Revue des Sciences Religieuses Note sur la divinisation chez saint Augustin Hen

Revue des Sciences Religieuses Note sur la divinisation chez saint Augustin Henry Chadwick Citer ce document / Cite this document : Chadwick Henry. Note sur la divinisation chez saint Augustin. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 76, fascicule 2, 2002. pp. 246-248; doi : https://doi.org/10.3406/rscir.2002.3625 https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_2002_num_76_2_3625 Fichier pdf généré le 02/05/2018 Revue des sciences religieuses 76 n° 2 (2002), p. 246-248 NOTE SUR LA DIVINISATION CHEZ SAINT AUGUSTIN On peut lire parfois des exposés hostiles à la théologie de S. Augustin, ils sont rédigés la plupart du temps par des théologiens orthodoxes ou des sympathisants. L'épais dossier, conçu et dirigé par Patrie Ranson (Paris, l'Âge d'homme, 1988) en est un exemple frappant. Il consacre un chapitre au « lourd sommeil dogmatique de l'Occident », où il affirme (p. 33) « l'absence de toute doctrine de la divinisation dans la théologie de S. Augustin », citant à l'appui Théo- clète de Saint-Denys (Athos) pour dire que « le Dieu des Latins et des Philosophes est si inaccessible, si imparticipable, que tout contact réel avec ses créatures est absolument impensable ». Les affirmations de M. Ranson ne témoignent pas seulement d'un refus, mais d'un réel manque de familiarité avec les écrits d'Augustin qui contiennent un nombre considérable d'affirmations en faveur de la divinisation, terme qu'il pensait venir de l'Écriture, en particulier du Psaume 81, avec quelques petits arrangements. L'aspiration à connaître la béatitude dans le repos (deifîcari in otio) est bien connue dès la Lettre 10, 2. Dans la Cité de Dieu XXIII, 4, Augustin cite Porphyre, lorsqu'il établit une équivalence entre l'imitation de Dieu (concept qui vient du Théétète de Platon, 176) et la divinisation : imitatio deificat affectionem ad ipsum operando. Plotin (Ennéade VI, 9.9.56-60) montre combien cette idée allait être reprise par les philosophes néoplatoniciens. Le Commentaire de Proclus sur le Timée (III, 231.6 ; 245.20) et son exégèse du Parménide (948, 23 Cousin) s'opposent à l'idée que les âmes sont naturellement divines. On ne peut douter que le De vera religione ait été fortement influencé par le langage de Porphyre, même si ce n'est pas tout à fait certain, mais on voit un argument qui va en ce sens dans le passage (46, 86) où il écrit : « il ne l'envie donc pas d'être (Dieu) ce qu'il est ». Que Dieu n'ait aucun désir est une thèse habituelle chez Platon, en particulier dans le texte, souvent cité du Timée (29). Par conséquent, on ne peut discuter le fait que Dieu hésiterait à conférer une dignité suprême à ses créatures dotées de raison. NOTE SUR LA DIVINATION CHEZ SAINT AUGUSTIN 247 Dans l'un des Sermons de Mayence (M 13 = D 6), découverts et publiés pour la première fois dans la Revue des Études Augus- tiniennes (39 (1993), p. 97) par François Dolbeau, puis réédités dans ses : Vingt-six Sermons au peuple d'Afrique (Paris, IEA, 1996, p. 459), Augustin commente le verset du Psaume 81 (82) («À l'assemblée divine, Dieu préside ») que la communauté d'Hippone chantait avec tout le peuple de l'alliance pour le peuple grec. Certains parmi les chrétiens, explique-t-il, comprenaient le grec, mais pas tous. (Leur maîtrise du grec venait sans doute des échanges commerciaux entre Hippone et l'Orient; certains d'entre eux devaient être des Orientaux, employés par les marchands). On lit dans le commentaire du Psaume : «Dieu ne veut pas seulement nous donner la vie, mais aussi nous diviniser ». Si cela est confronté à l'incrédulité, Augustin répond que Dieu est fidèle à ses promesses et qu'il est tout-puissant. Il est encore plus incroyable que Dieu soit devenu homme par son Incarnation. Par nature, il n'est pas mortel, pas plus que nous ne sommes par nature immortels. Si Dieu peut devenir homme, alors, il est certain qu'il peut diviniser les mortels. Le Commentaire du Psaume 49 (50), 2 tient le même langage. La phrase Dieu des dieux {Deus deorum) dans le premier verset amène Augustin à citer en parallèle le Psaume 81 (82), en particulier le verset 6 : « Vous êtes des dieux et les fils du Dieu Très-Haut, vous tous ». « Cela est donc manifeste parce qu'il a dit aux hommes qu'ils sont divinisés par sa grâce et qu'ils ne sont pas nés de la substance de Dieu ». La justification est l'œuvre de Dieu. « Est Dieu celui qui divinise par lui-même et non par la participation à un autre. Lui-même divinise, parce qu'il a fait de ses fils des dieux en les justifiant ». Le texte du Psaume 81, 6 est cité dans le même sens dans la Cité de Dieu IX, 23. La participation à la vie divine est, pour Augustin, le cœur même de la Rédemption. Dans la Cité de Dieu (XXI, 16), il emploie l'expression : participes divinitatis suae (participants de sa divinité) comme synonyme de salut, de même, dans le Commentaire du Psaume 44, 21, dans les Homélies sur l'Évangile de Jean 60,51... Dans quelques textes, il dit que : «Dieu devient homme pour que les hommes deviennent des dieux » (par exemple, dans les Sermons 192, 1 ; 166, 4). Augustin entoure ses propos de certaines réserves, quand il dit, par exemple, que l'âme rachetée, divinisée n'est pas égale à Dieu, mais qu'elle peut par grâce participer à la vie de Dieu. « Nous ne pouvons être la vie qu'est la Christ, mais nous pouvons y participer » {Homélie sur l'Évangile de Jean 70, 1). 248 HENRY CHADWICK Nous restons des créatures et par conséquent, nous ne pouvon? devenir Dieu, au sens où Dieu est Dieu, mais nous pouvons faire un avec sa chair (Sermon 91, 8). Il n'y a pas de doute qu'il soit fait allusion ici au don de l'eucharistie. « La créature ne sera jamais égale à Dieu, même si une parfaite sainteté s'accomplissait en nous. Certains pensent que, dans la vie future, nous serons changés en la substance de Dieu et deviendrons ce qu'il est. Je n'en suis pas convaincu » (De natura et gratia 33, 37). Dans son livre contre Adi- mante (93, 2), il reconnaît que la signification de la divinisation dépasse les pouvoirs humains d'explication rationnelle : « Pour qu'il fasse des hommes des dieux, cela est à comprendre dans un silence divin » (Ut deos homines faciat, divino est intelligenda silentio). Augustin était conscient du fait que certains de ses auditeurs ou lecteurs émettaient des réserves quant au langage de la divinisation. Ce à quoi il répondait (Ep. Ad Parthos II, 14) qu'il n'osait pas parler ainsi de son propre chef. Le langage est celui de l'Écriture dans le Psaume 81 (82), 6, ce qui, pour lui, règle la question de cette légitimité. D'autres témoignages pourraient aisément être recueillis sur ce thème. Nous nous contenterons de citer le manuscrit de J.A.A. Stoop, Die deificatio hominis in dis Sermones en Epistulae van Augustinus, Leiden, 1952 ; la communication de V. Capanaga, « La déification en la soteriologia Agostiniana» (AM II, p. 745-754) au Congrès augustinien de Paris de 1954 et l'article bien connu du Prof. Gerald Bonner dans le Journal of Theological Studies de 1986. Henry Chadwick Université d'OxFORD, Christ Church uploads/Religion/ rscir-0035-2217-2002-num-76-2-3625.pdf

  • 23
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mai 02, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.3069MB