44 DISCOURS SUR LE PSAUME XLIV. PRÊCHÉ AU PEUPLE DE CARTHAGE 1 L’ÉPITHALAME DE

44 DISCOURS SUR LE PSAUME XLIV. PRÊCHÉ AU PEUPLE DE CARTHAGE 1 L’ÉPITHALAME DE L’ÉGLISE Ce psaume est pour les fils de Coré ou du Chauve; mais à ce propos, gardons- nous de ressembler aux enfants qui insultaient à Elisée, soyons enfants, mais par l’innocence. Ce psaume est pour ceux qui se convertiront et pour le bien-aimé. Ce bien-aimé est le Verbe fait chair, — sa beauté, sa bonté, — sa puissance créatrice, — sa promptitude, — la grâce de ses lèves, — son glaive ou sa parole, qui divise le fils contre le père, — son humanité qui nous attire, — sa justice, sa vérité, sa douceur, son trône éternel, son sceptre qui nous redresse, l’onction qui le fait le Christ. — Vêtement de l’Epouse ou de l’Eglise, une dans sa foi; avec la variété des langues, — elle est la bonne odeur du Christ pour la vie et pour la mort. — Ses palais ou les coeurs des saints. — Les filles des rois sont les filles des Apôtres converties ou engendrées au Christ. Beauté intérieure de la reine. — Les filles des rois viennent après elle avec des présents ou des oeuvres de charité. — Les évêques successeurs des Apôtres. Beauté extérieure, ou bon exemple. 1. Je vous conjure, mes frères, d’apporter autant d’attention pour considérer ce psaume avec nous, que nous avons mis de joie à le chanter avec vous. On le chante en effet aux saintes épousailles de 1’Epoux et de l’Epouse, roi et du peuple, du Sauveur et de ceux qu’il doit sauver. Celui qui vient à ces noces avec la robe nuptiale, cherchant la gloire de l’Époux, et non la sienne propre, apporte non-seulement cette attention que donnent les hommes qui aiment les spectacles sans en donner eux-mêmes, mais il grave ces paroles dans son coeur, afin qu’elles n’y demeurent point stériles, qu’elles y germent au contraire, qu’elles éclosent, qu’elles croissent, qu’elles mûrissent un fruit que Dieu puisse récolter. C’est pour nous que le psaume doit se chanter, pour nous qui devons être les fils de Coré, comme l’indique le titre. Ces fils de Coré étaient des hommes ; et toutefois, pour l’homme spirituel, toute inscription de l’Ecriture une signification qu’il ne suffit pas d’écouter, mais qu’il faut comprendre. Nous cherchons dans l’hébreu la valeur de ce mot et les interprétations de toutes les expressions de l’Ecriture nous enseignent que les fils de Coré signifient les enfants du Chauve. Gardons-nous de railler ce nom, de peur qu’on ne trouve en nous ces moqueries 1. Dans le manuscrit de Corbie on lit ce titre : V des nones de septembre, le mercredi, ce discours fut prononcé dans la basilique Restituée, sur le psaume XLIV. Or, au greffe de cette basilique on trouve que plusieurs conciles de Carthage y furent célébrés, entre autres le grand concile, qui eut lieu l’an 401, le 13 septembre. Les vieux manuscrits de Reims portent le même titre que celui de Corbie. enfantines des jeunes gens qui insultaient le prophète Elisée, comme nous lisons au livre des Rois, et qui criaient derrière lui : « Monte, chauve, monte, 1 ». Telle était la stupide insolence de ces enfants qui le maudissaient à leur propre perte ; des ours sortis de la forêt les dévorèrent. Voilà ce qui est écrit, nous vous avons cité l’endroit : «ux qui ont de la mémoire peuvent s’en souvenir; ceux qui ne s’en souviennent point peuvent lire; et ceux qui ont lu doivent croire. Quel était pour l’avenir le sens de cette figure, c’est là ce que nous devons éviter. Ces enfants étaient la figure de ces hommes insensés, dont l’ignorance est l’apanage; ce que l’Apôtre veut éloigner de nous quand il dit: « Ne soyez point sans discernement comme les enfants 2». Et parce que le Seigneur nous avait invités à imiter les enfants quand il prit l’un d’eux devant lui et qu’il dit : « Si quelqu’un ne devient comme cet enfant, il n’entrera point dans le royaume des cieux 3 », l’Apôtre a soin de nous détourner de l’ignorance des enfants, et de recommander leur simplicité à notre imitation : « Gardez-vous », nous dit-il, « de l’ignorance des enfants, mais soyez comme eux sans malice, « afin que par la prudence vous deveniez des « hommes faits ». Que celui qui se plaît à imiter les enfants, mette son plaisir dans leur simplicité et non dans leur ignorance. Ceux- ci donc, dans leur ignorance, insultaient au saint de Dieu qui était chauve, et criaient 1. IV Rois, II, 23. — 2. I Cor. XIV, 20. — 3. Matt. XVIII, 2, 3. 472 derrière lui : « Chauve, chauve ! » Ils furent dévorés par les bêtes, et figuraient ces hommes qui devaient imiter leur folie enfantine en raillant un certain chauve crucifié au Calvaire 1. Ceux-là aussi devinrent la proie des bêtes ou des démons, du diable et de ses anges, qui agissent parmi les hommes de l’incrédulité. Telle était la folie de ceux qui, devant le bois sacré de la croix, s’écriaient en branlant la tête : « S’il est Fils de Dieu, qu’il descende de la croix 2 ». Or, nous sommes les enfants de ce chauve, si nous sommes les fils de l’Epoux; c’est pour nous qu’est écrit ce psaume dont le titre porte: « Aux fils de « Coré, pour ceux qui doivent changer 3 ». 2. Qu’ai-je besoin d’exposer le sens de ces paroles : « Pour ceux qui doivent changer? » Que puis-je vous dire? Quiconque a changé le comprend. A ces paroles : « Pour ceux qui doivent changer », qu’il voie ce qu’il était jadis et ce qu’il est maintenant. Qu’il voie d’abord le changement opéré dans le monde, qui naguère adorait les idoles, et qui maintenant adore le vrai Dieu; qui naguère servait l’ouvrage de ses mains, et qui sert maintenant Celui dont il est l’ouvrage. « Pour ceux qui ce doivent changer ». Voyez en quel temps fut dite cette parole. Un reste de païens voit avec stupeur ces grands changements; et ceux qui ne veulent point changer voient nos églises remplies et leurs temples déserts ; ici de grandes solennités, là une grande solitude. Ils admirent le changement, qu’ils lisent la prophétie, qu’ils prêtent l’oreille à celui qui fait les promesses et qu’ils croient à celui qui les accomplit. Mais chacun de nous aussi, mes frères, a passé du vieil homme à l’homme nouveau; que d’infidèle il devienne fidèle; d’avare, libéral; d’adultère, homme chaste; de méchant, bienfaisant. Qu’il soit donc notre psaume, cet hymne que l’on chante pour ceux qui seront changés, et qu’il commence par nous décrire celui par qui tout est changé. 3. Le titre est donc: « Pour ceux qui doivent changer, intelligence aux fils de Coré, cantique pour le bien-aimé 4 ». Ce bien-aimé a été vu par ses persécuteurs, mais non pour en être compris. « Car s’ils eussent connu le Seigneur, ce Roi de gloire, ils ne l’eussent point crucifié 5 ». C’était pour cette intelligence que lui- même cherchait d’autres yeux 1. Matt. XXVII, 33. — 2. Id. 39. — 3. Ps. XLIV, 1. — 4. Ibid. — 5. I Cor, II, 8. quand il disait: « Celui qui me voit voit aussi mon Père 1 ». Que le psaume relève ici ses louanges; réjouissons-nous de ces noces et nous serons aussi de ceux qui entrent eux-mêmes dans ces saintes épousailles, qui y sont invités, et où les invités sont l’Epouse même. Car cette Epouse est l’Eglise, et 1’Epoux est le Christ. Les jeunes étudiants chantent parfois aux hommes et aux femmes qui se marient, des vers appelés épithalames; tout ce qui est chanté l’est à la gloire de l’époux et de l’épouse; or, dira-t-on que dans ces noces du Christ où nous sommes invités, il n’y a pas un thalamus ou lit nuptial? D’où vient alors cette parole d’un autre psaume: « Il a placé sa tente dans le soleil, et lui-même est comme l’Epoux qui sort de son lit nuptial 2 ? » L’union conjugale, c’est le Verbe uni à la chair; et le lit où s’est opérée cette union est le sein de la Vierge. C’est là que la chair a été unie au Verbe, et de là vient cette parole: « Ils ne sont plus deux, mais une seule chair 3 ». L’Eglise a été tirée d’entre les hommes, afin que cette chair unie au Verbe devînt la tête de l’Eglise, et que les membres de cette tête fussent tous ceux qui croiront. Veux-tu voir en effet celui qui est venu à ces noces? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu4 ». Que cette Epouse se réjouisse, elle qui est aimée de Dieu. Quand l’aime-t-il ? quand elle est encore souillée. « Tous ont péché , dit l’Apôtre, ce et ont besoin de la gloire de Dieu 5». Et encore : « Le Christ est mort pour les pécheurs uploads/Religion/ saint-augustin-discours-sur-les-psaumes-ps-44-l-x27-epithalame-de-l-x27-eglise.pdf

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  • Publié le Aoû 28, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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