SAINT THOMAS D’AQUIN COMMENTAIRE SUR LE PROPHÈTE ISAÏE TRADUCTION DES MOINES DE
SAINT THOMAS D’AQUIN COMMENTAIRE SUR LE PROPHÈTE ISAÏE TRADUCTION DES MOINES DE L’ABBAYE NOTRE-DAME DE FONTGOMBAULT Introduction par le R. P. L. J. ELDERS, S. V. D. . Avertissement Le texte de saint Thomas est extrêmement dense et hiérarchisé. A¿QGH faciliter la lecture et de matérialiser les différentes articulations de la pensée de l’auteur : — Nous avons complété certaines phrases très elliptiques, citations scripturaires ou commentaire de saint Thomas, en rajoutant entre crochets ce qui permet de mieux comprendre le lien de la phrase avec le contexte. — Nous avons développé la structure implicitement contenue dans le texte, en introduisant des parties, sections, articles, points, paragra- phes. Cette structure est rappelée dans l’en-tête de chaque page. Comme le texte est beaucoup plus hiérarchisé que ces seuls cinq ni- veaux de division (il comporte jusqu’à dix-neuf niveaux, cf. notam- ment le ch. 3), nous avons continué à développer la structure en l’indiquant dans la marge. On trouvera à la ¿QGXYROXPHXQVFKpPDGHFHVQLYHDX[ S 563), ainsi qu’une table (p. 565) qui présente la structure générale de l’ouvrage, en in- diquant les divisions descendant jusqu’au niveau d’un chapitre. — Y — Introduction par le R. P. L. J. ELDERS Ces dernières années, on a été témoin de la publication de traductions fran- çaises de plusieurs commentaires bibliques de saint Thomas. En effet, les spé- cialistes en théologie reconnaissent de plus en plus leur importance pour saisir la pensée du Docteur commun, en particulier en ce qui concerne la vie morale, la spiritualité et la dimension ecclésiale de la vie chrétienne 1. C’est donc avec joie que nous saluons la parution en traduction française du Commentaire sur le Pro- phète Isaïe par les soins des moines de l’abbaye Notre-Dame de Fontgombault, et cela d’autant plus que ce commentaire assez long a souvent été laissé de côté comme une œuvre de jeunesse, moins parfaite et de moindre importance. D’ailleurs il est aussi, parmi les œuvres de saint Thomas, particulièrement rébar- batif au lecteur moderne par sa construction en une cascade de divisions et de subdivisions, par son style morcelé et ses petites phrases un peu brusques. S’il est vrai que la méthode de division du texte est employée dans tous les com- mentaires de saint Thomas, y compris ceux des œuvres d’Aristote, et qu’il est ty- pique de l’enseignement universitaire de l’époque, en lisant cette Expositio super Isaiam ad litteram on a parfois l’impression que le texte lui-même disparaît sous ces innombrables fragmentations. Néanmoins, le commentaire contient de véri- tables perles. La lourde tâche des moines de Fontgombault a, d’une certaine façon, été fa- cilitée par le fait qu’ils avaient à leur disposition l’incomparable nouvelle édition critique du texte latin dans la Léonine, par les soins de H.-F. Dondaine et L. Reid, qui ont pu pro¿WHUGHODWUDQVFULSWLRQGHO¶DXWRJUDSKHSDUOHSère Gils 2. Rappe- lons les points les plus importants établis par les éditeurs. Le catalogue le plus ancien des œuvres de saint Thomas mentionne le Super Ysayam, comme un écrit de Thomas. Celui de Stans le mentionne aussi, et l’autographe d’une partie du texte a été conservée 3. Vers la ¿QGXXIIIe siècle un dominicain, Jacobin d’Asti, a transcrit le commentaire écrit de la main de Thomas, très dif¿FLOHà lire. Sur son texte reposent nos éditions modernes. Il n’y a que Nicolas de Lyre pour avoir émis des doutes au sujet de l’authenticité thomasienne du texte, en raison du fait que l’auteur considère que l’enfant dont parle le chapitre 8 (v. 1-4), est le ¿OVGX prophète. Nous reviendrons sur cette question plus loin. Les éditeurs ont établi leur texte critique sur l’autographe (qui donne le texte des chapitres 34 à 50), sur seize manuscrits et quelques fragments. Ils attirent 1. Nous signalons les traductions du R. P. J.-É. Stroobant de Saint-Éloy sur les Psaumes, les Épî- tres aux Romains, et 1 et 2 Corinthiens, accompagnées d’excellentes introductions et tables, d’une superbe présentation (Éditions du Cerf). Mentionnons aussi le recueil Reading John with Thomas Aquinas, publié par Michael Dauphinais et Matthew Levering, Washington DC, 2005 ; et Th. G. Weinady, Daniel A. Keating and John P. Yocum, Aquinas on Scripture. An Introduc- tion to his Biblical Commentaries, London-New York, 2005. 2. Tome XXVIII, Rome, 1974. 3. L’autographe concerne les chapitres 34 à 50, v. 32, et contient environ un quart du texte. Introduction Commentaire sur Isaïe — YL — l’attention sur ce qu’on appelle des collations, notes brèves à la ¿QGHFHUWDLQV chapitres, à partir du chapitre 34 jusqu’au chapitre 48. Ces collations présentent des explications du sens ¿JXUpGHTXHOTXHVWHUPHVHWO¶LOOXVWUHQWSDUGHVFLWDWLRQV de la Bible. La Léonine accepte leur authenticité et les a fait imprimer en lettres plus petites à la ¿QGHVFKDSLWUHVUHVSHFWLIV1RWRQVWRXWHIRLVTXHHQSOXVGHFHV collations, il y dans la plupart des chapitres du commentaire un grand nombre de remarques au sujet du sens spirituel de certain mots ou éléments de phrases, no- tes qui commencent par un nota. Nous les signalerons et en expliquerons le but. Une comparaison de l’exposé sur les dons du Saint-Esprit au chapitre 11 avec un texte de saint Albert le Grand 4 fait penser, nous disent les éditeurs, que le Su- per Isaiam est le premier ouvrage théologique de Thomas, qu’il aurait écrit quand il était bachelier biblique. Les éditeurs le quali¿HQWGHWUDYDLOUDSLGHG¶XQ jeune professeur aux abois pour préparer ses cours. Néanmoins nous y voyons le génie de Thomas. Quant aux sources utilisées, mentionnons le commentaire de saint Jérôme sur Isaïe, les Gloses, des textes de Hugues de Saint-Cher, etc. On n’a pas pu déterminer l’exemplaire de la Bible utilisé par Thomas, mais celui-ci a connu plus d’une traduction latine 5. Le commentaire est un exposé ad litteram et consiste en de brèves notes qui indiquent le sens littéral du texte, mais compor- tent parfois plusieurs interprétations possibles, et le sens spirituel. Signalons une particularité : dans la plupart des commentaires bibliques de saint Thomas, le contenu des chapitres est exposé en plusieurs leçons. Dans l’Expositio, le com- mentaire suit le texte de chaque chapitre et a une longueur de trois à neuf pages dans l’édition léonine. Il est plus bref à propos des derniers chapitres. LE PROLOGUE Le prologue de saint Thomas à son commentaire est d’une grande richesse et perfection quant à son contenu doctrinal. L’épigraphe — le texte biblique utilisé pour caractériser en quelques mots le contenu du livre qui sera commenté — est Ha , : écris la vision, grave-la sur les tablettes, pour qu’on la lise facile- ment ; car c’est une vision de ce qui est encore loin, et qui deviendra claire à la ¿Q 6. Guidé par ce texte, Thomas donne des explications sur l’auteur et sur le ca- ractère et la matière des prophéties. C’est l’Esprit-Saint qui dicte le texte, mais ce message passe par le prophète, qui devient l’instrument de l’Esprit. Il est caracté- ristique de ce texte (son modus, dit Thomas) qu’il est écrit dans un langage clair et facilement compréhensible. Le prophète semble parler non pas de ce qui doit encore arriver, mais de qui s’est déjà réalisé. On lit ses prophéties facilement grâce à l’usage d’analogies, à l’éloquence des phrases et à la beauté des mots. Par ces qualités, Isaïe surpasse les autres prophètes. Le terme « tablettes » du texte évoque les tablettes en pierre de la Loi données à Moïse ; il signi¿HHQVXLWH le cœur humain endurci et en¿QOHFœur ouvert. 4. Super Sent. III, d. 34, a. 1-5. 5. Voir ch. 1, 11, 280 (Léonine). 6. La dernière phrase traduit le texte de saint Thomas. Commentaire sur Isaïe Introduction — YLL — Comme Habacuc dit que ce qu’il a vu est encore loin, l’argument principal d’Isaïe est l’apparition du Fils de Dieu 7. Or, celle-ci est triple : l’apparition du Christ dans la chair (Tt , ), celle dans le cœur de ceux qui croient en lui (Tt , -) et en¿QFHOOHGDQVODJORLUH(1 Jn , ). Si ce constat semble suggérer que de nom- breux textes du prophète ont un sens ¿JXUpVDLQW7KRPDVSULYLOpJLHQpDQPRLQV le sens littéral : ce que dit le prophète s’applique souvent, voire principalement à son temps et au roi Cyrus, et seulement en deuxième lieu au Christ. Néanmoins le « principalement » se justi¿H TXDQG RQ VH UDSSHOOH TXH SRXU 7KRPDV l’ensemble de l’Ancien Testament est ordonné au Christ. À cette introduction Thomas ajoute la préface dont Jérôme a fait précéder sa nouvelle version du texte hébreu 8. Il dit y avoir introduit des colons et des vir- gules et note qu’Isaïe est un auteur d’une haute culture ; il n’y a rien de vulgaire dans son langage. Il faudrait même le considérer comme un évangéliste plutôt que comme un prophète car il parle d’événements futurs comme s’il en était le témoin oculaire. Isaïe a écrit ses prophéties à Jérusalem et en Judée, à un moment où les dix tribus n’avaient pas encore été envoyées en exil. Il parle des deux royaumes, tantôt ensemble, tantôt séparément. Certes, il se réfère à son temps, mais il annonce le retour du peuple en Judée après la captivité babylonienne. Sa préoccupation prépondérante concerne toutefois la vocation des Gentils et la ve- uploads/Religion/ isaie.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 10, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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