Robert Gordon WASSON Le Champignon divin de l'immortalité Sur l’auteur : Banqui
Robert Gordon WASSON Le Champignon divin de l'immortalité Sur l’auteur : Banquier de profession, R.G. Wasson est devenu le père de l'ethnomycologie. En 1953, il est le premier occidental à être initié à Teonanacatl, le champignon sacré, par la guérisseuse mazatèque Maria Sabina. Indépendant de toute institution, ses recherches sur le rôle historique et culturel des champignons psychédéliques au Mexique et dans l'Ancien Monde lui ont valu une réputation académique internationale. En 1979, il proposa la notion d'enthéogène pour parler des plantes sacramentelles, qui selon lui, ont favorisé l'émergence du sentiment religieux chez l'homme. Il montre aussi que l'amanita muscaria pourrait être une composante du Soma de l'Inde, évoqué dans les textes sacrés. Il meurt le 23 décembre 1986. ai souvent raconté l'histoire de nos incursions dans les montagnes de la sierra Mazatèque en quête des traces de la survie du culte du champignon sacré. Plutôt que de me répéter ici, je vais prendre un peu de recul sur cet épisode de mon existence — c'est-à-dire tâcher d'exprimer ce qu’à mon sens les champignons psychédéliques mexicains signifient pour nous tous, et la place qu'ils ont peut être dans l'origine de l'idée religieuse chez les hommes dits primitifs. Il y a de nombreuses années que je ne suis allé dans la sierra Mazatèque, et l'on me dit que beaucoup de choses ont changé là bas. Commençons par le commencement. Ceux qui ne connaissent pas l'histoire seront intéressés à savoir comment ma femme, maintenant décédée, qui était pédiatre, et moi même, banquier, en vînmes à entreprendre l'étude des champignons. Elle était d'origine russe et, comme ses compatriotes, avait acquis sur les genoux de sa mère un solide ensemble de connaissances empiriques sur les espèces communes, et conçu pour le monde des champignons un amour qui surprenait les Américains. Comme nous, les Russes aiment la nature – les forets, les oiseaux et les fleurs sauvages. Mais leur amour des champignons est autre chose, une impulsion irrésistible, une passion qui excède l'entendement. D'une certaine façon, ils aiment aussi les espèces neutres et même vénéneuses. Ils appellent les « mauvais » champignons paganki, « petits païens », et ma femme en faisait un massif coloré qu'elle déposait au milieu de la table, sur fond de mousses, de pierres et de morceaux de bois ramassés dans la forêt. De mon côte, de par mon ascendance anglo-saxonne, je ne savais rien des champignons. Je n'en connaissais aucun; je rejetais ces excroissances un peu répugnantes, ces formes parasitaires, ces manifestations de la décomposition. Avant mon mariage, je n'avais jamais posé les yeux sur un champignon. Bien entendu, chacun de nous deux considérait l'autre comme un peu anormal, ou plus exactement sous normal, tellement son expérience des champignons était opposée. Certains diront que cette différence d'attitude psychologique envers les champignons sauvages n'était qu'un différend mineur. Mais ma femme et moi ne pensions pas ainsi, et durant plus de trente ans nous avons consacré une bonne part de notre temps libre à approfondir cette différence, à l'analyser, et à en chercher l'origine. La redécouverte, que nous avons faite, du rôle religieux des champignons psychédéliques au Mexique peut être rattachée à l'exploration de cette différence entre ma femme et moi, entre nos deux peuples, entre la mycophilie et la mycophobie — qui divisent en deux camps les peuples d'origine indo européenne. Si notre hypothèse était fausse, alors elle a dû être d'une singulière fausseté pour donner les résultats que l'on sait. Pour ma part, je la crois fondée. Grâce aux progrès immenses réalisés dans l'étude du psychisme humain au cours du XXe siècle, nous savons de façon sure que certaines influences, reçues au début de la vie, sont d'une importance déterminante pour toute l'existence, Lorsqu'une telle différence marque les attitudes de tribus et de peuples entiers, différence reste inaltérée tout au long des temps historiques, et en particulier lorsqu'elle oppose un peuple à son voisin, je crois que l'on est alors confronté à un phénomène culturel d' une importance exceptionnelle, dont la cause première ne peut être trouvée qu'à la source de l'expérience culturelle et de l'histoire. On a souvent remarqué la différence dans l'attitude envers les champignons chez les peuples européens; certains mycologues anglo- saxons ont fulminé contre le préjugé de notre race, espérant desserrer son étreinte. Quel vain espoir! On ne guérit pas un mal profond en appliquant du baume. De notre côté, nous n'avons jamais espéré modifier l'attitude des Anglo-Saxons envers les champignons. Nous considérons cette devinette anthropologique de façon amusée et détachée, certains qu'elle n'est pas près de se modifier ou de disparaître et qu'il y a là un champ de recherches pour les générations à venir. Notre méthode d'approche était la suivante: chercher partout ce qui se rapportait aux champignons. Nous avons rassemblé les mots signifiant « J' champignon » et les différentes espèces dans toutes les langues connues. Nous en avons étudié l'étymologie. Parfois nous avons rejeté les étymologies officielles et nous en avons trouvé de nouvelles, comme dans le cas du mot champignon lui même ou du mot chanterelle. Nous étions prompts à saisir les métaphores dormant au fond de ces mots, parfois depuis des millénaires. Nous cherchions les champignons dans les proverbes de la vieille Europe. dans les mythes, les légendes et les contes de fées, dans les épopées, les ballades et les événements historiques, dans les lexiques obscènes et scabreux qui échappent d'habitude au savant, dans les écrits des poètes et romanciers. Nous étions sensibles à la valence positive ou négative des termes lexicaux, à leur contenu mycophilique ou mycophobique. Les champignons sont intimement associés aux mouches, aux crapauds, aux coqs, à la foudre : nous étudiions plus profondément ces éléments pour saisir l'association réalisée par nos lointains ancêtres. A chacun de nos voyages nous essayions d'entrer en contact avec des paysans illettrés et de connaître leur savoir sur les champignons — les espèces qu'ils distinguaient et leurs noms, l'usage qu'ils en faisaient, et leur attitude psychologique à l'égard des champignons. Nous nous sommes rendus au Pays basque, en Laponie, en Frise, en Provence, au Japon. Nous avons parcouru les galeries et les musées du monde entier en quête de champignons, nous avons dévoré les ouvrages d'archéologie et d'anthropologie. Je ne veux pas laisser croire que nous nous aventurions dans tous ces sentiers du savoir sans être guidés Nous avions largement recours aux spécialistes dans tous les champs particuliers que nous explorions. Lorsque nous cherchions l'étymologie d'un nom de champignon, nous nous mettions toujours en relation avec un linguiste qui connût comme sa poche la langue considérée. Et nous faisions de mérité dans tous les champs du savoir. J'ai parfois l'impression que tout ce travail fut fait par d'autres que nous, et que nous jouions le rôle de « rapporteur ». Dès le premier moment où nous entreprîmes de publier les résultats de nos travaux, les gens vinrent vers nous de tous les horizons sociaux, et en nombre sans cesse croissant, pour nous fournir des données ; et souvent les renseignements apportés par les plus humbles informateurs s'avéraient être de la plus haute valeur, comblant les lacunes de nos argumentations. Nous étions des amateurs, dépourvus de résistances universitaires, libres par là de déterminer l'ampleur et la portée de notre rayon d'action. au mépris des frontières qui compartimentent les rayons du savoir. Nous faisions oeuvre de pionniers, Nous connaissons, et nous avons toujours connu, mieux que les critiques, les défauts de notre travail, mais le principal thème de nos recherches, que nous esquissions timidement dans les Champignons, la Russie et l'Histoire (1957), a résisté aux assauts de la critique, Mon récent travail sur le Soma (1968) ouvre une direction de recherche que l'on pourrait qualifier d'ethnomycologique. Si Dieu me prête vie, une série de travaux sera publiée au fil des années qui viennent et, au bout du chemin, probablement, une réédition de notre premier ouvrage, dans une forme remodelée et simplifiée, avec une argumentation plus riche et plus rigoureuse. Je ne me rappelle plus qui, de ma femme ou de moi, osa le premier formuler, dans les années quarante, l'hypothèse que nos lointains ancêtres, il y a de cela peut être 6 000 ans, rendaient un culte à un champignon divin. Nous voyions là la racine du phénomène mycophilie/mycophobie, dont la linguistique et le folklore nous avaient donné tant de preuves. Je ne me souviens pas non plus si nous eûmes cette intuition avant nu après avoir appris le rôle que jouait l'Amanita muscaria dans le chamanisme sibérien. Mais notre conjecture parait moins hardie aujourd'hui qu'elle l'était alors! Je me souviens fort bien comment nous nous embarquâmes dans notre aventure mexicaine. À l'automne 1952, nous apprîmes que les auteurs du XVIe siècle, dans leur description des cultures indiennes du Mexique, rapportaient que certains champignons jouaient un rôle divinatoire dans la religion indigène. A la même époque, nous apprîmes que des objets lithiques précolombiens, affectant la forme d'un champignon, d'environ 30 cm de hauteur, étaient découverts en nombre croissant dans les hautes terres guatémaltèques. Faute d'un meilleur nom, les archéologues les appelaient « pierres-champignons uploads/Religion/ psychedelics-fr-le-champignon-divin-de-l-x27-immortalite-wasson-entheogene-dieu-chaman-occultisme-magie-hallucinogene-psilocybe-mexique-mycologie-psychoactif-psychedelique 1 .pdf
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- Publié le Mar 19, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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