Charalambos Papastathis État et Églises en Grèce I. Données sociologiques La ma

Charalambos Papastathis État et Églises en Grèce I. Données sociologiques La majeure partie du peuple grec appartient à l’Église orthodoxe orientale (soit 95 % de la population totale). Suivent les musulmans (établis surtout en Thrace occidentale), les catholiques, les protes- tants, les témoins de Jéhovah, les Arméniens et les juifs. Ainsi lors- que nous parlons des relations entre l’État et l’Église, il s’agit de l’Église orthodoxe. Un nombre important d’immigrés légaux et illé- gaux sont venus en Grèce ces dernières années et la plupart d’entre eux sont des Albaniens aux origines musulmanes. II. Toile de fond historique Le cadre théorique des relations entre l’État et l’Église en Grèce constitue une forme évoluée du césaro-papisme. On parle dans la littérature grecque plutôt du système de "la souveraineté du droit étatique". L’État dispose en vertu de la Constitution du droit de ré- gler par des lois toutes les matières administratives de l’Église, même celles touchant à leur nature interne. Les objections toujours fréquentes à ce système sont ordinairement repoussées par l’argument de l’existence d’une tradition déjà formée. Il est vrai qu’il existait sous l’empire chrétien byzantin une forme de césaro- papisme. Après la crise de Constantinople (1453), le cadre institu- tionnel fut cependant modifié. Le sultan Mehmet II, dit "le conqué- rant" accorda à l’Église des pouvoirs politiques. Le patriarche œcu- ménique de Constantinople était désormais responsable devant les autorités ottomanes pour le comportement des chrétiens orthodoxes envers le pouvoir de l’État. Durant la guerre d’indépendance de 1821, un système différent de relations se développa: la Constitution de la Grèce insurgée établissait non seulement la croyance orthodoxe Charalambos Papastathis 122 orientale comme "dominante" ou comme "religion d’État", mais garantissait également aux membres des autres confessions et croyances le libre exercice de leur religion. La Constitution ne con- tenait aucune disposition qui accordait à l’État le droit de régler par la loi les affaires ecclésiastiques. En 1831, les grandes puissances ont imposé en Grèce la monarchie absolue en tant que forme étatique et le prince Otton de Bavière comme premier roi. Jusqu’à sa majorité une régence composée de trois hauts fonctionnaires allemands assu- rait les affaires gouvernementales. Elle promulgua le décret des 3 (15)/14 (27) avril 1833 établissant le système de "la souveraineté du droit étatique". Peu après le décret du 23 juillet (4 août 1833) portant "indépendance de l’Église grecque" permit à l’État de deve- nir le législateur exclusif pour l’Église. Cette dernière était alors directement soumise au souverain qui fut déclaré son instance su- prême. L’article 105 de la Constitution de 1844 contient une disposi- tion sur les questions administratives de l’Église qui prévoit que ces questions pouvaient être réglementées par l’État sous forme de loi. L’introduction de ce nouveau cadre en 1833 est due à Georg Ludwig von Maurer, membre de la régence et célèbre juriste. Le jeune État grec doit à Maurer une œuvre de codification particulièrement im- portante. Ce juriste eut cependant moins de succès en ce qui con- cerne la réglementation des questions ecclésiastiques, aussi bien en ce qui concerne le cadre des relations État-Église que l’imposition d’un régime autocéphale. Il existait plusieurs raisons qui menèrent à la décision de laisser con- trôler l’Église orthodoxe par l’État: d’une part la nature même de la monarchie absolue, la crainte de plus que l’Église n’attire vers elle les adversaires du régime existant particulièrement en raison de la tradition politique durant la domination turque et enfin, d’autre part, le rôle joué également par les efforts fournis pour élever le niveau de l’éducation et de la qualité de vie du clergé, domaines où la situation n’était pas satisfaisante. État et Églises en Grèce 123 III. Sources juridiques 1. Constitution La disposition de la Constitution de 1844 concernant "la souveraineté du droit étatique" sur les affaires ecclésiastiques n’a pas été reprise dans les constitutions de 1864, 1911, 1927 et 1952. Cela ne signifie pas que ce système n’était plus alors en vigueur. Une disposition comparable existait dans les Chartes statutaires de l’Église qui cons- tituaient des lois de l’État. Cette disposition fut reprise pendant la dictature militaire (1968). L’article 1 de la Constitution prévoyait qu’aucun projet de loi ne pouvait être discuté sans consultation du Saint-Synode, sauf expiration d’un délai de vingt jours pendant le- quel aucun accord n’avait pu être trouvé. Une telle disposition est contenue dans l’article 72 de la Constitution actuelle de 1975: les projets de loi qui concernent l’article 3 (statut de l’Église orthodoxe) et l’article 13 (liberté de religion) sont uniquement discutés en as- semblée plénière du Parlement et non pas dans les commissions pen- dant la pause d’été. 2. Principes fondamentaux du système L’article 3 de la Constitution contient les principes fondamentaux suivants qui régissent la position de l’Église en Grèce et de l’Église orthodoxe en général au sein de l’État grec: la confession orthodoxe est une religion dominante, l’Église de Grèce reste spirituellement indissolublement liée avec le Patriarcat œcuménique de Constanti- nople et avec toutes les autres Églises orthodoxes, l’Église s’administre elle-même et est autocéphale. Les dispositions de l’article 3 de la Constitution ne sont pas entière- ment nouvelles. On les rencontre sous diverses formes également dans toutes les constitutions précédentes. a) La religion dominante La Constitution actuelle se distingue de la Constitution de 1952 dans ses dispositions concernant les questions générales de la religion dominante. Il y était précisé que le successeur au trône devait être orthodoxe ou que le roi, avant d’entrer en fonction, devait prêter Charalambos Papastathis 124 serment de défendre la religion dominante et que ce serment devait être prêté devant le Saint Synode. Pour le reste, le préambule de la Constitution – qui se réfère à la Sainte Trinité – reste inchangé, tout comme le serment religieux du Chef de l’État (art. 33 de la Constitu- tion) et des députés (art. 59). La signification juridique du terme "dominant" n’a pas changé. Comme dans le passé, il signifie au- jourd’hui que: (1) le dogme orthodoxe constitue la religion officielle au sein de l’État grec; (2) l’Église qui exprime ce dogme dispose de sa propre personnalité juridique; elle est une collectivité de droit public pour ses relations juridiques, de même que ses diverses sous- organisations (art. 1, al. 4 de la loi 590/1977 portant sur "la Charte statutaire de l’Église de Grèce"); (3) l’État lui porte un intérêt parti- culier et elle jouit d’un traitement spécifique qui ne s’étend pas de plein droit aux autres dogmes et religions, sans que cela soit contraire au principe constitutionnel d’égalité, tel que nous le verrons en détail par la suite. Le traitement spécifique concerne (1) l’Église et non les fidèles indi- viduellement, car dans ce cas les non-orthodoxes seraient traités d’une manière différente de la part de l’État ce qui constituerait une violation du principe d’égalité du fait du traitement inégal fondé sur des raisons religieuses par rapport aux citoyens orthodoxes. Ce trai- tement concerne (2), en principe, l’Église de Grèce et les autres dio- cèses du Patriarcat œcuménique qui ont leur siège en Grèce; les Églises grecques orthodoxes de l’Est et de la Diaspora bénéficient également d’un certain traitement spécifique (art. 18 de la Constitu- tion). Le traitement spécifique doit (3) être général et ne pas être dirigé spécialement vers une certaine religion ou confession ou son culte et doit (4) ne pas être contraire à la Constitution. Conformé- ment à une décision du tribunal régional de la ville de Patras (n° 261/1983) l’article 11 du règlement n° 3485/1955, prévoyant que tous les consommateurs d’énergie à Patras devaient payer avec leur facture d’électricité une contribution pour la construction de l’église Saint-André, constituait une violation des dispositions prohibitives de la Constitution. En ce qui concerne le contenu du terme "dominant", il faut encore préciser que – exceptée la qualification du dogme orthodoxe comme religion officielle (ou religion d’État) – les deux autres éléments de sa reconnaissance ne concernent pas uniquement l’Église orthodoxe. En théorie une partie, au moins, de la doctrine soutient que l’Église catholique-romaine, tout comme l’Église protestante en Grèce sont également des collectivités de droit public et que, par conséquent, État et Églises en Grèce 125 l’exercice des actes d’administration publique n’est pas exclusive- ment réservé à l’Église dominante, mais s’étend également aux auto- rités des confessions connues. Cela était par exemple le cas avant l’entrée en vigueur de la loi n° 1250/1982 portant sur "l’introduction du mariage civil" avec l’accord de l’autorisation de procéder au ma- riage (selon l’article 1368 du Code civil à l’époque en vigueur) don- né par un évêque non-orthodoxe à un membre de sa paroisse. En ce qui concerne le traitement spécifique de la religion dominante par les lois ordinaires, il ne faut pas perdre de vue que les autres con- fessions et croyances connues disposent également de plusieurs pri- vilèges. L’article 6, alinéa 1, alinéa c de la loi n° 1763/1988 portant "incorporation des Grecs" par exemple dispense du service militaire les "prêtres", les moines et les novices, qu’ils soient orthodoxes ou qu’ils appartiennent à une autre religion. Les Églises et les monas- tères orthodoxes ou non-orthodoxes uploads/Religion/ 06-grece.pdf

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  • Publié le Jan 30, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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