140 DISCOURS SUR LE PSAUME CXL. SERMON AU PEUPLE. LA CHARITÉ. Les vérités du sa
140 DISCOURS SUR LE PSAUME CXL. SERMON AU PEUPLE. LA CHARITÉ. Les vérités du salut sont répétées sous des formes variées pour les soustraire à l’ennui. Aimer Dieu et son prochain t rien de plus simple que ce précepte, qui renferme néanmoins la loi et les Prophètes, qui est tout le christianisme, qui vivifie, tandis que l’amour des méchants est une glu qui les perd. Le Christ est la fin de la loi, et l’objet de la loi c’est la charité émanant d’un coeur pur, ce qui fait qu’elle n’existe point chez les méchants. Or, aimer le prochain selon Dieu, c’est la vraie charité à laquelle se réduit tonte l’Ecriture, c’est-à-dire au Christ qui parle dans notre psaume. S’il y a quelque chose qui puisse paraltre indigne de lui, cela s’applique à son corps qui lui est uni. C’est donc au nom de tous ses membres qu’il crie vers Dieu, surtout à son agonie, et que l’Eglise crie jusqu’à la fin du monde. Cette élévation des mains, comme le sacrifice du soir, c’est la mort de Jésus sur la croix et vers le soir : il parlait alors au nom des hommes dont Dieu s’était éloigné à cause de leurs péchés. Si donc il parle des péchés, parce qu’il s’en est fait la caution, qui d’entre ses membres se croira sans péché ? Il veut à sa bouche non une barrière, mais une porte, afin de confesser ses fautes ; de ne point chercher à les défendre, comme ceux qui se justifient eux-mêmes, comme le Pharisien, moins juste que la pécheresse. Cette malheureuse accuse ses fautes et ne les rejette pas sur Dieu, comme tant d’autres, comme les élus des Manichéens, qui rejettent leurs fautes sur la race ténébreuse, combinée avec la substance divine, d’où la créature dont ils sont une portion. Dès lors le mal en eux vient de cette race, et eux sont innocents. Ils craignent d’ouvrir la terre au moyen de la charrue, de peur de déchirer Dieu lui-même ; ils sont ainsi les sauveurs de Dieu. Le juste me réprimera dans sa miséricorde, c’est-à-dire par charité, et je n’écouterai point tes flatteries des pêcheurs, ma gloire sera dans le témoignage de ma conscience. Soyons sévères contre nous, afin que Dieu nous épargne, haïssons ce que nous avons mis en nous, et dès lors nous serons en partie justes parce que nous goûterons la loi de Dieu, et en partie pécheurs, parce que nous ressentirons dans nos membres la loi de la chair. Essayons de nous réformer à l’image de Dieu ; châtions notre chair qui est pour nous comme une épouse, afin de la recevoir un jour purifiée et immortelle. Que les louanges des pécheurs ne nous amollissent point, bientôt ils se prendront à dire : Remettez-nous nos dettes. C’est là que tout homme doit en venir, en évitant d’abord les fautes graves, puis les fautes journalières de la langue, puis enfin les imperfections dans b prière. Quant aux impies, que sont leurs sages comparés à la pierre ou au Christ, dont la parole prévaudra ; parole qui envoie les agneaux au milieu des loups, et ces agneaux sont morts à la suite de leur maître, et leur sang que l’on méprisait a fécondé l’Eglise. Quant à ceux qui ont manqué de courage, comme Pierre, ils en appellent à Dieu, mais ne l’accusent point et pleurent leur faute. Le Seigneur a prédit ces défaillances quand il a dit : Je suis seul jusqu’après mon passage, et après ce passage ou la Pâque, j’attirerai toutes choses à moi ; car le grain de froment sera tombé en terre pour y mourir, et alors il portera son fruit. 1. Tout à l’heure, quand on lisait l’Epître, vous avez entendu, mes frères, ce que l’Apôtre nous conseille et nous demande : « Persévérez », dit-il, « et veillez dans la prière, priant aussi pour nous, afin que Dieu nous ouvre une porte à la prédication de sa parole, afin que j’annonce le mystère de Jésus-Christ, et que je puisse le manifester comme il convient 1». Permettez qu’à mon tour j’use de ces mêmes paroles; car il y a dans les saintes Ecritures de profonds mystères qui sont voilés pour n’être point avilis, que l’on recherche pour s’exercer, et que l’on nous découvre pour nous servir de nourriture. Le psaume que nous venons de chanter est obscur en beaucoup d’endroits. Quand nous l’examinerons avec le secours du Seigneur, pour en tirer les vérités qu’il cache, vous reconnaîtrez dans mes paroles ce que vous connaissez déjà, mais ce qui est répété sous bien des formes, afin que la variété de 1. Coloss. IV, 2-4, 186 l’expression sauvegarde la vérité contre tout ennui. 2. Que pouvez-vous, mes frères, apprendre et connaître de plus grand, de plus salutaire que ceci : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit; et tu aimeras ton prochain comme toi-même? » De peur que ces deux préceptes ne vous paraissent peu considérables, « voilà », dit le Sauveur, « qu’ils renferment la loi et les Prophètes 1 ». Tout ce que l’on peut dès lors, ou concevoir d’utile dans l’esprit, ou proférer de la langue, ou tirer de quelque page des livres sacrés, n’a d’autre but que la charité. Or, cette charité n’est point chose commune. On dit aussi des méchants qu’ils sont liés entre eux par l’association d’une conscience criminelle; on dit qu’ils s’aiment, qu’ils ne peuvent se séparer, qu’ils prennent plaisir àconverser ensemble, qu’ils se recherchent en cas d’absence, qu’ils se réjouissent dès qu’ils se retrouvent. C’est l’amour infernal; il est comme une glu qui ne peut que nous faire tomber, il n’a point d’ailes pour nous élever au ciel. Quelle est donc la charité que l’on distingue et qui se détache de tout ce que l’on appelle amour? Cette charité véritable est propre aux chrétiens, et saint Paul l’a définie, et bien qu’elle soit divine et dès lors infinie, il la circonscrit dans des limites qui la séparent de tout autre amour. « La fin de la loi », dit-il, « est la charité ». Il pouvait s’en tenir là, comme en d’autres endroits, parlant à des hommes instruits, il disait : «La plénitude de la loi, c’est la charité 2». Il ne dit point quelle charité; il n’en dit rien ici, parce qu’il l’a dit ailleurs. On ne saurait, on ne doit pas dire tout et à toute heure. Il dit donc simplement : « La plénitude de la loi, c’est la charité ». Qu’est-ce que la charité, diras-tu? Quelles qualités doit-elle avoir? Ecoute un autre passage : « La fin du précepte est la charité émanant d’un coeur pur ». Voyez maintenant si cette charité qui émane d’un coeur pur existe parmi les voleurs. Un coeur pur dans la charité, c’est l’amour de l’homme selon Dieu; puisque c’est ainsi que tu dois t’aimer toi-même, afin que la règle soit juste : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même». Si tu n’as pour toi qu’un amour mauvais et inutile, quel avantage reviendra-t-il à ton 1. Matth. XXII, 37-40. — 2. Rom. XIII, 10. prochain quand tu aimeras de la sorte? Or, comment t’aimeras-tu d’un amour mauvais? L’Ecriture nous l’insinue, elle qui ne flatte personne, qui te convaincra que, loin de t’aimer, tu vas même jusqu’à te haïr. «Celui- là hait son âme », dit- elle, « qui aime l’iniquité ». Crois-tu donc qu’aimer l’iniquité, ce soit t’aimer toi-même? Illusion, mou frère. Aimer ainsi le prochain, c’est le conduire à l’iniquité, et ton amour sera pour lui un piège. Donc «la charité qui est selon Dieu vient d’un coeur pur,d’une bonne conscience, d’une foi sans déguisement ». La charité ainsi définie par l’Apôtre a deux préceptes: l’un d’aimer Dieu, l’autre d’aimer le prochain. Ne cherchez rien autre chose dans l’Ecriture, et que nul ne vous enseigne un autre précepte. Un passage de l’Ecriture a-t-il de l’obscurité, la charité y est assurément recommandée : dans un passage clair, on trouve la charité clairement. Si l’ Ecriture n’était jamais claire, elle ne serait point une pâture; si elle n’était obscure, elle ne serait point un exercice. Cette charité crie d’un coeur pur, d’un coeur semblable à celui qui parle dans notre psaume; et pour vous le dire en un mot, c’est le Christ. 3. Vous entendrez néanmoins ici des paroles qui vous paraîtront indignes de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et un homme peu instruit nie croira téméraire d’avoir dit que c’est le Christ qui est l’interlocuteur de notre psaume. Comment, en effet, peut-on entendre de Notre. seigneur Jésus-Christ, de cet Agneau sans tache en qui seul on ne trouve point de péché, qui seul a pu dire en toute vérité : « Voici le prince du monde, mais il ne trouvera rien en moi 1»,c’est-à-dire aucune faute, aucun péché; lui qui seul a payé ce qu’il n’avait point dérobé 2; qui seul a versé un sang innocent, ce Fils unique de Dieu, uploads/Religion/ saint-augustin-discours-sur-les-psaumes-ps-140-la-charite.pdf
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- Publié le Nov 15, 2022
- Catégorie Religion
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