Remerciez-le!

Remerciez @Admin pour avoir partagé cet document gratuitement, de la manière la plus simple, en partageant sur les réseaux sociaux.

107 NOTES ET CHRONIQUES Hermann Gunkel : l’histoire littéraire de l’ancien Isra

107 NOTES ET CHRONIQUES Hermann Gunkel : l’histoire littéraire de l’ancien Israël entre genres littéraires et pathos de la personnalité Konrad HammaNN, Hermann Gunkel. Eine Biographie, Tübingen, mohr Siebeck, 2014. 23,7 cm. xII-439 p. ISBN 978-3-16-150446-4. € 49. Hermann Gunkel (1862-1932) est une figure centrale des études vétérotes- tamentaires du premier tiers du xxe siècle. Son commentaire de la Genèse (1re éd. en 1901 ; 3e éd. en 1910 ; traduction anglaise en 1997) et son commen- taire des Psaumes (1926 ; 19863) suivi d’une importante « Introduction » (achevée par J. Begrich et publiée en 1933 ; traduction anglaise en 1998) sont des classiques de l’exégèse de l’ancien Testament. Ses monographies sur Les effets du Saint-Esprit d’après la conception populaire de l’âge apostolique et l’enseignement de l’apôtre Paul (1888 ; traduction anglaise en 1979, rééditée en 2008), sur Création et chaos dans le temps originel et dans le temps escha- tologique (1895, 19252 ; traduction anglaise en 2006), sur Les prophètes d’Israël (1917), mais aussi sur le problème des Légendes dans la Genèse (1901 ; traduc- tion en anglais la même année) et du Conte dans l’Ancien Testament (paru en 1917, réédité en 1921et réimprimé en 1987), ainsi que ses études consacrées à l’histoire de la littérature d’Israël sont toutes des contributions novatrices dans la recherche sur l’ancien Testament dont les suggestions et les impulsions inspirent jusqu’à aujourd’hui les travaux scientifiques qui lui sont consacrés. Il n’est donc pas exagéré de voir en Gunkel le représentant le plus important de la science vétérotestamentaire après Julius Wellhausen (1844-1918), le grand maître de la critique littéraire. À cela s’ajoute le rôle central joué par Gunkel ÉTUDES THÉOLOGIQUES ET RELIGIEUSES 90e année – 2015/1 – P. 107 à 129 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Tétaz Jean-Marc - 178.193.77.61 - 21/01/2018 11h00. © Institut protestant de théologie Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Tétaz Jean-Marc - 178.193.77.61 - 21/01/2018 11h00. © Institut protestant de théologie pour la conception et la rédaction des deux premières éditions de la RGG (Die Religion in Geschichte und Gegenwart, 1909-1913 et 1927-1932) pour lesquelles il assuma la coordination générale de la rédaction, la responsabilité rédactionnelle des articles traitant de l’aT, mais aussi la rédaction de plusieurs centaines d’articles (342 pour la 1re édition, 152 pour la seconde). Et ce n’est là que la plus importante de ses responsabilités éditoriales. Il est d’autant plus regrettable que le lecteur francophone ne puisse pas trouver dans sa langue le moindre texte de Gunkel et que le seul texte à lui être consacré dans la langue de molière soit la chronique nécrologique, au demeurant très informative, publiée par Paul Humbert en 1932 dans la RThPh (p. 5-19) sous le titre « Hermann Gunkel. Un maître des études hébraïques ». malgré le rôle essentiel joué par Gunkel dans la science vétérotestamen- taire, ce n’est qu’à 45 ans qu’il fut enfin nommé professeur ordinaire, à Gießen. Jusque-là, il avait dû patienter six ans comme privat-docent, d’abord à Göttingen, ensuite à Halle (1889-1895), puis douze ans comme professeur extraordinaire à Berlin (1895-1907), une position subalterne dont le salaire ne suffisait pas à nourrir sa famille et l’obligeait à toutes sortes d’activités acces- soires qui ne lui permettaient pas de se consacrer à la recherche avec autant d’énergie qu’il l’aurait voulu. Cette longue attente trouve justement son expli- cation dans ce qui fait la fertilité, la nouveauté et l’importance des travaux de Gunkel. Dès ses premiers travaux – sa thèse consacrée aux Effets du Saint- Esprit (Die Wirkungen des Heiligen Geistes nach des populären Anschauung der apostolischen Zeit und die Lehre des Apostels Paulus, 1888) –, Gunkel rompt avec les canons de l’exégèse contemporaine qui cherchait dans les textes bibliques d’abord des contenus doctrinaux. Une approche que partageaient les représentants d’une théologie traditionnelle dite alors « positive », les adeptes « libéraux » d’une démarche critique héritière des travaux de Ferdinand Christian Baur (1792-1860), et le maître de la théologie « moderne », albrecht Ritschl (1822-1889), dont Gunkel avait été l’étudiant à Göttingen. À la place de cette approche intellectualiste, centrée sur la théologie, Gunkel favorise une conception davantage attentive aux dimensions vécues de la religion, identifiant dans les expériences religieuses et les conceptions populaires auxquelles ces expériences donnent naissance les origines des élaborations doctrinales. Un autre aspect de ce premier écrit mérite d’être relevé. au lieu de chercher dans l’ancien Testament la source immédiate du premier christianisme et des écrits recueillis dans le Nouveau Testament, Gunkel se tourne vers le judaïsme du Second Temple, et plus spécialement vers l’apocalyptique à laquelle il consa- cre d’ailleurs la leçon probatoire requise pour être reçu à l’habilitation. Si l’on ajoute à ces deux traits l’intérêt pour les religions de l’Orient ancien, dont la connaissance avait fait des progrès importants dans la seconde moitié du xIxe siècle grâce au déchiffrement des langues anciennes et aux découvertes archéo- logiques surtout de Ninive et de Tel el-amarna, on aura les éléments dont la JEaN-maRC TéTaz ETR 108 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Tétaz Jean-Marc - 178.193.77.61 - 21/01/2018 11h00. © Institut protestant de théologie Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Tétaz Jean-Marc - 178.193.77.61 - 21/01/2018 11h00. © Institut protestant de théologie synthèse donnera naissance au programme de recherche du groupe de jeunes théologiens bientôt désignés comme « l’école de l’histoire des religions ». Gunkel est, avec albert Eichhorn (1856-1926), Johannes Weiß (1863-1914) et William Wrede (1959-1906), l’un des initiateurs de ce groupe dont il sera l’une des figures les plus marquantes et l’un des esprits les plus innovants. Le programme de recherche de l’école de l’histoire des religions implique une remise en question de la pertinence du canon pour les recherches sur la littéra- ture de l’Israël ancien et du premier christianisme, la mise en évidence des parallèles et des emprunts reliant les textes canoniques aux religions de l’Orient ancien et la relativisation des cadres théologiques qui orientaient la lecture et l’interprétation des témoignages littéraires de l’Israël ancien et du premier christianisme. Cette historisation radicale, dont Troeltsch (1865-1923) formula le programme dans son essai « À propos de la méthode historique et de la méthode dogmatique en théologie » (dans Histoire des religions et destin de la théologie, Paris/Genève, Cerf/Labor et Fides, 1996, p. 41-62), provoqua la résistance des instances dirigeantes des églises protestantes allemandes. Elles réussirent le plus souvent à convaincre les autorités politiques de ne pas nommer les représentants de l’école de l’histoire des religions aux postes de professeurs ordinaires. Ce fut le cas tout particulièrement en Prusse, où aucun de ses représentants ne fut nommé professeur ordinaire avant 1918 (voir p. 103). Il fallut attendre la révolution de 1918 et l’arrivée d’un social- démocrate à la tête du ministère des Cultes pour que les choses changent. C’est d’ailleurs Gunkel lui-même qui exposa la situation au sous-secrétaire d’état responsable des universités, l’orientaliste Carl Heinrich Becker (p. 311 sqq.). Il fut l’un des premiers à profiter de ce changement de politique puisqu’il fut nommé à Halle en 1920, après treize ans d’enseignement à Gießen, l’une des rares facultés libérales qui pouvaient compter sur le soutien du grand-duc de Hesse malgré les réserves expresses de l’église protestante (p. 202 et 297-299). La découverte de ce rapport, rédigé par Gunkel de sa propre initiative, n’est que l’une des nombreuses trouvailles d’archives faites par Konrad HammaNN. Certes, on connaît mieux les représentants, le programme et le contexte de ce mouvement depuis les travaux dirigés par Gerd Lüdemann (Die Religionsgeschichtliche Schule in Göttingen. Eine Dokumentation, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1987 en collaboration avec martin Schröder ; puis Die « Religionsgeschichtliche Schule ». Facetten eines theologischen Umbruches, 1996), depuis ceux de michael muhrmann-Kahl (Die entzauberte Heilsgeschichte. Der Historismus erobert die Theologie 1880-1920, Tübingen, 1992), ainsi que depuis les recherches liées à la préparation de l’édition critique des œuvres de Troeltsch (en particulier le vol. I des « Troeltsch-Studien », Untersuchungen zu Biographie und Werkgeschichte édité par Horst Renz et Friedrich Wilhelm Graf, Gütersloh, 1982, 19852). Cependant, à l’exception de la biographie de Troeltsch publiée par Hans-Georg Drescher (Ernst Troeltsch. 109 2015/1 NOTES ET CHRONIQUES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Tétaz Jean-Marc - 178.193.77.61 - 21/01/2018 11h00. © Institut protestant de théologie Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Tétaz Jean-Marc - 178.193.77.61 - 21/01/2018 11h00. © Institut protestant de théologie Leben und Werk, Göttingen, Vandenhoek & Ruprecht, 1991), on ne dispose encore d’aucune biographie moderne de l’un ou de l’autre de ses membres. Et la biographie de Drescher ne repose pour l’essentiel que sur le matériel déjà connu et publié au moment de sa rédaction. C’est dire l’importance du livre que Konrad HammaNN, professeur d’histoire de l’église et de théologie systé- matique à münster, consacre à Hermann Gunkel. Il s’agit de la première biogra- phie d’un membre de l’école de l’histoire des religions à reposer sur des recherches exhaustives dans les archives allemandes et à pouvoir en outre exploiter les documents restés en possession de la famille. Les questions concernant les politiques de nomination ne sont pas les seules sur lesquelles HammaNN uploads/Religion/ hermann-gunkel-pdf.pdf