François Héran Le rite et la croyance In: Revue française de sociologie. 1986,
François Héran Le rite et la croyance In: Revue française de sociologie. 1986, 27-2. pp. 231-263. Citer ce document / Cite this document : Héran François. Le rite et la croyance. In: Revue française de sociologie. 1986, 27-2. pp. 231-263. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1986_num_27_2_2306 Résumé Une tradition constante s'emploie à opposer la croyance au credo, c'est-à-dire un sentiment religieux réfléchi à une religion objectivée dans des rites et des formules. Ce schéma dualiste recouvre généralement des jugements de valeur sur le rôle respectif des institutions et de la liberté individuelle. Mais d'un auteur à l'autre, la coupure se déplace : on oppose ainsi, selon les cas, le rite au mythe, la religion romaine à la religion grecque, l'ensemble des religions antiques au christianisme, le christianisme tardif au christianisme des origines, le christianisme traditionnel au christianisme rénové, et ainsi de suite, comme en témoignent certaines analyses de Herder, Hegel, Fustel de Coulanges, Pareto ou Lévi-Strauss, qu'on peut confronter à celles de Durkheim ou de Weber. Deux publications récentes donnent l'occasion de revenir sur la question. La première expose les dernières recherches sur cette religion apparemment mécanique et désenchantée qu'était la religio des Romains ; on y découvre, contre toute attente, un usage hautement stratégique du rite, qu'il faut mettre en rapport avec l'histoire des luttes pour le pouvoir symbolique. La seconde part du pôle opposé ; elle étudie l'évolution du christianisme dans la France rurale et oppose au ritualisme d'avant les années cinquante le « sens théorique » qui se développerait désormais dans la conscience religieuse populaire. Pourtant, loin de confirmer cette thèse sur la croyance, les témoignages écrits et oraux présentés par l'auteur fournissent plutôt des matériaux pour une histoire sociale de l'encadrement des fidèles et une sociologie de l'inculcation du credo. Resumen François Héran : El rito y la creencia. Una tradition constante se esfuerza por oponer la creencia al credo, es decir un sentimiento religioso meditado a una religion objectivada en ritos y formulas. Ese esquema dualista oculta generalmente varias sentencias acerca del papel respectivo de las instituciones y de la libertad individual. Pero según los autores divergen la cesura : asi se opone, según los casos, el rito al mho, la religion romana a la religion greca, el conjunto de las religiones antiguas al cristianismo, el cristianismo tardío al cristianismo original, el cristianismo tradicional al cristianismo renovado y asi sucesivamente como lo atestiguan ciertos análisis de Herder, Hegel, Fustel de Coulanges, Pareto o Lévi-Strauss que pueden compararse con las de Durkheim o de Weber, dos publicaciones recientes dan motivo para reanudar con el problema. La primera expone las ultimas investigaciones acerca de esa religion, al parecer mecánica y desencantada, como lo era la religio de los Romanos ; en ella se describe, cuando no se lo esperaba, un uso muy estratégico del rito que hay que relacionar con la historica de las luchas por el poder simbólico. La segunda publication se apoya en el término opuesto ; estudia la evolution del cristianismo en la Francia rural y opone al ritualismo de antes de los aňos de 1980 el « sentido teórico » que de antemano se desarrollaria en la conciencia religiosa popular. Sin embargo lejos de confirmar esa tesis sobre la creencia, los testimonios escritos y orales presentados por el autor otorgan más bien materias para una historia social de la formation de los fieles y una sociologia de la inculcation del credo. Zusammenfassung François Héran : Ritus und Glaube. Eine fortdauernde Tradition stellt Glaube und Credo gegenüber, das heisst ein überlegtes religioses Gefühl gegenüber einer in Riten und Formeln objektivierten Religion. Dieses dualistische Schema deckt sich im allgemeinen mit Werturteilen iiber die jeweilige Rolle der Einrichtungen und der individuellen Freiheit. Es zeigt sich jedoch, dass dieser Schnitt von Autor zu Autor verschieden liegt : je nach Fall werden Ritus und Mythos gegenubergestellt, die römische und die griechische Religion, alle Religionen der Antike und das Christentum, das spate und das ursprüngliche Christentum, das traditionnelle und das renovierte Christentum, und sofort, wie gewisse Untersuchungen von Herder, Hegel, Fustel de Coulanges, Pareto oder Lévi-Strauss zeigen, die den Analysen von Durkheim oder Weber gegenübergestellt werden können. Zwei kurzliche Veroffentlichungen bieten Gelegenheit, diese Frage erneut zu behandeln. Die Erste stellt die letzten Forschungsergebnisse über die offenbar mechanische und entzauberte religio der Römer vor. Entgegen jeder Erwartung entdeckt man hier eine stark strategische Verwendung des Ritus, die nicht mit der Geschichte der Kämpfe um die symbolische Macht in Verbindung gebracht werden muss. Die zweite Veroffentlichung geht vom gegenüberliegenden Pol aus ; sie untersucht die Entwicklung des Christentums im làndlichen Frankreich und stellt dem Ritualismus vor den fünfziger Jahren den « theoretischen Sinn » gegenüber, der sich nunmehr gemäss dem Autor im religiôsen Bewusstsein des Volkes entwickelt. Die schriftlichen und mundlichen vom Verfasser vorgestellten Zeugnisse bestàtigen keineswegs diese These zum Glauben, sondern liefern eher Werkstoff fur eine soziale Geschichte zur Leitung der Gläubigen und eine Soziologie der Einhämmerung des Credos. Abstract François Héran : Rites and beliefs. Tradition obstinantly opposes belief to creed, i.e. reflected religious feelings as opposed to religion objectivised in rites and formulas. This dualistic scheme generally marks value judgments on the respective roles of institutions and individual liberty. But from one author to the next, the cut-off point shifts : thus rites are opposed, as the case may be, to myths, the Roman Catholic religion opposed to the Greek, the body of ancient religions to Christianity, late Christianity to renewed and so on, as may be illustrated by certain analyses from Herder, Hegel, Fustel de Coulanges, Pareto or Lévi-Strauss, which can be confronted with those of Durkheim or Weber. Two recent publications offer an opportunity to renew the question. The first exposes the latest research on that apparently mechanical and disenchanted religio of the Romans. Here we discover against all expectations a highly strategic use of rites that must be linked with the history of the struggle for symbolic power. The second starts from the opposite pole, studying the evolution of Christianity in rural France and opposing, in face of the ritualism of the pre-fifties, that « theoretical sense » that was to develop henceforth in popular religious consciousness. However, far from confirming the above hypothesis on beliefs, the written and oral testimonies presented here supply material, on the contrary, for a social history of the management of congregations and for a sociology of the inculcation of creeds. R. franc, sociol.. XXVII, 1986, 231-263 NOTES CRITIQUES Le rite et la croyance par François HÉRAN Résumé Une tradition constante s'emploie à opposer la croyance au credo, c'est-à-dire un sentiment religieux réfléchi à une religion objectivée dans des rites et des formules. Ce schéma dualiste recouvre généralement des jugements de valeur sur le rôle respectif des institutions et de la liberté individuelle. Mais d'un auteur à l'autre, la coupure se déplace : on oppose ainsi, selon les cas, le rite au mythe, la religion romaine à la religion grecque, l'ensemble des religions antiques au christianisme, le christianisme tardif au christianisme des origines, le christianisme traditionnel au christianisme rénové, et ainsi de suite, comme en témoignent certaines analyses de Herder, Hegel, Fustel de Coulanges, Pareto ou Lévi-Strauss, qu'on peut confronter à celles de Durkheim ou de Weber. Deux publications récentes donnent l'occasion de revenir sur la question. La première expose les dernières recherches sur cette religion apparem ment mécanique et désenchantée qu'était la religio des Romains; on y découvre, contre toute attente, un usage hautement stratégique du rite, qu'il faut mettre en rapport avec l'histoire des luttes pour le pouvoir symbolique. La seconde part du pôle opposé; elle étudie l'évolution du christianisme dans la France rurale et oppose au ritualisme d'avant les années cinquante le « sens théorique » qui se développerait désormais dans la conscience religieuse populaire. Pourtant, loin de confirmer cette thèse sur la croyance, les témoignages écrits et oraux présentés par l'auteur fournissent plutôt des matériaux pour une histoire sociale de l'encadrement des fidèles et une sociologie de l'inculcation du credo. Convoqué au concile de Soissons, en 1121, pour répondre de ses thèses sur la Trinité, Pierre Abélard fut sommé par les évêques présents d'« expos er publiquement sa doctrine afin qu'on pût, selon qu'il conviendra, l'approuver, la rejeter ou la corriger ». La suite nous est racontée par Abélard lui-même : « Je me levai pour confesser ma foi et exposer mes théories. J'avais l'intention de m'exprimer en termes personnels; mais mes adversaires déclarèrent qu'il me suffisait de réciter le symbole d'Athanase. Le premier enfant venu aurait pu le faire aussi bien. Pour qu'il me fût impossible d'alléguer l'ignorance, comme si ce texte ne m'était pas familier ! ils en firent apporter une copie, que je dus lire. Je lus, parmi 231 Revue française de sociologie les soupirs, les sanglots et les larmes, comme je pus » (1). Cet épisode, un des plus forts de YHistoria calamitatum, a une portée qui dépasse évidemment la personne d'Abélard. On y apprend que l'institution n'avait que faire des théories individuelles. Elle exigeait l'accomplissement d'un rite anonyme inculqué dès l'enfance, profondément « habitualisé » dans uploads/Religion/heran-le-rite-et-la-croyance.pdf
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- Publié le Jul 03, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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