Henri Boulad s.j. Faggala 30 Janvier 1987 Homélie du 40è de sa Maman. 1 CŒUR DE
Henri Boulad s.j. Faggala 30 Janvier 1987 Homélie du 40è de sa Maman. 1 CŒUR DE MÈRE ... CŒUR D’ENFANT " Quiconque n'accueille pas le Royaume de Dieu comme un petit enfant n'y entrera pas." (Lc 18,17) La condition mise par le Seigneur pour entrer dans le Royaume est celle devoir un coeur d'enfant. C'est pourquoi je pense que maman a dû trouver toutes grandes ouvertes devant elle les portes du ciel. Parce qu'elle a su garder jusqu'au bout son cœur d'enfant. Guy de Larigaudie disait : « Ces femmes qui gardent, d'un bout à l'autre de leur vie une âme de jeune fille. » Ce qui m'a frappé, chez maman, c'est qu'elle a eu, jusqu'à l'âge de 88 ans une âme d'enfant, une âme de jeune fille. La jeunesse n'est pas un âge de la vie ... c'est un état d'âme, un état d'esprit, une certaine manière d'être. Je pense que la vie, d'une certaine manière, commence à l'envers. Garaudy disait : "Apprendre à être jeune, c'est un très long apprentissage. J'y ai passé plus de soixante ans et je ne croie pas y être encore tout à fait arrivé... La vie se déroule en sens inverse de ce que l'on croit communément : nous naissons très vieux, et il nous arrive parfois, d'arrachement en arrachement, de conquérir une véritable jeunesse." L'enfance est un terme... un aboutissement... un couronnement. La véritable enfance est quelque part au bout de la vie, et non à son commencement. Maman est un être qui n'a jamais réellement vieilli. Bien sûr, les dernières années de sa vie, elle avait des rides, et on sentait le poids des ans dans son corps et dans sa façon voûtée de marcher. Mais son âme avait gardé la transparence, l'innocence et la fraîcheur de l'enfance. Qu'est-ce qu'un enfant ? Un enfant c’est quelqu'un qui a les yeux ouverts, grands ouverts, et qui regarde autour de lui avec curiosité, avec admiration. Un enfant c’est quelqu'un qui a la bouche ouverte car il a faim et soif de la vie et du monde. Un enfant c’est quelqu'un qui a les deux oreilles bien ouvertes car tout l'intéresse. Un enfant c'est quelqu'un qui a les narines ouvertes pour humer le souffle qui passe. Un enfant c’est quelqu'un qui a le coeur grand ouvert, car il croit à l'amour. Un enfant c'est quelqu'un qui a l'esprit ouvert à toute nouveauté et à toute connaissance. Un enfant est quelqu'un qui attend, qui reçoit, qui accueille. Nous gardons notre coeur d'enfant dans la césure où nous demeurons capables de « désir » et « d'attente. ». Maman était un être essentiellement " ouvert "... ouvert à toute nouveauté comme à toute nouvelle : celle de la radio comme celle du visiteur qui passe. ... « Que faites-vous ? ...Comment allez-vous ?… Où allez-vous ?... Quels sont vos projets ?... Que se 2 passe-t-il dans tel pays ?... Est vieux celui qui cesse d'interroger... Est vieux celui qui cesse de s'intéresser aux autres... Est vieux celui qui cesse d'écouter et qui ne vit que pour lui-même. Jusqu'au bout, maman a été un être d'accueil. Elle accueillait tout le monde : depuis le jardinier de notre vieille maison d'Ibrahimieh jusqu'à celui de la maison des Soeurs de Tito, ce vieux bonhomme que vous avez connu et qui est mort l'année dernière. Eh bien, elle lui préparait amoureusement son petit repas chaud. Elle aurait pu se dire : à 85, 86, 87 ans... on a bien le droit de se reposer. Mais non, il lui fallait penser aux autres, et sa façon de penser aux autres était de les nourrir : ses enfants, le jardinier, le visiteur de passage, les enfants de la cuisinière... : " Venez, j'ai des bonbons et des biscuits pour vous... je vous ai préparé quelque chose de bon..." Les filles de l'ouvrier venaient chaque jour à tour de rôle chercher des bouteilles d'eau fraîche chez elle y en été, et c'est avec joie qu'elle acceptait de se laisser déranger à chaque instant pour leur faire plaisir. " J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, J'ai eu soif et vous m'avez donné à boire. " (Mt 25,35) " En vérité, en vérité je vous le dis, un verre d'eau donné à l’un de ces petits ne restera pas sans récompense… " (Mt 10,42) L'enfant est quelqu'un qui s'amuse de tout et de rien et qui rit de n'importe quoi... Quelqu'un qui est mort centenaire disait : " Ne croyez pas que l'on cesse de rire quand on devient vieux. Ce qui est vrai, c'est qu'on devient vieux quand on cesse de rire. " Eh bien, cette phrase s'applique tout à fait à maman. Elle a gardé jusqu'au bout un rire limpide et cristallin particulièrement communicatif et il lui prenait parfois de ces fous-rires comme on en attrape en classe à 12 ans. Un enfant est quelqu'un qui vit " l'instant " et rien que l'instant. En ce sens, maman était restée un enfant. Ne pensant ni à demain, ni à après-demain, elle vivait au jour le jour, immergée dans l'instant présent, s'investissant tout entière en lui. Cet instant était plein... de toute son ardeur, de toute sa présence. Elle vivait intensément avec celui qui causait avec elle, communiait de tout son être à ce qu'il lui disait, jusqu'à en oublier le repas oui cuisait sur le feu. Si Dieu est "le présent"… si Dieu est "au présent"… celui qui vit ce présent, celui qui vit au présent … vit réellement en Dieu en lui. Un des traits les plus caractéristiques de l’enfance est "la pureté". Pureté d’un regard d’enfant… Transparence d’un visage d’enfant… Innocence d’un cœur d’enfant… Ce trait m’a toujours frappé chez maman ! En fait, je suis sûr que n’importe qui pourrait en dire autant de sa propre maman, mais comme je parle ici, ce soir, de "la mienne"… je dirais que, jusqu’au bout de sa vie, maman a conservé un regard d’une innocence et d’une transparence extraordinaires. Maman ne voulait pas se marier et c’est un peu malgré elle et comme par hasard, qu’on l’a mariée à 26 ans. Elle a quand même vécu sa vie d’épouse et de mère avec tout le dévouement et tout l’amour dont elle était capable. En tout cela cependant, elle a su garder un cœur de vierge, un cœur de jeune fille, conciliant en elle, en un certain sens, et de façon paradoxale, virginité et maternité. Vierge et Mère en même temps, un peu comme Marie. 3 C’est curieux… mais j’ai toujours éprouvé en sa présence ce sentiment qu’elle était à la fois "maman"… et "jeune"… Et je pense que nous tous, tant que nous sommes, mariés ou célibataires, consacrés ou laïcs, nous sommes appelés à vivre cet état dont St Paul parle dans sa première lettre aux Corinthiens : "Reste donc que ceux qui sont mariés vivent comme s’ils ne l’étaient pas, que ceux qui possèdent comme ne possédant pas, que ceux qui usent de ce monde comme n’en usant pas…" ( I Co 7,29 ) Cette "conciliation"… cette "réconciliation" des contraires, a été je pense, un des secrets de maman : "son secret" ! "vieille" et "jeune" en même temps… "vierge" et "mère" en même temps. Un des points que St Paul vient de mentionner dans son épître s’applique aussi particulièrement à maman : "Que ceux qui usent de ce monde vivent comme n’en usant pas, et que ceux qui possèdent vivent comme ne possédant pas…" Maman a toujours vécu pauvre… Dans une grande simplicité et un grand détachement. La pauvreté était pour elle comme une seconde nature, comme une nécessité. Enfant, et belle jeune fille, elle héritait, de ses grandes soeurs, leurs robes usagées, car elle avait le tort d'être la benjamine. II lui est très rarement arrivé d'avoir une robe ou des vêtements neufs. Ce « goût du vieux », elle l'a gardé jusqu'au bout,» usant jusqu'à la corde tout ce qu'elle portait, et réservant les choses neuves aux autres. C’est cet esprit d'essentielle pauvreté qui lui a fait accueillir la mort avec une telle paix et une telle sérénité. Elle n'avait rien à perdre...car elle avait déjà tout donné, tout sacrifié, tout offert et elle s'était elle- même offerte ... à ses enfants et aux autres. Elle aurait pu répéter avec St Paul : « Me voici déjà répandue en libation et le moment de mon départ est venu. J'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi. Et maintenant, voici qu'est préparée pour moi la couronne de justice. » (2Tm 4,6-8) Quand la mort est venue, maman était prête. Elle l'attendait dans une grande paix, presque avec impatience, l'appelant chaque jour de ses voeux et me demandant de prier pour que le Seigneur vienne vite la prendre. " J'ai le désir de n'en aller et d'être avec le Christ ", aurait-elle pu dire avec St Paul. ( Ph 1,23 ) La mort n'a pas été vécue par elle comme un uploads/Religion/ hb-maman-ce-n-x27-est-qu-x27-un-au-revoir 1 .pdf
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- Publié le Sep 23, 2022
- Catégorie Religion
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