1 « Vaincre le virus… Mais quel virus ? » : Méditations soufies au sujet d’un v

1 « Vaincre le virus… Mais quel virus ? » : Méditations soufies au sujet d’un virus Rachid Hamimaz est professeur de l’enseignement supérieur . « Souviens-toi de Job quand il adressa à son Seigneur cette prière : « Vraiment, l’adversité m’a touché ! » Mais Toi, Tu es le plus Miséricordieux de tous les Miséricordieux ! » Coran 21.83 «Raconte-leur aussi l’histoire d’Abraham, qui dit un jour à son père et à son peuple : Qu’adorez-vous ?... il n’est pour moi qu’un seul Dieu, Celui de l’Univers …C’est Lui qui me guérit lorsque je tombe malade » Coran 26.69, 80 C’est une pandémie, c’est-à-dire une épidémie universelle, qui accable aujourd’hui le genre humain. Malgré l’universalité de cette catastrophe sanitaire (mais aussi de plus en plus politique, économique et sociale), chaque communauté est en droit de décrypter ce mal, ce signe, cette épreuve individuelle et collective à la lumière de sa propre foi, de ses convictions et de ses interrogations métaphysiques. Cette contribution n'est pas l'analyse scientifique d'un universitaire, mais le point de vue sans prétention d'un modeste croyant, une méditation inspirée par le confinement. Je souhaite simplement partager avec mes semblables mon inconfort et mes angoisses du moment, espérant par le partage de mes sentiments briser un instant, même de manière virtuelle, les chaînes du confinement. La question centrale soulevée dans ce texte est la suivante : « comment devons-nous interpréter la survenue et la propagation de cette pandémie ? ». Cette question générale en sous-tend plusieurs autres : «Devons-nous interpréter cette épidémie comme un signe divin destiné à nous faire réfléchir ? ». En ce qui me concerne, la réponse est Oui. « Dieu se manifeste-t-Il dans les affaires des hommes en envoyant Ses signes ? ». Ma réponse est de nouveau Oui. « Qu’est ce qui, dans notre vie, justifie que Dieu nous envoie des signes, des épreuves des avertissements ? ». Je tenterai de répondre à cette question en appréciant, à sa juste mesure, l’état de la pratique religieuse dans les sociétés arabo- musulmanes et au Maroc en particulier. Toutes ces interrogations en induisent une dernière essentielle à laquelle il s’agira également d’apporter une réponse : « Quel est le chemin qui peut nous conduire à revenir à Dieu, à ce qu’Il attend de nous ? ». Doit-on voir dans cette épidémie un signe divin destiné à nous faire réfléchir sur nous-mêmes ? De tout temps, les saints soufis, réalisés spirituellement, ont interprété les évènements dramatiques qui affectent les communautés humaines, comme des signes de Dieu, des mises à l’épreuve de l’Homme par son Créateur. C’est que la vision intérieure (al bâçira) de ces saints est d’une grande acuité et l’horizon de leur regard lointain, eux qui consacrent leurs nuits à prier et invoquer Dieu jusqu’à ce que les lumières de la vérité pénètrent leur cœur. Sidi Ibn 'Ata' Allah Ahmad ibn Muhammad, célèbre saint soufi (m. 709/1309), affirmait dans une de ses sapiences : « Si la privation te fait souffrir, c’est parce que tu ne vois pas Dieu en elle ». Nous vivons tous, aujourd’hui un moment de restriction particulièrement intense. Au-delà des causes secondes et de leur nécessaire prise en charge (maladie- confinement-mesures barrière de protection, course pour trouver un traitement), les soufis ont toujours privilégié les causes premières, la manifestation des signes de Dieu. Ibn Atal Allah déclare dans une autre de ses sagesses : « Parfait ignorant est celui qui veut qu’à l’instant présent advienne autre chose que ce que Dieu y manifeste ». 2 Le saint contemporain Sidi Hamza Qadiri Boudchich (m.2017) a fait l’expérience de la réalisation spirituelle comme en témoigne son propos : « Rien n'est en dehors de Dieu. Il enveloppe toute chose. On contemple cela après la réalisation. Cette réalisation est quelque chose de donné. Dans ce domaine, les sciences extérieures ne servent à rien. Un savant a l'habitude de tout mesurer, de tout évaluer, de tout peser. Celui qui se situe au-delà de cette approche ne se pose plus ces problèmes ». Cette exhortation à rechercher les causes profondes est également illustrée par le propos suivant : « La compréhension ne s’acquiert pas dans les livres. Il serait trop facile de se baisser et de ramasser tous les livres traitants du soufisme pour l’acquérir. La vraie science vous viendra de l’intérieur, de votre cœur. Seul le cœur comprend. Il comprend que rien n’est en dehors de Dieu ». Le Coran, parole immuable de Dieu, est explicite : « Nul malheur, Nulle calamité ne peut atteindre l'homme sans la permission du Seigneur. Dieu guide le cœur de quiconque croit en Lui, car Il est parfaitement Informé de toute chose » (64.11). Mais comment décrypter les signes de Dieu ? Le Saint Coran évoque à maintes reprises les doués d’intelligence, les tenants qui méditent, qui comprennent par leur cœur les manifestations de la volonté divine. Les signes divins, ce sont d’abord, et avant tout, des épreuves destinées à jauger, à sous-peser la foi du croyant : « Or, Nous vous éprouverons sûrement par un minimum de crainte et de faim, et par un amoindrissement de biens, et de personnes, et de fruits. Annonce la bonne nouvelle aux endurants ! » (2.155). Réfléchissons un instant ! la période que nous vivons actuellement n’est-elle pas empreinte d’angoisse voire d’affolement ? la ruée vers les supermarchés et les épiceries ne témoigne-t-elle pas d’une peur (d’une crainte) de la faim ? (celle du ventre), mais aussi de la fin tout court ? La crainte de la diminution (l’amoindrissement) des revenus ne s’insinue-t-elle pas au fond de nos cœurs et des cœurs de nos capitaines d’industrie ?... Pour un musulman, ne pas voir dans cette épreuve le signe de la manifestation divine est la preuve de la myopie de sa vision intérieure, une myopie sévère, qui rend difficile le retour vers le chemin de la rédemption. Dieu révèle dans le Livre sacré : « Et que de Signes dans les cieux et la terre près desquels ils passent tout en s’en détournant ! » (12.105). De très nombreuses sourates du Coran évoquent des signes envoyés aux hommes par leur Seigneur, des signes que bien des peuples ont traité de mensonge et rejeté. La sourate suivante est explicite : « Nous continuerons à leur montrer Nos Signes aussi bien dans l’univers qu’en eux- mêmes jusqu’à ce qu’ils reconnaissent que le Coran est la Vérité. Ne suffit-il donc pas que ton Seigneur soit Témoin de toute chose » (41, 53). Dieu se manifeste-t-Il dans les affaires des hommes après avoir envoyé Ses signes ? A travers la présente réflexion, je voudrais interpeler les croyants et, parmi eux, toutes les personnes de bonne volonté. Comment un musulman doit-il comprendre cette épreuve de Dieu ? J’ai la conviction profonde que ce signe manifeste n’est en aucun cas un châtiment, une punition. Il est simplement un avertissement, un rappel à l’ordre, un message visant à nous « secouer » et nous remettre en question, sur notre vision de l’Islam, sur notre mise en pratique quotidienne de ses principes. S’il s’était agi d’un châtiment, l’épreuve aurait pris la forme d’un virus de « destruction massive », qui, plus efficace que les armes humaines du même nom, aurait décimé l’humanité dans des proportions eschatologiques. Ce n’est, évidemment et heureusement, pas le cas, Dieu merci. Le Saint Coran, là aussi, nous fournit les exemples de peuples qui ont vécu avant nous, et bien avant la révélation au Prophète (psl) : « Nous n'avons jamais détruit une cité sans l'avoir auparavant suffisamment avertie » (26.208) ou : « Que de cités Nous avons anéanties en punition de leurs péchés, et dont il ne reste plus que de vagues vestiges : là, un puits comblé, et là, un château puissamment édifié, aujourd'hui totalement abandonné ! » (22, 45). 3 La question qui mérite d’être posée est la suivante : « Quelle est cette injustice répandue dans les pays arabo-musulmans, qui justifierait que Dieu nous envoie Ses signes, Ses avertissements » ?. Le Coran, encore, nous rappelle : « La corruption est apparue sur terre et sur mer du fait des agissements des hommes. Dieu leur fera expier une partie de leurs péchés, afin qu’ils reviennent peut-être de leurs erreurs» (30, 41). Dieu annonce dans une autre sourate : « Nous les avons disséminés à travers le monde en plusieurs communautés parmi lesquelles il y avait des gens vertueux et d’autres qui l’étaient moins. Et Nous les avons éprouvés tantôt en les gratifiant de faveurs, tantôt en les soumettant à des malheurs, afin de les faire revenir de leurs erreurs » (7, 168). La méditation sur les signes que Dieu nous envoie doit nous amener à « revenir », à retourner à l’essentiel du message coranique, celui pour lequel notre Prophète (psl) a tellement souffert, pour nous le transmettre, authentique et préservé de toute altération. Qu’est ce qui, dans notre vie sociale, justifie que Dieu nous envoie des signes, des épreuves, des avertissements ? Pour répondre à la question précédente, penchons-nous sur la uploads/Religion/ meditations-soufis-autour-d-x27-un-virus.pdf

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  • Publié le Oct 17, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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