La religion et les religions Spinoza De quelle vérité les religions sont-elles

La religion et les religions Spinoza De quelle vérité les religions sont-elles porteuses ? Telle est la question que pose Spinoza. On comprend immédiatement que formulée en ces termes l'interrogation n'est pas innocente. Elle implique, en effet, la possibilité d'existence de plusieurs types de vérité et suggère que certains d'entre eux ne seraient pas accessibles aux religions ou, plutôt, ne seraient pas d'ordre religieux. Par ailleurs, une autre ambigüité demande à être levée. Faut-il parler indifféremment au singulier et au pluriel, partant de l'idée que ce qui intéresse est la nature religieuse des religions ; mais ne convient-il pas aussi de réfléchir à l'articulation de la religion avec ses expressions dans les religions puisque l'on ne fait l'expérience de la religion que par leur médiation ? C'est aussi la tâche que Spinoza s'assigne dans le Traité Théologico-Politique. De fait, Spinoza va essayer de montrer que les deux questions, celle de la vérité et celle de la pluralité, non seulement se rejoignent mais sont consubstantielles. Le Traité Théologico-Politique Spinoza expose son projet dans une lettre (L. 30 qui date de septembre ou octobre 1665) adressée à l'un de ses correspondants les plus assidus, Henry Oldenburg. Il se propose d'articuler une étude savante de l'Écriture et celle de la liberté de pensée et d'expression pour combattre : 1/ les préjugés des théologiens qui s'appliquent à contrecarrer toute tentative de penser par soi-même, 2/ les accusations d'athéisme dont il fait l'objet de la part de la foule, manipulée par ces mêmes théologiens, Le 3ème point, découle des deux précédents; à savoir que la liberté de philosopher est la garantie de l'accession à la vérité et à la paix publique. On voit bien que c'est la question de la vérité de la religion qui se trouve au cœur de l'ouvrage. Et il la précise de la façon suivante : dans quelle mesure le pouvoir politique est-il capable de supporter que la vérité soit dite ? 1 Il nous faut comprendre cette manière d'aborder la question religieuse et, pour ce faire, une indication intéressante peut nous être donnée par les circonstances de sa rédaction. Le TTP paraît à Amsterdam en 1670. Outre les Principes de la Philosophie de Descartes, il est le seul ouvrage qui sera publié de son vivant. Or, chose remarquable, lorsque Spinoza commence à rédiger le TTP en 1664-1665, il est en pleine composition de l'Éthique qu'il abandonne au milieu de la IVème partie pour se consacrer à ce nouveau projet. Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer cette décision. D'abord, la situation politique dans les Provinces-Unies. Certes, le régime aristocratique dont Jan De Witt est l'actuel Grand Pensionnaire garantit une certaine liberté de pensée mais il est fragile. Spinoza sait que tout peut rapidement basculer car le parti orangiste, qui réclame le retour au stathoudérat dans les provinces de Hollande et trouve des alliés chez les protestants calvinistes intransigeants – les mêmes que ceux qui ont tenté de faire interdire Descartes –, peut très bien renverser De Witt (ce qui sera fait en 1672). Ensuite, sa situation personnelle. Quoiqu'il n'ait rien publié de ses propres pensées, Spinoza est connu non seulement en Hollande mais en Europe. Il correspond avec les savants de son époque, livre des morceaux de l'Éthique au fur et à mesure de sa composition à son « cercle », il se déplace, reçoit (ex. : Leibniz). Ses thèses, ou du moins des parties de sa philosophie, commencent à être connues et diffusées auprès des lettrés. Leur lecture en horrifie quelques-uns, en particulier les théologiens, qui l'accusent soit directement soit en entretenant la rumeur, d'athéisme. Spinoza décide donc non pas de tenter de mettre fin à la diffamation car il sait que ce serait peine perdue mais d'en appeler au jugement de chacun. Il lui faut, par conséquent, mettre au point de façon argumentée les pensées qu'il rumine depuis longtemps quant à la vérité révélée dans La Bible. Le plan du TTP est à la fois simple et très rigoureux. La Préface et les 20 chapitres qui le composent sont la démonstration des deux propositions du sous-titre : la liberté de philosophie est sans dommage pour la paix civile et la piété; bien plus, l'interdire conduit à la discorde et à l'impiété. 2 - dans une 1ère partie (ch. 1 à 15), interrogeant la vérité dont la religion est porteuse, Spinoza étudie les instruments de la révélation, puis l'Écriture et son mode de lecture et, enfin, les conséquences concernant la foi et la raison - dans la 2nde partie (ch. 16 à 20), il examine la question de l'utilité et de la nocivité de la liberté de philosopher pour l'État. On a, par conséquent, répondu aux deux questions initiales et, en entrecroisant les réponses, on a montré que la liberté de philosopher est non seulement utile mais encore indispensable pour conservation de la piété et la sécurité de l'État et qu'elle règle les rapports entre foi et raison et entre les religions et l'État, qui est le problème récurrent depuis le XIIIème siècle et qui devient objet de polémique aux XVI-XVIIèmes siècles : jus circa sacra (le droit concernant les affaires sacrées). La vérité de la religion Toute la 1ère partie du TTP consiste à étudier les dits, les écrits et les actes des prophètes, les miracles relatés dans la Bible, l'histoire du peuple hébreux, les pratiques religieuses, la rédaction du Livre, etc. Autrement dit à examiner point par point les instruments de la révélation. Il faut donc procéder à une lecture instruite par l'histoire et par l'étude philologique des textes. Une remarque immédiate s'impose : alors que la sociologie, par exemple, cherche à établir les caractéristiques communes à toutes les religions pour définir la religion ou que Marx et Freud en analysent les conditions objectives d'émergence et donc, en cela, ne peuvent que lui rester extérieurs, Spinoza, pour sa part, s'installe d'emblée au cœur de la religion. Son interrogation est moins : qu'est-ce qu'une religion ?, d'où vient le sentiment religieux ? que celle-ci : quelle est la signification du message religieux ? On se contentera d'un résumé car, pour le propos présent, il s'agit moins de vérifier les dires de Spinoza que de montrer comment de la méthode qu'il met en œuvre ( que je n'examinerai pas ) va être tirée la conclusion quant à la signification réelle du Livre. L'examen historique de la vie et des propos des prophètes et de leurs prophéties amène à estimer que les prophètes étaient des individus, certes très pieux et menant une conduite irréprochable, mais aussi dotés d'une très vive imagination qui leur a permis d'intuitionner la révélation de Dieu grâce aux signes dont ils s'estimaient les réceptacles. C'est pourquoi on est 3 en droit de présumer que, faits de complexions différentes, faillibles, vivant en des lieux et des temps différents, leurs prophéties marquées par leurs situations et leurs opinions et souvent énoncées tardivement ne fournissent pas de connaissances privilégiées des phénomènes naturels. Un exemple : Josué qui affirme que le soleil s'est arrêté de tourner. Pour Spinoza, il ne faut pas en conclure que Josué délire ou ment mais que, manifestement il n'était pas astronome et que si l'on cherche à comprendre ce phénomène à l'aide des lois de Galilée, une explication de ce phénomène est possible. Semblablement lorsque les Hébreux (Spinoza emploie ce terme lorsqu'il désigne le peuple) se proclame le peuple élu, il faut bien comprendre que les Hébreux n'étaient ni plus sages, ni plus proches de Dieu, mais que c'est leur organisation sociale et l'histoire qui leur a permis de se distinguer des autres peuples. L'élection du peuple juif est simplement due à une fortune politique que l'histoire a d'ailleurs balayée par la suite. De même, il ne faut pas assimiler les lois cérémonielles à la loi divine. Celles-là ont, en réalité, pour seule fonction la préservation et l'unité du royaume et sa prospérité. Moïse a institué les préceptes, les interdits, les rites pour canaliser les passions, pour pacifier les mœurs. Mais elles n'ont de sens que dans le cadre de l'État, et autant que dure celui-ci. Quant à la croyance aux miracles, elle n'est que l'ignorance des causes des phénomènes. Autrement dit, attribuer à Dieu les miracles revient à affirmer que Dieu se contredit puisqu'il est l'auteur des lois de la nature, qu'Il revient sur ses propres décrets, qu'Il agit contre lui-même. Ce qui est absurde ; sinon Dieu ne serait pas Dieu mais un simple tyran ou un enfant capricieux. Enfin, la question décisive de ou des auteurs de la Bible subit un traitement identique. Et l'on découvre qu'il est insensé de soutenir que Moïse est l'auteur de l'ensemble du Pentateuque pour la raison que le Livre est écrit à la troisième personne, qu'il raconte sa mort et des événements qui la suivirent et que certains lieux désignés sous un nom ne s'appelaient pas ainsi en son temps. De fait, la Torah serait l'œuvre d'Esdras qui, plusieurs siècles après la mort de Moïse, aurait procédé à la compilation de récits et d'événements, ainsi que uploads/Religion/ la-religion-et-les-religions-billecoq-orleans-tours-pdf.pdf

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  • Publié le Aoû 21, 2022
  • Catégorie Religion
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