JON BAXENDALE PRÉFACE À LA NOUVELLE ÉDITION CRITIQUE DES PIÈCES D’ORGUE DE FRAN

JON BAXENDALE PRÉFACE À LA NOUVELLE ÉDITION CRITIQUE DES PIÈCES D’ORGUE DE FRANÇOIS COUPERIN IMSN 9790261244411 JULLIET 2018 o000o QUELQUES INFORMATIONS CONTEXTUELLES On a tant écrit sur François Couperin qu'il reste peu à dire. François Couperin est né en 1668 d'un père organiste, Charles, titulaire de la tribune de Saint-Gervais à Paris, occupée auparavant par son frère Louis. À la mort de Charles, en 1679, sa charge de titulaire à l'orgue de Saint-Gervais fut réservée à son fils François jusqu'à ce qu’il atteigne ses 18 ans, âge auquel il pourrait commencer ses activités professionnelles. À première vue, cela semble être une démarche altruiste de la part d'une paroisse qui, redevable vis-à-vis du service des frères Couperin et réalisant le potentiel du jeune François, souhaitait que la présence de la famille soit maintenue. La réalité, cependant, est probablement bien différente. Un contrat conclu le 26 février 1679 entre le Conseil de fabrique de la paroisse Saint-Gervais et la mère de François, Marie Guérin, garantit la continuité du service de Charles et de Louis tout en stipulant que François devrait assurer la suite de la charge de son père.1 En échange, François recevrait un quart des 400 livres du revenu annuel de son père et lui et sa mère pourraient conserver leur résidence à l'église « prés saint Germain ».2 Il n’y avait certes guère de doute que l’enfant serait le digne successeur, mais la paroisse avait besoin d’un organiste pouvant assurer environ 400 offices par an, tout en participant également à cinq ou six messes lors des jours de fête importants et dans ces conditions, un interrègne de sept ou huit ans n'aurait profité qu’à la famille Couperin.3 La paroisse a certainement dû prendre de telles mesures afin de maintenir l'héritage des Couperin qui était garanti par la pratique de la survivance, qui permettait à un organiste de nommer son successeur, généralement un membre de la famille. Ce qui signifie donc que Charles a très certainement légué sa charge à son fils et que le conseil de fabrique, peut-être à son grand dépit, avait les mains liées. C'est sans doute par survivance que Charles succéda à son frère après sa mort en 1661 et ainsi, toutes les générations suivantes de la famille continueront à servir à Saint-Gervais jusqu'au dix-neuvième siècle. Il y a eu plusieurs cas où des paroisses sont allées à l'encontre de cette tradition, notamment lorsque Louis Marchand a été destitué à Saint-Merri après la mort de Nicolas Lebègue en 1702. À l’origine, le poste devait être attribué par concours et, bien que Marchand ait remporté le premier et le troisième tour, Lebègue avait cédé sa charge à un cousin, Henri Mahieux, organiste à Saint-Landry, une église de statut inférieur située dans l’actuel quatrième arrondissement de Paris. Le chef du conseil de Saint-Merri était cependant favorable à la nomination de Marchand et tenta de lui confier tout de même la charge. Le conflit qui s'ensuivit exigea l'intervention de l'archevêque de Paris, sollicité par la princesse de Conti, qui décida que Mahieux devait se voir attribuer le poste (Pirro, 1903, p. 550). Cet incident met donc l’accent sur l'importance de la pratique de la survivance et c'est peut-être dans la crainte d'un tel scandale que la paroisse de Saint-Gervais avait accepté de maintenir un statu quo en réservant la charge à l'organiste désigné. Un autre aspect dudit contrat mérite que l’on s’y attarde puisqu'il mentionne la nomination temporaire de Michel-Richard de Lalande jusqu'à ce que le jeune garçon ait l'âge et l'expérience requis. Lalande recevrait le reste du salaire de Charles Couperin en plus d’un paiement supplémentaire afin d’obtenir un logement convenable. Le fait que Lalande devait être bien moins payé que son prédécesseur pourrait donc indiquer que ce dernier ne pouvait ou ne voulait pas assurer les fonctions in toto de Charles à Saint-Gervais. À ce stade de sa carrière Lalande servait déjà à l'église Saint-Paul- Saint-Louis et, au cours des années qui suivirent, il combinait ce travail avec des activités de compositeur, ainsi que de maître de musique auprès de plusieurs princesses à la cour de Louis XIV. En examinant cela à la lumière de la générosité du conseil, on pourrait penser qu’on attendait davantage de François qu’il n’était stipulé dans le contrat et il est donc fort probable que Lalande ait eu pour 1 F-Pan LL 748, fol. 7. 2 En dehors de la page de couverture des messes pour orgue, il n'existe que deux autres mentions de l'adresse pour Couperin à cette époque. L’une se trouve dans son contrat de mariage (F-Pan MC/ET/IV/259, 26 avril 1689), l’autre dans l'almanach de Nicolas de Blégny Le livre commode contenant les adresses de la ville de Paris et le trésor des almanachs pour l'anée 1692 (Paris : 1692, p. 61), où Couperin figure parmi les quatorze « Maîstres pour l’Orgue & pour le Clavecin ». Les autres maîtres sont : Nicolas Lebègue, Jacques Thomelin, Pierre Dandrieu, Guillaume-Gabriel Nivers, Jean-François d’Anglebert, [François] Martin, Gaspard Le Roux, Jean-Baptiste Buterne, Claude Rachel de Montalan, Antoine Houssu (l'aîné), Edmé Houssu (le cadet), Gabriel Garnier et Michel-Richard de Lalande. L’édition de 1691 du même almanach, nettement plus mince ne mentionne pas Couperin. 3 Les fonctions de l'organiste de Saint-Gervais sont détaillées dans le contrat de Louis Couperin, qui est reproduit dans Brunold, 1934, pp. 88-90. mission de l’aider lors de son apprentissage jusqu'à ce qu’il puisse assumer pleinement sa charge d'organiste. Cette hypothèse est confirmée par un arrêt du conseil de fabrique du 1er novembre 1685 qui portait le salaire annuel de Couperin à 300 livres. Il est fort probable que Lalande se soit complètement retiré de Saint-Gervais à ce moment-là, laissant ainsi Couperin entrer en service presque un an avant d'atteindre sa majorité. Une nouvelle augmentation fut décidée le 3 juillet 1689, environ deux mois après son mariage avec Marie-Anne Ansault, son salaire annuel atteignant alors 400 livres. Il est donc vraisemblable que les années d'interrègne s’apparentaient en fait à un apprentissage, au cours duquel Couperin apprit son métier tout en obtenant une rémunération correcte. Un tel arrangement n'aurait pas été surprenant et il est fort probable que, si Charles Couperin avait survécu, son fils aurait été de plus en plus appelé à l’aider à mesure qu'il grandissait. Dans ce milieu, une telle pratique était assez courante : Marchand, par exemple, semble avoir travaillé aux côtés de son père, vraisemblablement à une fonction similaire, dès l'âge de 15 ans au moins (Baffert, 1985, pp. 297-298). Malheureusement, mis à part les quelques procès-verbaux du conseil de l'église de Saint-Gervais, tout ce que l’on sait sur cette période de la vie de Couperin provient d'une anecdote du livre Le Parnasse françois d'Évrard Titon du Tillet, qui nous indique : « [Le] jeune Couperin trouva en Tomelin [sic], Organiste de l’Eglise S. Jacques de la Boucherie, homme très-celebre dans son Art, un second pere, qui se fit un plaisir de le perfectionner dans l’Orgue & le Clavecin, & dans la Composition. »4 Nous devrions cependant aborder ce récit avec prudence car Titon du Tillet, qui connaissait souvent mal les sujets de ses biographies, était enclin aux inexactitudes et à l'exagération et certains de ses récits sont à ce point fantaisistes pour remettre en cause sa validité en tant que source biographiques pour les compositeurs. En effet, nous savons qu’au cours des années qui ont précédé la mort de Charles, la mère de François avait engagé un certain nombre de « différends maistres de musique, de clavecin et d'orgues » afin que le jeune homme devienne assez compétent pour assumer la charge de Saint-Gervais (Hardouin, 1955, pp. 115-116). Nous devons également tenir compte du rôle de Lalande puisque, s’il s’avère que l’hypothèse de l'apprentissage est correcte, on ne peut guère douter qu'il ait eu de l’influence sur le développement des compétences de Couperin - au moins en tant que musicien liturgique - alors que ce dernier se préparait à assumer ses responsabilités au sein de l'Église.5 SOURCES Dans la mesure où Couperin décida de ne publier que des copies manuscrites de ses messes pour orgue, un problème de taille s'est posé afin de déterminer l'autorité de nombreux aspects de l'édition de 1690. Les manuscrits sont sujets à des erreurs de copie et, comme il ne reste qu’un seul exemplaire de l'impression originale, ce sont les sources secondaires qui doivent nous permettre de lever les ambiguïtés et de détecter les fautes possibles. Cependant, lorsqu'on considère la relation entre les sources existantes et leurs provenances, force est de constater que de telles références croisées ne sont pas toujours productives. Au total, quatre sources sont connues et deux sources, qui sont mentionnées autre part, ont été perdues : 1. Une copie unique de la publication de 1690, conservée à la Bibliothèque Inguimbertine de Carpentras, qui contient les deux messes reliées en un seul volume. Selon la page de garde, il appartenait à Félix Danjou, organiste de l’église Saint-Eustache de Paris, qui l’a ensuite transmis à Jean-Joseph-Bonaventure Laurens en 1838. Chaque messe est de la main d’un copiste différent bien que uploads/Religion/ preface-a-la-nouvelle-edition-critique-d.pdf

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  • Publié le Mai 09, 2022
  • Catégorie Religion
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