeurs 2 demeurant à Claye, lesquels ont, ainsi que le père de l’enfant, signé avec nous le présent acte après lecture faite. Signé au registre : Courregé, Paussin, A. A. Varlin et L. Baton, maire. Pour extrait certifié conforme délivré en mairie à Claye-Souilly le vingt quatre janvier mil huit cent cinquante cinq. Le maire, J. Gros IISH, DESC … ce qui prouve qu’Alexandre Varlin savait signer son nom, et aussi qu’Eugène Varlin a eu besoin d’un acte de naissance le 24 janvier 1855, peut-être pour se faire établir un livret d’ouvrier. Les Varlin vivent dans le hameau de Voisins, rue Berthe, n° 12, chez François Antoine Duru, le père d’Héloïse. Il est né le 3 novembre 1773 à Claye. Il a travaillé dans les carrières de gypse. La maison n’a qu’un rez-de-chaussée de trois pièces : une cuisine, la chambre du grand-père, où dort aussi Clémence, et la chambre des parents, où couchent les trois garçons. Beaucoup d’enfants travaillent à l’usine Japuis, douze heures par jour, dès l’âge de 7 ans : tout petits, ils peuvent se glisser sous les machines. Je laisse la parole à une écrivaine dont la présence ici est pertinente, André Léo, dans Cendrine. Marguerite fit alors ce qu’elle n’avait jamais voulu faire : elle mit ses deux aînés à la fabrique de tissage pour être rattacheurs, c’est-à-dire pour nouer dans le métier les fils qui se rompaient. La journée des enfants qui faisaient cela était naturellement aussi longue que celle de l’ouvrier, c’est-à-dire de douze à seize heures. Il fallait rester tout ce temps-là accroupi sous le métier, trop bas pour qu’aucun d’eux, même le plus petit, pût s’y tenir debout. Pour ces pauvres enfants, c’était une torture ; on reconnaissait partout ceux de la fabrique à leur pâleur, à leur rachitisme. On les reconnaissait aussi à leur effronterie, à leur malice, à leurs propos grossiers et indécents. Marguerite avait dit souvent : – Non, jamais mes enfants n’iront là, mieux vaut souffrir de la faim. – Et pourtant, devant la faim, elle céda. Comment résister, au milieu d’enfants qui pleuraient pour avoir du pain ? Donc, Cendrine et Paul partirent, à sept et neuf ans, les voilà ouvriers, chargés de gagner leur subsistance, et une partie de celle de la famille. AL78 Le curé dresse, le 23 juin 1851, la liste des enfants qui communient, 18 garçons (dont Eugène Varlin) et 26 filles. Il note que 12 de ces filles travaillent à la fabrique, et qu’aucune d’elles ne sait lire. L’alternative est bien l’école ou l’usine, surtout pour les filles. Toutes les familles n’ont pas le choix. La fabrique procure un salaire minime et l’école est payante, un franc par mois pour les enfants qui apprennent à lire, un franc cinquante pour ceux qui savent déjà lire et écrire. Les parents Varlin ont pu choisir l’école. Grâce à une loi de 1833, il y en a une. De l’autre côté du canal, dans un ancien pigeonnier, une salle circulaire de huit mètres de diamètre accueille 75 garçons et filles, séparés par une paroi. Les petits Varlin y apprennent à signer leur nom, à lire, à écrire, à compter et à 3 chanter. Une monographie écrite (en 1888) par l’instituteur Tremblay donne les noms des instituteurs, Denis Bénony Scal (de 1842 à 1849) et Pierre Isidore Viron (de 1849 à 1856). Le premier ne correspond pas à ce qu’on lit dans les biographies d’Eugène Varlin, où il est question d’un M. Paturance – une erreur, d’un côté ou de l’autre… AD77, BRUH, CORD16, FOUL. L’année scolaire commence à la Toussaint et s’achève en mai. Ensuite, les enfants, garçons et filles, aident aux travaux des champs. Ainsi, le deuxième des fils Varlin, Louis, est gravement blessé par un coup de fourche pendant la fenaison, à l’âge de 13 ans. Pendant la scolarité d’Eugène Varlin, il y a une révolution et une république, en février 1848, un massacre de prolétaires en juin 1848, puis un coup d’État, le 2 décembre 1851, et plus de république. Le grand-père Duru, un républicain, membre de la municipalité en 1848, meurt le 23 avril 1852, entre le coup d’État et la proclamation de l’empire. La chronique et les biographes ajoutent, parmi les traditions républicaines de la famille, un arrière-grand-père, Jean Adrien Varlin, actif pendant la Révolution française. 4 1853-1860 On est passé du règne de Louis-Philippe à celui de Napoléon III. Eugène quitte l’école et Claye à l’âge de 13 ans pour apprendre un métier à Paris. Il entre en apprentissage chez un relieur de la rue du Pont-de-Lodi, puis chez son oncle Marc Hippolyte Duru, frère aîné d’Héloïse Varlin. La reliure évoque aujourd’hui les beaux livres pour bibliophiles. C’est alors plus vaste : relieurs et brocheuses fabriquent les livres, à partir de ce qu’ont fait avant eux typographes et imprimeurs. Le tissu familial qui accueille Eugène Varlin à Paris est assez dense. Des oncles et tantes, Varlin et Duru. Des cousins et cousines. Sa sœur Clémence, déjà à Paris lorsqu’il y arrive. Elle habite peut-être chez Marc Hippolyte Duru : lorsqu’elle se marie, le 26 novembre 1859, son adresse est celle de cet oncle, 16 rue des Prouvaires. L’acte de mariage a brûlé en mai 1871, mais il reste des traces de la cérémonie religieuse (catholique) qui s’est déroulée à l’église Saint-Eustache, de l’autre côté des toutes nouvelles Halles. Pierre Eugène Proux, le peintre en bâtiments qu’elle épouse, habite, lui, au 22 rue Fontaine-au-Roi… c’est justement l’adresse du meublé où s’installe Eugène Varlin lorsqu’il quitte l’oncle Duru en 1854. On peut imaginer que le « bon ami » de sa sœur a signalé un logement à l’adolescent, ou toute autre relation entre les logements des deux Eugène. D’ailleurs, Eugène Proux est un cousin, du côté Varlin. Revenons à 1853. Eugène Varlin a 13 ans. Pour évoquer son apprentissage, voici un texte qui appartient à son histoire : il fait partie des (timides) revendications qu’écrivent, à leur retour de Londres, les relieurs parisiens délégués à l’Exposition universelle de 1862. Qu’une surveillance active soit établie sur les ateliers de reliure, dorure sur tranche, etc., pour empêcher que les apprentis soient occupés au travail pendant quinze et dix-huit heures, et même parfois la nuit entière, afin que l’art. 9 de la loi sur l’apprentissage soit strictement exécuté. Cet article prescrit que l’apprenti âgé de moins de 14 ans ne doit pas travailler plus de dix heures par jour, et celui âgé de uploads/Religion/ eugene-varlin-ouvrier-relieur-1839-1871-michele-audin.pdf

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  • Publié le Jui 14, 2021
  • Catégorie Religion
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