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Universitäts- und Landesbibliothek Sachsen-Anhalt Digitale Bibliothek des Sondersammelgebietes Vorderer Orient Le Culte des ancêtres et le culte des morts chez les Arabes Goldziher, Ignác Paris, 1885 urn:nbn:de:gbv:3:5-35605 LE ET LE CULTE DES MORTS CHEZ LES ARABES PAU T'"^' £Q » PARIS ERNEST LEROUX, LIBRAIRE-ÉDITEUR LIBRAIRE DE I.A SOCIÉTÉ ASIATIQUE 28, RL'E BONAPARTE 1885 LE CULTE DES ANCETRES ET LE CULTE DES MORTS CHEZ LES PAR IGNACE GOLDZIHER I. Nous avons déjà eu l'occasion de signaler dans cette Revue certains éléments du culte des ancêtres et des héros chez les Arabes, qui n'ont pas encore assez subi l'influence de l'islam et qui ne sont pas pénétrés de l'enseignement de Mohammed. 2 Le lecteur voudra bien se souvenir que nous avons insisté sur la profonde différence entre le culte des saints, tel qu'il s'était développé chez les Bédouins, 3 et le culte des saints dans l'Islam proprement dit. Le premier, en effet, ne doit être con¬ sidéré que comme une forme renforcée des hommages rendus aux ancêtres et aux héros de la tribu. De même l'attachement opiniâtre des Arabes païens à la Sunna de leurs pères s'est présenté à nous comme une conséquence intime de cette véné- ') Cet article a été rédigé eu Allemand. La traduction française a été revue par l'auteur. (Voie de la Rédaction). ! ) Revue de l'Histoire des Religions. T. II. p. 342 etsuiv.. 3) liurckhardt. Voyages en Arabie ; trad. française par Eyriés (Paris 1835). T. III p. 187 : « Il y a peu de tribus de Bédouins, dans le territoire ou du « moins à peu de distance desquelles on ne trouve pas ie tombeau d'un santon « ou d'un sheikh révéré : c'est à lui que tous les Arabes du voisinageadres- « sent leurs vœux. Ces tombeaux sont généralement visités une fois l'an par un « grand nombre d'Arabes qui viennent y immoler les victimes promises durant « l'année précédente.... La vénération que ces Bédouins ont pour un saint « ressemble à l'idolâtrie, » 2 LE CULTE DES ANCÊTRES ration pour les ancêtres ; et à ce propos nous avons rappelé les plaintes amères constamment proférées par Mohammed dans le Qorân contre le traditionalisme de ses compatriotes païens, qui constituait, le principal obstacle à la propagation de son enseignement. Ce ne sont pas là de simples formules stéréotypées, comme on serait autorisé à le croire d'après leur usage réitéré par le prophète dans des formes presque complètement identiques. Nous trouvons chez les Arabes des documents attestant ces dispositions diamétralement contrai¬ res à la nouvelle doctrine, et dans lesquels ils en appellent, pour la repousser, aux « traces de leurs ancêtres » et aux traditions « où se retrouvent leurs pères. » 1 Tel est, entre autres, le poème dans lequel Ka'b b. Zuhejr, encore rigoureu¬ sement païen, prononce des imprécations contre son frère Budjejr qui s'est converti à la doctrine de Mohammed : « Tu as quitté le droit chemin (al-huda) ! et tu l'as suivi ! hélas ! où t'as-t-on conduit ! « Vers une manière d'être, où tu ne retrouves ni père ni mère, ut où tu ne rencontres aucun frère qui l'ait adoptée. » A quoi Budjejr, l'adepte de Mohammed répond : « La religion fdin) du père Zuhejr? ce n'est rien cette religion, et la religion d'Abu-Sulma(le grand père), je la méprise. » 3 Il est vrai qu'un peu plus tard Ka'b aussi rejette les dieux Al-Lât et Al-'Uzza, et qu'il devient le panégyriste du prophète et de sa doctrine. En tenant compte de cette disposition de l'esprit arabe, on comprend que les Qorejshites aient commencé par prendre à la légère l'enseignement « du jeune homme de la famille d"'Abd al-Muttalib qui répète ce que lui dit le ciel »; ils n'y ont vu tout d'abord que la chimère inoffensive d'un original exalté, et ') M. L. Derome a consigné d'excellentes observations sur la puissance de la tradition et des coutumes anciennes chez les véritables Arabes dans l'Introduc¬ tion à sa traduction française de l'ouvrage de M« Anna Blunt : Pèlerinage au Nedjd, berceau de la race arabe (Paris 1882). p. XLVII et suiv. ') Cette expression est sans doute employéepar les païens dans un sens iro ■ nique. Mohammed et ses adhérents se plaisaient à désigner ainsi leur doctrine et leurs coutumes. s ) Hânat Su'âd éd. Guidi p. 4-5. LE CtlLTÉ DES ANCÊTRES 0 ne lui ont fait une oppositionpassionnée qu'à partir du moment où Mohammed ne s'est plus borné à l'attaque de leurs dieux, mais «a condamne également leurs pères, morts dans l'incré¬ dulité ; alors seulement ils commencèrent à le haïr et à le poursuivre »'. « 0 Abû-Tâlib, dirent-ils en se lamentant, le « fils de ton frère méprise nos dieux, condamne nos prati- « ques religieuses, déclare nos mœurs barbares et fait passer « nos pères pour des impies. » 2 Sans emboîter le pas derrière l'école de « l'évhémérisme mo¬ derne,» récemment remise en honneur par Herbert Spencer, 3 on est donc autorisé à signaler le culte ardent du passé et de ses représentants comme l'un des facteurs moraux, ou plutôt religieux, de la vie spirituelle chez les Arabes païens, et à y voir l'une des rares inspirations religieuses de quelque valeur que présente l'esprit arabe. Il s'est manifesté d'une façon formelle dans certains usages que l'on range ordinai¬ rement dans la catégorie des pratiques religieuses. Nous avons déjà mentionné leur habitude de s'arrêter dans la vallée de Minâ, après avoir terminé les cérémonies du pèle¬ rinage, pour célébrer par des chants les hauts faits de leurs pères, à peu près comme les anciens Romains chantaient dans leurs banquets les louanges de leurs ancêtres. 4 Dans le même ordre d'idées nous pouvons rappeler que les Qoréjshites de l'époque païenne avaient coutume de jurer par leurs ancêtres, et que Mohammed dut interdire de pa- ') Ibn Sa'd dans Sprenger. Mohammed sein Leben und seine Lehre I. p. 357. ») UmHishàm p. 17. Cfr. 183. 180. 190. Al-7'abarî. T. I. p. 1175, 1185. 3) Parmi les défenseurs de la thèse d'après laquelle le culte spontané des an¬ cêtres et des héros serait la forme historique primitive de toute religion, il y a même quelques auteurs qui considèrent également ce culte des ancêtres comme le plus haut et le meilleur degré du développement religieux. De ce nombre est M. G. Eugène Simon, ancien consul de France en Chine ; entraîné par son enthousiasme pour la valeur morale de ce culte il en fait un éloge dithyrambique dans un article de la Nouvelle Revue (1883. T. XXI. p. 402 et suiv.), intitulé : « La famille chinoise ». « Dans quelle religion, s'écrie-t-il en guise de condu¬ it sion, dans quelle civilisation pourrait-on trouver de plus puissantes sollicita- « tions au progrès, à l'effort? » 4) Le culte des saints etc. p. 347. 4 LE CULTE DES ANCÈTHES reils serments et prescrire de ne jurer que pai le seul nom d'Allah. 1 Chez certaines tribus les tombeaux des ancêtres semblent aussi avoir bénéficié d'une considération particulièrement solennelle. C'est là du moins ce qui paraît ressortir d'un vers de /fassân b. Thâbit, dans son poème en l'honneur des Ghas- ' sânides de Syrie : « Les descendants de Djafna, autour du tombeau de leur ancêtre, autour du tombeau du noble, de l'illustre Ibn Mâria. » 1 Il ne s'agit ici, évidemment,que d'un cas particulier et local, qu'il serait imprudent de généraliser pour en déduire des con¬ clusions plus étendues, comme on le fait trop souvent lors¬ qu'on s'occupe du culte des ancêtres. Nous n'en avons nul¬ lement l'intention. Toutefois nous devons à ce propos attirer l'attention sur le fait, que certaines tribus arabes ont conservé intacte la tradition du tombeau des ancêtres jusqu'à une épo¬ que bien postérieure, par exemple la tradition concernant le tombeau du patriarche des Tamîmites à Marrân, ;' et celui du patriarche de la tribu de Qudâ'a, sur une montagne de la côte d'Al-ShiAr, dans la région d'iTarframaut/où se trouvait primiti¬ vement le siège de la tribu qui porte son nom, avant qu'elle n'eût émigré vers le nord. Le culte des morts touche de près au culte des ancêtres. Il n'y a entre ces deux formes de la piété qu'une différence rela¬ tive; le premier, en effet, s'adresse à des générations plus rapprochées, tandis que le second a pour objet des êtres appartenant aux temps les plus reculés. En ce qui concerne les Arabes, nous disposons d'un plus grand nombre de rensei¬ gnements pour déterminer la nature du culte qu'ils rendent ') Al-BuchArî , Manûqib al-'anpir n" 26 ; Tauhld. n° 13. s) Dtwàn de Hassân (éd. de Tunis, p. 72j. dans Al-Ja'gûbî. Historiée (éd. Iloutsma I. p. 236, 12). Le vers est cité par Al-Mejdàni,Amthal (éd. Bulàq. 1, p. 204). Cfr. Reiske. Prima: linex historix regnorum arabicorum p. 81.— Voyez aussi, il propos de cette question, Dtwàn de Nàbigha al-Dhubjànî I, v. 6 (dans la collection d'Ahhvardt) et Wotzstein. lieisebericht iXber Éiuirân und die Trachoncn p. 118. »j Jâqût IV, p. 479. uploads/Religion/ le-culte-des-ancetres-et-le-culte-des-morts-chez-les-arabes-goldziher 1 .pdf

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  • Publié le Dec 31, 2021
  • Catégorie Religion
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