Ferdinand Lot L'état des paroisses et des feux de 1328 In: Bibliothèque de l'éc
Ferdinand Lot L'état des paroisses et des feux de 1328 In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1929, tome 90. pp. 51-107. Citer ce document / Cite this document : Lot Ferdinand. L'état des paroisses et des feux de 1328. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1929, tome 90. pp. 51-107. doi : 10.3406/bec.1929.448861 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1929_num_90_1_448861 L'ETAT DES PAROISSES ET DES FEUX DE 1328 INTRODUCTION A Le document intitulé : Les Parroisses et les feuz des bail- lies et sénéchaussées de France fut signalé à l'attention des statisticiens et des historiens, il y a un siècle, en octobre 1829, par Dureau de la Malle. Il en fit l'objet de deux lectures à l'Académie des inscriptions et belles-lettres 1. Puis, quelques années après, il publia le texte même du document dans la Bibliothèque de V École des chartes2. Les conséquences qu'il déduisait de son étude touchant le chiffre de la population de la France à l'époque à laquelle r emonte le document étaient de nature à susciter l'étonnement : la population de la France, du moins rurale, aurait été, non seulement égale à celle du xixe siècle, mais fort supérieure. Les chiffres fantastiques auxquels arrivait Dureau delà Malle (60 millions d'habitants) ne furent pas admis, cela va sans dire, mais une impression demeura longtemps dans l'esprit des historiens, celle que la population des campagnes, à la veille de la guerre de Cent ans, égalait au moins celle du xixe siècle. Un statisticien 3, Guillard, combattit ces excès, non sans bonheur, mais sans reprendre la question à pied d'oeuvre. Plus tard, Levasseur, dans l'ouvrage (paru en 1889) 4 qu'il consacra à la démographie de la France, se crut autorisé à utiliser le document produit soixante ans auparavant par 1. Mémoires de V Académie des inscriptions, t. XIV, 2e partie, p. 36-53. 2. Année 1840-1841, p. 169-176. 3. A. Guillard, Éléments de statistique humaine ou démographie comparée (1855). 4. La Population française, histoire de la population avant 1789 et démo graphie de la France. Paris, 1889, 2 vol. 52 l'état des paroisses et des feux de 1328 Dureau de la Malle, mais en prenant quelques précautions : ainsi il vérifia les chiffres sur des copies préférables à celles qu'avait utilisées son prédécesseur. Il s'efforça, par des com paraisons avec d'autres périodes, de déterminer pour le « feu » un coefficient moyen vraisemblable. Il tenta d'évaluer l'étendue du domaine du roi par rapport à l'ensemble du royaume. Ses conclusions, à l'encontre de celles de Dureau, sont très prudentes : « Donc si nous admettons que le rôle de 1328 comprit les paroisses de la moitié du territoire actuel de la France, nous pouvons dire en nombre rond que les 528,400 kilomètres carrés de ce territoire pouvaient avoir 20 à 22 millions d'habitants environ à la veille de la guerre de Cent ans, soit une densité de trente-huit à quarante et un habitants par kilomètre carré1. » Étant donné que, en dehors de Paris, il n'existait aucune grande ville en France au xive siècle et que, par suite, la population rurale formait, comme dans l'Europe Scandi nave et slave il y a un siècle, les neuf dixièmes du chiffre total des habitants, ces résultats sont rassurants par leur modération même. Au taux moyen de quarante habitants au kilomètre carré, la France, à la veille de la guerre de Cent ans, aurait eu une population rurale un peu inférieure même à là France rurale malade du xxe siècle. Nous sommes loin des divagations de Dureau de la Malle. Malheureusement la sécurité que produit sur nous la pon dération et la vraisemblance des évaluations de Levasseur est peut-être illusoire. Sur la date réelle du texte, sur sa na ture et son origine, Levasseur n'avait pas fait de recherches personnelles ; il dépendait en bonne partie de Dureau de la Malle. Or le travail de ce dernier fut soumis, peu après la pu blication de l'ouvrage de Levasseur, à une critique acérée, impitoyable, de l'homme qui a le mieux connu les institu tions financières et administratives de la monarchie capé tienne (du xne au xve siècle), le colonel Borrelli de Serres ; en 1904, celui-ci n'hésita pas à formuler, en parlant de Du reau de la Malle, le jugement suivant : « On peut regarder ses conclusions comme absolument nulles 2. » 1. T. I, p. 168. 2. Recherches sur divers services publics du XIIIe au XVIIe siècle, t. II (1904), p. 259. A. de Boislisle (Annuaire- Bulletin de la Société de l'histoire de France, l'état des paroisses et des feux de 1328 53 En ce qui touche la date du document, Borrelli de Serres montra la faiblesse des raisons pour lesquelles Dureau de la Malle s'était prononcé en faveur de l'année 1328, après avoir faussement pensé, tout d'abord, à l'année 1304. Cependant le même savant, en quelques pages où il atteste, une fois de plus, sa parfaite connaissance de la géographie administrat ive du moyen âge, se chargea de démontrer que l'année 1328 est la seule admissible, quoique pour de bonnes rai sons \ et il écarta l'année 1345, proposée par A. de Boislisle 2, comme reposant sur une erreur. De même 1318 est le résul tat d'une méprise d'une copie ancienne où, après avoir daté correctement 1328, on a gratté un des X de XXVIII3. Nous voilà un peu moins inquiets : le document date de l'année même qui vit l'avènement des Valois, 1328, et cela est déjà important. Quel est ce document? Il convient enfin de le savoir. C'est une liste où, en regard du nom de chacune des « baillies » et sénéchaussées, on indique le nombre des pa roisses et des « feux » qu'elle renferme. Ce n'est, à coup sûr, que la totalisation des résultats d'opérations détaillées dont l'auteur de la liste avait l'ensemble sous les yeux. Dans les relevés de chacune des baillies ou sénéchaussées, on avait eu soin de signaler les localités omises lors des opérations exécu tées sur place. Et l'auteur en tient compte. Ainsi, à propos de la baillie d'Amiens, il fait remarquer que le total ne comporte pas les dépendances de Notre-Dame de Cambrai qui passent pour être d'Empire, etc. A propos de la sénéchaussée de Poitou, il avertit que les paroisses et les feux de la sergenterie de Geoffroy Bonnin ne figurent pas dans le total, et pas davantage ceux de la prévôté d'Oulchy et de Sainte-Menehould, à propos de Vitry. La baillie d'Anjou ne renferme pas les feux de la ville de Beaugé, ni la baillie de Rouen ceux de la ville de Rouen. Il fait observer encore que les feux de la paroisse de Quentis-en-Verzois, dans la châtelle- nie de la Vecy, ne sont pas compris dans le total de la baillie 1875, p. 233) et Aug. Molinier avaient déjà signalé, en passant, les exagérations de Dureau de la Malle (Bibliothèque de V École des chartes, t. XLIV, p. 462). 1. T! II, p. 260-262, 265. 2. Boislisle, loc. cit. 3. T. II, p. 257, note 13. 54 l'état des paroisses et des feux de 1328 de Bourges, non plus que ceux des paroisses de Magny et de Dampierre dans celle de Sens. Dans le bailliage de Caen ne figurent pas les paroisses et feux du comté d'Alençon, év idemment parce que le comté est une pairie. Ailleurs, dans les sénéchaussées de Gascogne et Agenais, les feux de la ville de Ghastelgot (Puymirol) ne sont pas comptés parce que la ville est « rebelle », c'est-à-dire tient encore pour le roi d'Ang leterre, duc de Guyenne. Parfois, les enquêteurs n'ont pas jugé expédient de relever les paroisses des « villes », et ont compté chaque ville ou châ teau pour une paroisse. Tel est le cas pour la baillie de Ver- mandois, les sénéchaussées de Périgord-Quercy et de Bigorre. On prend soin de nous le signaler. Les relevés n'ont pas été constamment opérés par les agents qualifiés pour ces opérations. On nous avertit que 159 feux comptés dans la baillie d'Auvergne sont en réalité du ressort de Bourges. De même sur les 945 paroisses et les 90,318 feux de la sénéchaussée de Gascogne et Agenais, 9 paroisses et « environ 357 feux » sont, en réalité, de la séné chaussée de Périgord. La minutie de ces remarques donne tout de suite une im pression rassurante. Non seulement l'officier de la Chambre des Comptes qui a totalisé les résultats de chaque circons cription a travaillé avec soin, mais ces résultats représentent des opérations conduites sérieusement. Chaque bailli ou sénéchal a signalé ses omissions et, en outre, en a indiqué sur ses « rôles » le motif. Notre document se réfère, en effet, aux rôles de chaque circonscription. A propos de la sénéchaussée de Gascogne et Agenais, pour expliquer l'omission des feux de la vicomte de Brullois, il renvoie aux rôles : « la cause es roulles1 »'; à propos du Limousin, qui ne comporte que 234 paroisses et 25,421 feux, il observe : « sans les exceptions du roulle ». Enfin, nous avons la bonne fortune d'avoir uploads/Religion/ l-x27-e-tat-des-paroisses-et-des-feux-de-1328-f-lot-1-parte.pdf
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- Publié le Jan 24, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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