Version russe Archevêque Basile Krivochéine L'ECCLESIOLOGIE DE SAINT BASILE LE
Version russe Archevêque Basile Krivochéine L'ECCLESIOLOGIE DE SAINT BASILE LE GRAND Il n'est pas si facile de parler de l'ecclésiologie de saint Basile le Grand. S. Basile lui-même n'a laissé aucun traité où il exposerait sa doctrine sur l'Eglise. Nulle part, il n'en parle d'une manière systématique. On est donc obligé de chercher dans ses œuvres des passages, dispersés un peu partout, où il en parle, toujours en passant d'ailleurs et généralement très brièvement. Ces passages se trouvent dans presque tous les écrits de saint Basile — son Hexaéméron, ses Homélies sur les Psaumes, ses Discours, ses Livres contre Eunome, son Livre sur le Saint-Esprit, ses œuvres ascétiques et surtout dans ses Lettres. Ces dernières ont pour nous un intérêt particulier parce qu'ensemble avec les idées ecclésiologiques de saint Basile, elles nous montrent aussi l'attitude vitale du grand évêque de Césarée devant les problèmes ecclésiastiques de son temps, sa réaction aux événements ecclésiastiques. Cette attitude vitale de saint Basile complète et fait mieux comprendre ses pensées ecclésiologiques dispersées dans ses écrits. En s'appuyant donc sur toutes ces données on peut reconstruire dans ses lignes générales la doctrine ecclésiologique de saint Basile. Il faut seulement éviter de trop systématiser (1). Notons d'abord que c'est tantôt au singulier (ή έκκλησία) tantôt au pluriel (αί έκκλησίαι) que saint Basile parle de l'Eglise. Les deux manières de s'exprimer sont à peu près également fréquentes, mais on peut remarquer que tandis que le pluriel domine dans les Lettres, c'est surtout au singulier que saint Basile parle de l'Eglise dans ses autres écrits (2). Ceci peut être expliqué par le fait que dans ses Lettres saint Basile parle de l'Eglise dans son apparition concrète et historique, donc se manifestant comme multitude des églises locales ; c'est le côté théologique et spirituel de l'Eglise qui attire surtout son attention dans ses autres écrits. Saint Basile ne donne aucune définition de l'essence ou de la nature de l'Eglise. Une pareille définition se trouverait d'ailleurs en contradiction avec les principes gnoséologiques de saint Basile qui affirmait toujours (en particulier contre Eunome) l'inconnaissabilité et l'inexprimabilité de l'essence (ούσία) de toutes les choses, même créées. Peut-être aussi la conscience du mystère de l'Eglise incitait saint Basile à s'abstenir d'en donner une définition. Mais s'il évite de définir la nature de l'Eglise, il emploie par contre fréquemment des images bibliques pour la décrire. Ainsi, l'Eglise est un corps et ce corps est le Corps du Christ. « Notre Seigneur Jésus Christ », écrit-il, « a bien voulu appeler son corps toute l'Eglise de Dieu et ayant fait chacun de nous des membres les uns des autres, a donné à nous tous d'avoir avec tous des relations intimes, selon l'harmonie qui doit régner entre les membres » (3). Sa tête est le Christ et une seule âme doit l'animer « afin que la même succession et bon ordre (qui existe dans le corps) soit préservé, et bien davantage, dans l'Eglise de Dieu, à laquelle il a été dit : « Vous êtes le corps du Christ et membres chacun pour sa part ». C'est à dire que l'unique et seule véritable tête, qui est le Christ, tient et joint en harmonie chacun à un autre (4). Saint Basile oppose l'unité des membres du corps du Christ aux divisions des églises de son temps : « Nous serions vraiment les plus étranges de tous les hommes, si nous trouvions notre plaisir dans les schismes et les divisions des églises, et si nous ne regardions pas comme le plus grand des biens l'union des membres du corps du Christ » (5). C'est par l'amour que les membres de ce corps, divisés par l'espace, sont unis ensemble. « Que pourrait-il, en effet », écrit saint Basile, « y avoir de plus agréable que de voir ceux qui sont séparés par une telle étendue de pays rattachés dans le corps du Christ en une seule harmonie de membres par l'union qu'opère l'amour » (6). La tête de ce corps est le Christ lui-même à qui l'Eglise obéit et à qui est due notre adoration. Ainsi, commentant les paroles du Ps. 44 « Alors le Roi désirera ta beauté, Il est ton Seigneur, prosterne-toi devant Lui », saint Basile (pour qui la reine du psaume préfigure l'Eglise) dit : « Le "car Il est ton Seigneur" suggère la nécessité de l'obéissance... (le psalmiste) ne dit pas : "On t'adorera par des dons", mais "On adorera ta Face". Car ce n'est pas l'Eglise qui est adorée mais la Tête de l'Eglise, le Christ, appelé "Face" par l'Ecriture » (7). C'est pourquoi le Christ est l'évêque universel de l'Eglise « le grand et véritable Evêque qui remplit toute la terre de ses merveilles, le Seigneur » (8). L'Eglise est aussi le Temple de Dieu, le lieu de la véritable adoration, l'héritière de la synagogue de l'Ancien Testament. Ainsi, commentant Ps. 28 v. 3 : « Adorez le Seigneur dans son parvis saint », saint Basile écrit : « L'adoration a lieu non en dehors de l'Eglise mais dans le parvis même de Dieu. Ne m'inventez pas, dit le Psaume, des parvis et des assemblées particulières. Il n'y a qu'un seul parvis saint de Dieu. Ce parvis était d'abord la synagogue des juifs, mais après leur péché envers le Christ leur campement devint désert. Pour cette raison le Seigneur dit : "J'ai d'autres brebis qui: ne sont pas de cet enclos", en indiquant ceux des païens qui ont été prédestinés pour le salut. Il montre son parvis différent de celui des juifs. On ne doit donc pas adorer Dieu en dehors de ce saint parvis, mais en se trouvant en Lui » (9). L'Eglise est la cité de Dieu où habite son peuple. Saint Basile le dit dans son exégèse des paroles du Ps. 45 : « Les courants du fleuve réjouissent la cité de Dieu... Dieu est au milieu d'elle » — « Ce fleuve », écrit-il, « réjouit toute la cité de Dieu, c'est-à-dire l'Eglise de ceux qui se sont inscrits citoyens des cieux » (10). C'est une cité céleste et terrestre en même temps ; « Puisque Dieu est au milieu de la cité, Il lui donne l'inébranlabilité en lui accordant son aide dans les premières lueurs de la lumière. On peut donc appliquer le nom de cité à la Jérusalem d'en haut ou à l'Eglise d'en bas » (11). C'est par le baptême qu'on devient citoyen de cette cité de Dieu. « Viens », appelle saint Basile dans son Homélie protreptique au saint Baptême, « transfère-toi tout entier vers le Seigneur, donne à toi-même un nom, inscris-toi avec l'Eglise » (12). On s'inscrit par le baptême dans le livre de l'Eglise pour devenir citoyen céleste : « Tu dois rendre compte de tout comme soldat du Christ, comme athlète de la piété, comme ayant ta citoyenneté dans les cieux. Inscris-toi dans ce livre pour être réinscrit dans celui d'en haut » (13). Saint Basile emploie beaucoup d'autres images bibliques, vétérotestamentaires et néotestamentaires, quand il parle de l'Eglise. Elle est la maison de Dieu. Dans son exégèse du Ps. 29 v. 1 (Dédicace de la maison de David) saint Basile se demande : « Peut-être faut-il entendre par la ,,maison" l'Eglise qui est construite par le Christ, comme Paul écrit dans son épître à Timothée: Il faut que tu saches comment te comporter dans la maison de Dieu, — je veux dire l'Eglise du Dieu vivant » (14). L'Eglise est une maison en construction continuelle effectuée par le Christ Lui-même. C'est une idée très proche de celle du Pasteur d'Hermas qui représente l'Eglise comme une tour dont la construction continue toujours. C'est aussi une maison de prières (15). L'Eglise est la Reine et la Fiancée : « La reine se tient debout à ta droite », interprète saint Basile le Ps. 44. «... Le psalmiste parle ici de l'Eglise à propos de laquelle nous avons appris dans le Cantique qu'il n'y a qu'une seule colombe parfaite du Christ qui reçoit dans la place à droite du Christ ceux qui sont reconnus par leurs bonnes œuvres, en les séparant des mauvais, comme le berger sépare les brebis des boucs » (16). Elle est aussi la Fille du Roi, engendrée par l'amour : « (Le roi) appelle l'Eglise à écouter et à observer ses ordres et il la fait proche de lui en l'appelant « fille », comme s'il la faisait son enfant par l'amour : Ecoute, fille, et voie » (17). On peut remarquer que dans cette exégèse des images bibliques l'unicité de l'Eglise est fortement exprimée (un seul parvis, une seule colombe, etc.). D'autres métaphores nombreuses se trouvent encore dans les écrits de saint Basile pour désigner l'Eglise : mer (18), champ (19), vigne (20), etc. Enfin, l'Eglise est la nourrice qui nous nourrit par la piété (21). Si le Christ est la Tête du Corps de l'Eglise, l'Esprit Saint qui repose sur la chair du Christ, y est toujours présent. (L'esprit Saint), dit saint Basile, « fut uploads/Religion/ krivocheine-l-x27-ecclesiologie.pdf
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- Publié le Jan 10, 2022
- Catégorie Religion
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