LA RECEPTION DE LA PHILOSOPHIE BYZANTINE ET LA PENSEE THEOLOGIQUE ET PHILOSOPHI

LA RECEPTION DE LA PHILOSOPHIE BYZANTINE ET LA PENSEE THEOLOGIQUE ET PHILOSOPHIQUE DU MOYEN AGE SERBE (XIIIe-XVIIe SIECLE) PAR BOSKO BOJOVIC Issue de l’héritage littéraire slavo-byzantin, la littérature médiévale serbe dans sa plus majeure partie fait partie de l’aire de civilisation byzantine. La pensée religieuse, omniprésente au Moyen Age, tient en Serbie par conséquent essentiellement de la réception de la littérature byzantine, héritière de la théologie de l’Orient chrétien. Les textes bibliques, liturgiques, canoniques, hagiographiques et patristiques qui avaient été transmis par le courant cyrillo-méthodien ont été très tôt diffusés sur les territoires où apparut au XIIe siècle la variante serbe de la langue littéraire slave. L’hégémonie politique byzantine, puis pendant une courte période bulgare, la constitution d’un premier royaume assorti d’un archevêché d’obédience romaine dans la partie occidentale (fin du XIe siècle), et surtout, l’absence jusqu’au début du XIIIe siècle de toute autonomie diocésaine dans la partie placée sous obédience de l’Eglise orthodoxe expliquent cette apparition tardive de l’expression linguistique et littéraire propre au Moyen Age serbe. Ce creux institutionnel peut donc expliquer le peu de témoignages textuels pouvant attester le début de manifestation des particularités dialectales et phonétiques qui caractérisent la rédaction serbe du vieux-slave. Le fait que les premiers manuscrits dont nous disposions, L’Evangéliaire de Marie (Xe-XIe s.)1, Evangéliaire de Vukan (fin XIIe s.)2, et surtout l’Evangéliaire de Miroslav (v. 1185)3 qui se caractérisent par une orthographe et des particularités dialectales bien établies issues de la prononciation et de la morphologie serbo-slave, témoignent néanmoins d’une longue tradition locale dans la transmission manuscrite des textes ecclésiastiques. La fin du XIIe et surtout le début du XIIIe siècle voient apparaître les premiers textes autochtones (originaux) issus à cette époque du cercle restreint d’une famille régnante, représenté par le grand joupan de Serbie, Stefan Nemanja (1166-1196), avec ses deux fils, Stefan le Premier Couronné (1196-1228) et Sava le premier archevêque de l’Eglise autocéphale de Serbie (1220- †1235). Les chartes princières, avec leurs préambules de théologie politique, les Règles monastiques, les textes hagiographiques, liturgiques et surtout le grand recueil du droit canon, le Nomokanon (Zakonopravilo) de Sava Ier, plus quelques textes épistolaires constituent l’héritage littéraire de cette première période. Avant d’aborder plus en détail la création littéraire et la pensée théologique qui en découle, il convient d’esquisser les voies de réception de cette pensée issue essentiellement du riche héritage de la théologie de l’Orient chrétien. La littérature serbe du Moyen Age exprime sa pensée théologique en premier lieu dans les textes liturgiques (les acolouthies) et hagiographiques attachés aux cultes des saints de l’Eglise de Serbie, ainsi que dans les adaptations des recueils du droit canon aux exigences de l’Eglise locale. Les autres genres de textes tels que ceux qui sont développés notamment par les docteurs de l’Eglise, sont transmis sous formes de traductions avec leurs compilations dans les recueils des pères de l’Eglise. Dans un premier temps, ces recueils furent repris 1 Ed. V. Jagiç, Quattuor evangeliorum versionis palaeo slovenicae codex Marianus glagoliticus, Berlin-St. Peterburg 1883 (repr. Graz 1960). 2 Ed. phototypique avec étude, J. Vrana, Vukanovo jevan$exe, Belgrade 1967. 3 Ed. phototypique Lj. Stojanoviç, Miroslavljevo jevandjelje, Vienne 1897, nouvelle édition, Belgrade 1998; voir l’étude: J. Vrana, L’Evangéliaire de Miroslav, Gravenhage 1961. 2 directement à partir des traductions antérieurement effectuées dans la foulée du grand courant cyrillo-méthodien, c’est-à-dire qu’ils furent recopiés à partir de l’éventail déjà considérable de la littérature slavo-byzantine. 3 SAVA IER — ARCHEVEQUE DE SERBIE (1219-1234) Troisième fils du grand joupan de Serbie, Stefan Nemanja (1165-1196), Rastko, né vers 1175, quitte la région de Hum vers 1191 pour se rendre au Mont Athos afin de se faire moine. Le jeune prince avait, selon ses biographes, quitté la principauté de Hum qui lui avait été confiée par son père pour suivre un moine athonite russe qui était venu en Serbie faire la quête pour son monastère. C’est pourquoi le prince Rastko s’était installé dans un premier temps au monastère russe, ou il avait fait ses premièrs pas dans la vie monastique, avant de se rendre dans le grand monastère athonite de Vatopédi ou il avait prononcé ses vœux sous le nom de Sava. C’est à Vatopédi que, le 2 novembre 1197, il fut rejoint par son père, qui avait abdiqué en mars 1196 en faveur de son deuxième fils Stefan, gendre de l’empereur byzantin Alexis III Ange (1195-1203), pour se faire moine sous le nom de Siméon dans sa fondation pieuse, le monastère de Studenica. Après avoir généreusement gratifié plusieurs monastères athonites, le père et le fils quittent Vatopédi pour fonder le monastère serbe du Mont Athos, Chilandar, en 1198. Cette œuvre importante fut entreprise avec l’assentiment de la communauté athonite, avant de recevoir un premier acte impérial (sigilium à bulle d’or) au printemps 1198, puis un chrysobulle d’Alexis III, délivré en juin de la même année, par lequel le monastère avec sa propriété foncière sont accordés pour l’éternité à la Serbie en tant que fondation pieuse de sa maison régnante4. L’acte de fondation de ce monastère, qui devra jouer un rôle fort important dans l’intégration de la Serbie dans la spiritualité et dans la culture byzantine, est délivré par Stefan Nemanja devenu moine Siméon, en 1198, pour être confirmé deux ans plus tard par son successeur sur le trône de Serbie, Stefan Nemanjiç. L’ex grand joupan meurt à Chilandar le 13 février 1200; son corps, enseveli dans l’église du monastère, sera transféré par Sava en 1207 en Serbie, pour reposer désormais dans la fondation pieuse de Studenica dont la grande église, érigée en 1186, devient le lieu de vénération des reliques du fondateur de la dynastie némanide, alors que son culte avait, semble-t-il eu une amorce de reconnaissance liturgique à Chilandar dès avant son transfert en Serbie. Le séjour de Sava en Serbie après 1207 acquiert une importance considérable, car son travail d’organisateur et de législateur de vie monastique à Studenica, dont il prend la direction en tant qu’archimandrite (dignité reçue en 1203 à Thessalonique), ce qui représente la préparation annonçant la prochaine organisation de l’Eglise de Serbie. Alors que l’occupation latine de Constantinople avait bouleversé les rapports de forces dans les Balkans, Stefan Nemanjiç reçoit en 1217 une couronne royale envoyée par le pape Honoré III. Deux ans plus tard (1219), Sava se rend à Nicée, devenue capitale de ce qui subsistait de l’empire byzantin en Asie Mineure, afin d’être consacré premier Archevêque de Serbie par le patriarche œcuménique Manuel Sarentenos, avec l’approbation de l’empereur Théodore Ier Lascaris (). Rentré en Serbie, Sava se consacre désormais à l’organisation de la jeune Eglise autocéphale et déploie une importante activité évangélisatrice et législative. Lors de l’Assemblé (Sbor) de Serbie en 1200 à §iéa, siège de l’archevêché qui venait d’être construit par les soins de Sava et de son frère le grand joupan Stefan, il procéda à l’ordination des évêques dont les diocèses se multiplieront pour atteindre bientôt le nombre de douze évêchés repartis sur tout le territoire de Serbie. En 1229-1230, l’archevêque Sava entreprend un premier pèlerinage en Terre Sainte et dans le Proche-Orient. Avant son deuxième voyage en Palestine (1233-1235), il abdique 4 Radmila Marinkoviç, “Gréke povexe o osnivaqu srpskog Hilandara” (Les chartes grecques sur la fondation de Chilandar), in Hilandar u osam vekova srpske kqiàevnosti (Chilandar et huit siècles de littérature serbe), Belgrade 1999, p. 5-15. 4 en transmettant sa chaire à son disciple Arsène Ier. Sur le chemin de retour, alors que via Nicée il s’était rendu en Bulgarie en accomplissant semble-t-il une importante mission diplomatique dans le but de reconnaissance de l’autocéphalie de l’Eglise de Bulgarie, il meurt le 14 janvier 1335 à Tarnovo, capitale du deuxième royaume bulgare. Ensevelies dans l’église des 40 Martyrs de Tarnovo, ses reliques furent transférées en 1237 en Serbie par les soins du roi Vladislav (1234-1243), pour reposer désormais dans l’église du monastère de Mileèeva, fondation pieuse de son neveu, Vladislav le deuxième fils de Stefan Nemanjiç dit Prvovenéani (le Premier Couronné). L’organisation de l’Eglise de Serbie et de la vie monastique exigeait un important travail de rédaction, de compilation et de traduction. L’œuvre de Sava dans ce domaine est d’une importance capitale puisqu’elle marque les débuts de l’activité législatrice et littéraire à la base de la civilisation serbe du Moyen Age. La charte de fondation de Chilandar (1198), avec notamment son préambule à la fois littéraire et idéologique, est attribuée à Sava par bien des spécialistes, même si elle fut signée par son père et en tout cas écrite en son nom. Même si aucune preuve décisive n’a pu être apportée en ce sens, il est impensable qu’un tel document ait pu être rédigé sans un apport plus ou moins important du jeune fils du signataire alors qu’il partageait systématiquement toutes les initiatives de son père venu le rejoindre au Mont Athos. Ce texte marque, en tout état de cause, le début d’une longue série de préambules diplomatiques qui forment un genre à part entière de la littérature médiévale en Serbie. L’œuvre législatrice de Sava commence véritablement avec la rédaction du Typikon de Karyès. C’est un remaniement de uploads/Religion/ theologie-serbe-byzantine.pdf

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  • Publié le Apv 22, 2022
  • Catégorie Religion
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