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"" LIBRAIRIE ARTHEME FAYARD NOTE CONCERNANT CE SCAN Ce scan a été réalisé en novembre 2017 et le plus clair possible afin d'éviter les innombrables taches provoquées par le vieillissement de ce mauvais papier d'après-guerre. Malgré cela de nombreux accidents ont dû être corrigés, comme les faux-plis des pages centrales des cahiers, très visibles au scan et qui ont tous été gommés « à la main ». Les dernières lignes au bas de certaines pages ont parfois reçu trop d'encre et ont dû être entièrement récrites, en respectant, bien entendu le Baskervile Old Face d'origine ainsi que l'exact espacement des lettres de l'original, achevé d'imprimer le premier avril 1949. Le balcon au bord de l'eau OUVRAGES DU MÊME AUTEUR CHEZ LE MÊME ÉDrrEUR .tAa 'rerras~;c du .Luxembourg. Le Pont des Saints-Peres. ANDRÊ· BILLY DEL' ACAO ÉMIE CON C011 RT e a con au or -' e ,eau LIBRAIRIE ARTI-IEME FAYARD 18;020 RUE DU SAINT;oCOTHARD;o PARIS XIV Il a été tiré de cet ouvrage : Vingt-cinq exemplaires sur papier Alfa classique des papeteries Navarre numérotés de 1 à 25 Copyright by F. Brouty, J. Fayard et Cie 1 1949. 1 lJn journal parisien après 14. A la fin de la guerre de 14 et dans les premières années qui la suivirent, la rédaction de l'Œuvre, installée au 25 de la rue Royale, représentait certainement, avec celle de l'Action Fran- caise, ce qu'il y avait de mieux à Paris en fait d'esprit et d'in- telligence appliqués au journalisme. Pierre Brisson qui, par un effort tenace d'autorité et de volonté, a réalisé au Figaro, dans un autre style, ce que Téry réalisa naguère à l'Œuvre, me demandait comment s'était formée dans ce journal l'at- mosphère excitante que le lecteur y respirait chaque matin. Je lui répondis que Téry avait été probablement un des plus mauvais directeurs de journal qu'on eût jamais vus. Polémiste et chroniqueur, il manquait à un rare degré de cette impartia- lité supérieure, de cette curiosité universelle, de ce désintéres- sement profond qui devraient constituer la marque essentielle du grand directeur de journal. Quand je dis désintéressement, je ne veux pas dire honnêteté en matière d'argent, je veux dire absence complète de toute préférence personnelle, subor- dination à l'événement ou à l'idée. Ce n'était pas non plus l'au- torité qui caractérisait Téry. Certes, on le respectait pour son <talent, mais on le voyait si souvent la proie d'un caprice impos- 8 , LE BALCON AU BORD DE LEAU sible à réaliser ou cédant à un accès d'égoïsme enfantin, qu'on lui obéissait rarement avec enthousiasme et sans réticence. Il avait du charme, il plaisait, mais à la façon d'une femme, d'une coquette dont les retours d'humeur sont toujours à redouter. Je répondis donc à Brisson que Téry avait été un très mauvais directeur de journal au sens où, lui, en était un excel- lent, et que l'esprit d'équipe n'avait jamais existé à l'Œuvre, comme il existe ailleurs, au Figaro par exemple. A l'Œuvre, chacun travaillait dans son coin, le rôle de Téry à l'égard de ses collaborateurs consistant presque uniquement, d'abord à les choisir, puis à leur faire sentir de jour en jour son insatis- faction chronique, son inguérissable malaise qui était pour eux un stimulant, mais qui parfois aussi les décourageait; il était vraiment trop difficile à contenter! Le mélange qu'il offrait de scrupule, de sentimentalité ombrageuse et d'égocentrisme aveugle, nous rendait son approche même assez pénible. Pour- tant, nous lui étions dévoués et à l'heure actuelle encore je lui garde de la reconnaissance pour la patience dont il fit preuve à mon égard : ses goûts littéraires étaient tellement éloignés des miens! Je m'étonne encore qu'en dépit de la tendance qu'il avait à tout ramener à ses vues propres, il m'ait conservé dans son journal. Cela tint sans doute uniquement à ce qu'il me savait incapable de recevoir de l'argent des éditeurs pour faire l'éloge de leurs livres. Il aimait les Parnassiens, en partièulier Haraucourt et Richepin, et je ne me souciais guère d'eux. Dans les premiers temps de ma collaboration à l'Œuvre, il se produisit un incident dont je pris le parti de rire, ce que je. n'aurais pas fait si Téry ne m'avait pas donné à cette occasion le spectacle d'une telle gêne, d'une telle confusion. Jean Riche- pin ve~ait de publier un livre, je ne sais plus lequel et peu importe. J'en fis un compte rendu peu favorable dont, à l'im- primerie, une épreuve fut placée sous les yeux de Téry avec celles des autres articles prêts à paraître le lendemain matin. ~ UN JOURNAL pARISIEN APRES 14 9 Il était trop tard pour remplacer mon article par un autre. Téry n'hésita pas : il modifia radicalement le sens général de ce que j'avais écrit, remplaçant les blâmes par des éloges, les épithètes péjoratives par des laudatives, les négations par des affirmatiQns, etc. Ce travail lui demanda un gros effort. Il en transpirait, me dit-on. Mais aussi, quelle catastrophe, si le cher Richepin avait lu, dans l'Œuvre de son cher Téry, un éreintement de son livre! Ainsi transformé, l'article parut et l'on imagine ma stupeur. Je n'attendis pas la soirée pour me .rendre au journal. J'y fus à midi et, le mot de démission déjà aux lèvres, me fis annoncer au patron. La consternation était peinte sur' son visage. Il s'excusa. Il s'était rendu coupable d'un abus de pouvoir dont la presse française offrait certaine- ment peu d'exemples, mais que faire? L'étroite ét intime affection qui le liait à Jean Richepin et l'impossibilité de diffé- rer mon article lui avaient rendu toute autre solution impossi- ble. « Je vous ferai déjeuner avec Jean Richepin un de ces jours, me dit-il. Vous verrez quel homme délicieux il est. Vous serez le premier à regretter vc>tre injustice à son égard. » Fallait-il quitter l'Œuvre? Peut-être l'aurais-je fait si j'avais eu le loisir de réfléchir et de prendre conseil : sans même me laisser le temps de lui répondre, il me tendit sa grosse main et je la serrai machinalement. Je n'avais plus qu'à me retirer pour aller méditer dans la solitude sur l'énormité de ma maladresse, ou plutôt de mon ignorance. Étais-je excusable de ne pas savoir ce qui était de notoriété publique à Paris? Edmond Hue, secrétaire de rédaction, qui, n'ayant pas lu mon article en copie, n'avait pu m'informer à temps de mon erreur, riait encore de ce qui s'était passé la nuit précédente à l'im.. primerie. Ni lui ni personne ne prenait l'affaire au sérieux. En fin de compte, c'est sur moi que rejaillissait le ridicule. Mais désormais, je me méfiai. Je venais cl'avoir la révélation du goût de Téry pour toute une littérature dont les homme8 10 LE BALCON AU BORD DE L'EAU de ma génération se gaussaient depuis plus de quinze ans. Naturellement, il ne pouvait s'agir d'aligner mes préférences sur les siennes : bien choisir les occasions qui se présenteraient d'affirmer et de justifier mes positions de telle sorte que mon directeur se mît évidemment dans son tort en les contestant, était le meilleur parti à prendre. Téry me fit donc déjeuner avec Jean Richepin' villa Gui- bert, dans le petit hôtel qu'il avait acheté à côté de celui de son illustre ami. Richepin se montra en effet charmant; il ignorait certainement ce qui s'était passé entre Téry et moi à l'occasion de son livre. De notre conversation où il fut beaucoup ques- tion de littérature et où l'auteur de la Chanson des Gueux fit un grand étalage d'érudition classique, je ne me rappelle qu'un détail: «A propos, me dit le vieux maître à l'improviste, je ne trouve pas qu'on soit très poli dans votre génération! » Et comme je m'enquérais de ce qui, de la part de l'ancien truand, avait attiré sur les gens de mon âge une appréciation si générale et si sévère: « Qui est donc, reprit-il, ce M. Jérôme Tharaud qui vient de poser sa candidature à l'Académie dans des termes si désinvoltes? » Je lui dis alors quel homme et quel écrivain était mon vieil ami Jérôme et j'ajoutai, pour achever de le réhabiliter dans l'esprit de mo~ interlocuteur : « D'ailleurs, il a passé comme vous par la rue d'Ulm, mon cher maître! - Non, vraiment, c'est un normalien? - Eh, oui! - Cela est curieux », conclut Richepin, et nous parlâmes d'autre chose. Peut-être s'est-on fait, d'après ce qu'on a lu plus haut, une vague idée de l'homme étrange, complexe, difficile à cerner dans une formule, qu'était Gustave Téry. Je ne porterai pas d'appréciation sur ses variations politiques et philosophiques. Je ne le connaissais pas à l'époque des Cordicoles, de la Petite République, dè la Raison, de l'Action, du Secret mafonnique, du Matin, de la Tribu des Chautemps, de l'Œuvre hebdomadaire UN JOURNAL PARISIEN APRÈS 14 II qu'avec Urbain Gohier, Robert de Jouvenel et Séverine il avait fondée en 1909. Je n'ai jamais eu égard, je l'avoue, qu'à son mérite d'écrivain qui fut d'introduire dans la polémique toutes les finesses et toutes les nuances de uploads/Religion/ le-balcon-au-bord-de-l-x27-eau.pdf
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Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 24, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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