1 JOHN HENRY NEWMAN L’ANTICHRIST Traduit de l’anglais par Renia Catala et Grégo

1 JOHN HENRY NEWMAN L’ANTICHRIST Traduit de l’anglais par Renia Catala et Grégory Solari Traductions des citations bibliques et patristiques de Pierre- Yves Fux Introduction et notes de Grégory Solari Préface de Louis Bouyer Prends garde à toi, homme : Tu entends les signes de l’Antichrist. Ne sois pas seul à les garder en mémoire, mais donne-les sans retenue en partage à tous. Cyrille de Jérusalem LA RELIGION DE L’ANTICHRIST Tout esprit qui ne confesse pas Jésus venu dans la chair n’est pas issu de Dieu ; c’est là celui de l’Antichrist, dont vous avez entendu qu’il venait, et qui maintenant est déjà dans le monde. 1 Jn 4, 3. C’est en ces termes que saint Jean nous donne la caractéristique de l’Antichrist à venir : il dénie- ra ouvertement à notre Seigneur Jésus-Christ d’être le Fils de Dieu, venu du ciel dans la chair. Voilà qui le caractérise si précisément et si complètement qu’il serait tout à fait approprié d’appeler la négation du Christ l’esprit de l’Antichrist, et qu’on pourrait dire des contempteurs du Christ qu’ils ont l’esprit de l’Antichrist, qu’ils sont comme l’Antichrist, qu’ils sont des Antichrists. La même affirmation se retrouve dans un chapitre antérieur à notre texte : Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? Celui-là est l’Antichrist, celui qui nie le Père et le Fils. Toute ‘personne’ qui nie le Fils ne tient pas non plus le Père (a), a ce qui, de plus, laisse entendre que l’Antichrist sera conduit du rejet du Fils de Dieu au rejet total de Dieu, implicitement ou mani- festement. a 1 Jn2, 22-23. 2 Je vais poursuivre par d’autres observations sur les signes caractéristiques de l’ennemi annoncé de l’Église ; et, comme je l’ai fait la semaine dernière, je m’en tiendrai aux interprétations de l’Écriture données par les premiers Pères. La raison de mon choix est simple : sur un sujet aussi difficile qu’une prophétie inaccomplie, il ne m’est vraiment pas possible d’avoir une opinion propre ; d’ailleurs il n’est nullement désirable que j’en aie une, ou du moins énoncée de façon formelle. L’opinion d’une personne, fût-elle la plus qualifiée, n’aurait ni grande autorité ni justification à être formulée pour elle-même ; en revanche, le jugement et les opinions de l’Église primitive ont droit à notre respect tout particulier car, pour ce que nous en savons, ils découlent sans doute partiellement de la tradition des apôtres, et sont présentés de façon bien plus systématique et unanime que ne l’ont été ceux de tout autre col- lège. Ces opinions ont par là plus de droits à notre attention que celles d’autres auteurs, que ces droits soient faibles ou importants, et s’ils sont faibles, ceux d’autres auteurs sont moindres en- core. Il n’y a qu’une chose qui puisse avoir droit à notre entière adhésion : l’évident accomplissement de la prophétie. Si nous pouvions reconnaître tous les signes de la prophétie parfaitement reflé- tés dans l’histoire passée de l’Église, nous pourrions nous dispenser de l’autorité de ceux qui nous en apporteraient la preuve. Mais comment remplir cette condition, puisque le temps de l’Antichrist précède de si peu l’avènement du Christ Juge que la brièveté de ce passage ne nous laisserait pas le temps de l’invoquer ? Il n’est pas non plus possible de produire un seul événe- ment de l’histoire qui réunisse clairement toutes les marques de l’Antichrist, bien que quelques- unes en effet se soient manifestées en certaines occasions. Alors que nous reste-t-il — s’il faut bien nous ranger à une opinion, et tirer profit des mises en garde de l’Écriture contre le mal à ve- nir (ce qui est certainement dans sa perspective) — sinon à suivre le jugement des Pères, qu’il ait ou non, en cette matière, une autorité particulière ? C’est pour cette raison que j’ai eu recours à eux la semaine dernière et que je continuerai maintenant à les prendre pour guides. 1. De la similarité de leurs descriptions, il ressort clairement que saint Paul et saint Jean parlent du même ennemi de l’Église. Tous deux affirment qu’en leur temps déjà son esprit était à l’œuvre. L’esprit de l’Antichrist, dit saint Jean dans notre texte, est maintenant déjà dans le monde.(a) Le mystère de l’iniquité exerce déjà son influence,(b) dit saint Paul. Tous deux caractérisent l’ennemi par le même péché singulier : l’incroyance déclarée. Saint Jean dit : Celui-ci est l’Antichrist, celui qui nie le Père et le Fils,(c) et saint Paul de même le présente comme celui qui s’est opposé et s’est porté au-dessus de tout ce qui est appelé « Dieu » ou « objet de vénération », au point qu’il s’est assis dans le temple de Dieu, se montrant lui-même comme étant Dieu. (d) Ces deux pas- sages décrivent le même déni blasphématoire de Dieu et de la religion, saint Paul ajoutant qu’il s’opposera en outre à toute religion existante, vraie ou fausse, à tout ce qui est appelé « Dieu » ou « objet de vénération ». Deux autres passages de l’Écriture annoncent la même insolente impiété. L’un est tiré du on- zième chapitre de Daniel : Le roi fera ce qui lui plaira ; il s’enorgueillira et s’élèvera au-dessus de tout dieu, et contre le Dieu des dieux il dira des choses inouïes ; il prospérera jusqu’à ce que la colère soit consommée (...). Pour les dieux de ses pères, il n’aura pas d’égards ; pour celui qui est le désir des femmes (c’est-à-dire, semble-t-il, pour le Messie, car être sa mère était le privi- lège et l’espérance des femmes juives), pour aucun dieu, il n’aura d’égards, car au-dessus de tous, il s’exaltera. (e) L’autre passage n’est que légèrement marqué d’une allusion prophétique, si l’on excepte que toutes les paroles de notre Sauveur ont un sens profond, et celle-ci tout particu- lièrement, aux yeux des Pères : Moi, je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas ; si un autre vient en son propre nom, celui-là, vous le recevrez. (f) C’est ce qu’ils ont considé- a 1 Jn 4, 3. b 2 Th 2, 7. c 1 Jn 2, 22. d 2 Th 2, 4. e Dan 11, 36-37. f Jn 5, 43. 3 ré comme une allusion prophétique à l’Antichrist (que les Juifs devaient prendre à tort pour le Christ) : qu’il viendrait en son propre nom. Non pas de Dieu, comme le Fils de Dieu lui-même est venu, qui, lui, aurait pu venir dans la puissance de sa nature divine, non pas au nom de Dieu, non pas même avec la prétention d’une mission reçue de Lui, mais en son nom propre, dans l’appropriation blasphématoire d’une puissance divine — ainsi viendra l’Antichrist. Aux passages ci-dessus, on pourrait ajouter ceux qui d’une façon générale font référence aux impiétés du dernier âge du monde, impiétés dont on peut croire qu’elles annonceront l’Antichrist et qu’elles seront parachevées en lui : Beaucoup chercheront çà et là, et la connaissance s’accroîtra (..). Beaucoup seront lavés, blanchis et purifiés ; les méchants feront le mal, aucun des méchants ne comprendra ; les doctes comprendront. (a) Dans les derniers jours, prévaudront des moments difficiles. Les hommes seront en effet amis d’eux-mêmes, amis de l’argent, fanfarons, méprisants, blasphémateurs, n’obéissant pas à leurs parents, sans reconnaissance, sans douceur, sans amour du bien, traîtres, emportés, en proie à l’affolement, amis du plaisir plutôt qu’amis de Dieu, ayant une apparence de piété, mais niant sa puissance. (b) Aux derniers jours, trompés par une tromperie, marchant selon leurs propres désirs, et disant : « Où est la promesse de son avè- nement ?) »(c) Audacieux, présomptueux, ils ne craignent pas de blasphémer les Gloires (...) pro- mettant ‘aux hommes’ une liberté, se trouvant être eux-mêmes esclaves de la corruption, (d) et ainsi de suite. 2. J’ai fait allusion aux juifs : il serait sans doute bon de préciser maintenant comment l’Église primitive considérait leur relation avec l’Antichrist. Notre Seigneur avait prédit que beaucoup viendraient en son nom, disant : c’est moi le Christ. (e) Ce fut l’arrêt de la justice divine contre les juifs, et contre tous les incroyants d’une manière ou d’une autre, qu’ayant rejeté le vrai Christ ils en viennent à s’associer à un faux ; et, à croire le texte que je viens de citer, si un autre vient en son propre nom, celui-là vous le recevrez, l’Antichrist sera le Séducteur par excellence, à côté de qui tous ses précurseurs ne seront que de pâles approximations. Après avoir décrit l’Antichrist, saint Paul poursuit dans le même sens : l’avènement de celui-là, dit-il, est marqué par (...) des prodiges mensongers, et par toute injuste tromperie, adressée à ceux qui périssent, car en échange, ils n’ont pas accueilli l’amour de la véri- té, de telle sorte qu’ils soient sauvés. Et à cause de cela, Dieu leur envoie une influence qui les égare, de telle sorte qu’ils donnent foi au mensonge, afin que soient jugés tous ceux qui n’ont pas donné foi à la vérité, mais se sont complu uploads/Religion/ john-henry-newman-l-x27-antichrist-1835-02-la-religion-de-l-x27-antichrist.pdf

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  • Publié le Apv 01, 2022
  • Catégorie Religion
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