1 Théologie trinitaire de Saint Athanase d’Alexandrie Introduction Saint Athana

1 Théologie trinitaire de Saint Athanase d’Alexandrie Introduction Saint Athanase d’Alexandrie, que très vite on appellera « Athanase-le-Grand »1, s’inscrit, du point de vue de sa pensée théologique, dans la lignée des grands théologiens qui ont fait la gloire de l’ « École d’Alexandrie », Pantène, Clément et Origène. Cependant, Athanase reste plus modeste dans sa réflexion doctrinale ayant à cœur de transmettre à ses fidèles les convictions de foi qui l’habitent et qui animent toute sa vie de pasteur. « Si au point de vue de la spéculation théologique sa valeur est, peut-on dire, nulle, affirmait Cavallera2, au point de vue dogmatique, sa maîtrise est incomparable. Nul au IVe siècle ne me paraît le surpasser pour l’ampleur dans le développement de la doctrine, la richesse de l’information scripturaire et, en dépit des défauts qui lui sont communs avec son temps, l’à-propos de ses citations bibliques ; surtout par la profondeur de sens chrétien qui lui fait comme naturellement chercher, en toute doctrine, le côté par où elle pénètre jusqu’au plus intime de l’âme pour la vivifier, l’exciter, rénover en elle la vie spirituelle et l’énergie pour le bien ». Théologie de la Trinite Grand catéchiste et ayant un cœur de pasteur pour le peuple à lui confié par la Providence, Saint Athanase n’hésite jamais à mettre toutes ces énergies pour défendre la foi que les environs trois cent pères réunis en concile à Nicée, en 325, ont signée. Défenseur acharné de la foi traditionnelle, il permit le triomphe de l’orthodoxie contre toute tentative d’enterrer le Symbole nicéen. Souvent, il est confronté aussi au pouvoir impérial qui voulait mettre la foi de l’Église au service des intérêts de l’État. Parfois seul contre tous, l’évêque alexandrin lutte pour la défense de la vérité en s’appuyant sur le témoignage plein de courage des apôtres du Christ. Ils ont témoigné, jusqu’au sacrifice du martyre, que le Christ, Verbe, Sagesse et Puissance de Dieu, par philanthropie, s’est fait chair, afin que nous devenions Dieu (cf. Sur l’incarnation du Verbe, 54). Aussi il est tout à fait normal que plusieurs historiens3 et théologiens4 se soient emparés de ce personnage exceptionnel pour mieux comprendre la cristallisation de la foi en la Trinite. 1. Le Père Si nous voulons situer la théologie d’Athanase, nous ne pouvons la séparer de ses débats avec les Ariens. Or sur la doctrine de Dieu le Père il n’y a pas beaucoup de divergences. 1 Kannengiesser, Charles, Le Verbe de Dieu selon Athanase d’Alexandrie, Paris, Desclée, 1991, p. 23. 2 Cavallera, Ferdinand, Saint Athanase, Paris, Librairie Bloud et Cie, 1908, p. 34. 3 Martin, Annick, Athanase d’Alexandrie et l’Église d’Égypte au IVe siècle (328-373), Rome, 1996. 4 Kannengiesser, Charles, Athanase d’Alexandrie évêque et écrivain, Paris, Beauchesne, 1983. 2 L’évêque d’Alexandrie, comme Arius, affirme la divinité véritable de Dieu le Père, seul à ne pas être engendré, seul immuable, seul transcendant, seul incompréhensible, seul immuable, source de toutes choses créées. Le seul point sur lequel diverge Athanase et la doctrine arienne concerne la paternité de Dieu. Dans la théologie arienne, la paternité de Dieu joue un rôle minime. Sa pensée sur Dieu et la génération du Fils coupe de travers la tradition alexandrine concernant le langage trinitaire. Arius préfère garder l’idée d’un Dieu non-engendré comme premier principe et abandonne le concept de l’éternelle corrélativité du Père et du Fils. Dans sa Profession de foi à Alexandre, Arius parle de Dieu en le nommant agenneto, inengendré : Nous reconnaissons un seul Dieu, seul inengendré, seul éternel, seul sans commencement, seul véritable, seul possédant l’immortalité, seul sage, seul bon, juge de tous, gouverneur, administrateur, immuable et invariable, juste et bon, Dieu de la Loi et des Prophètes et de la nouvelle Alliance, qui a engendré son Fils unique avant les temps éternels5. Nous le voyons bien, dans sa déclaration ouverte des prédicats divins, Arius ne fait pas mention de la paternité de Dieu. Celle-ci intervient avant les temps éternels lorsque, par sa volonté, Dieu a décidé de créer le Fils qui l’a fait exister par sa propre volonté, immuable et invariable, créature de Dieu parfaite, mais non pas comme une des créatures, production, mais pas comme un des êtres produits. Dans le seul écrit dogmatique d’Arius, la Thalie6, et dont nous disposons des petits fragments rapportés par Athanase dans le De Synodis, on voit qu’Arius est toujours mal disposer à appeler Dieu Père soit dans sa description formelle de la nature de Dieu soit dans ses discutions sur la génération du Fils. Pour comprendre cette attitude d’Arius, il faut se situer à l’intérieur du contexte de sa conception de Dieu et de la génération du Fils. Il veut à tout prix sauvegarder l’unicité de Dieu, seul inengendré, un concept qu’il emprunte à la philosophie moyen-platonicienne et que ses partisans développent par la suite. Ce système philosophique permet à Arius d’affirmer la création dans les temps éternels du Fils, par conséquent Dieu devient Père dans le temps lorsqu’il engendre son Fils. Athanase doit réagir contre une telle conception de la paternité divine7. Si dans la conception d’Arius, on peut faire abstraction de l’attribut de la paternité de Dieu, cela n’est pas possible pour le docteur alexandrin. Pour lui, la seule possibilité de penser Dieu est de le penser, dès le commencement, comme Père et Fils : La vérité témoigne que Dieu est source éternelle de sa propre sagesse. Si la source est éternelle, forcément la Sagesse, elle aussi doit être éternelle. C’est en elle que tout a été fait comme chante David : Tu as tout fait dans la sagesse (Ps 103, 24). Salomon dit : Dieu a fondé la terre dans la Sagesse, et a préparé les cieux dans la Prudence (Pr 3, 19). Or la Sagesse est le Verbe et par lui, comme dit saint Jean, tout a été fait, et sans lui rien ne s’est fait (Jn 1, 3). Lui-même est le Christ. (CA I, 49, Cavallera, Saint Athanase, p. 54) 5 Boularand, Ephrem, L’hérésie d’Arius et la « foi » de Nicée, Paris, Létouzay & Ané, 1972, p. 49. 6 Athanase, dans le De Synodis, 15, traduit Thalie par « chanson à boire ». En effet il s’agit des chansonnettes qui circulaient à l’époque et qui avaient l’originalité d’être composées des vers facilement à retenir et la musique aidait davantage à la mémorisation. C’est ainsi qu’Arius met sa doctrine en des vers simples sur un air populaire de telle sorte que tous puissent la chanter et la retenir facilement. 7 Widdicombe, Peter, The fatherhood of Gad, Oxford, Clarendon press, 1994, p. 145-158. 3 Les écrits d’Athanase, imbibés des citations bibliques, reflètent la pensée théologique traditionnelle de la foi de l’Église en un Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Avec l’évêque d’Alexandrie, pour la première fois dans la tradition chrétienne, le concept de la paternité de Dieu et sa relation avec le Fils forment une pensée théologique cohérente ayant au centre l’œuvre de salut de l’humanité. La structure théologique d’Athanase permet de distinguer nettement et systématiquement entre la relation du Père et du Fils et entre la relation de Dieu et de la création. Dans sa théologie, le langage de Dieu comme Père décrit d’une part la relation interne dans la nature divine et, d’autre part, par le Fils, la relation de Dieu avec tous ceux qu’il a adopté comme fils. Bref, pour Athanase, le mot Père est un terme trinitaire et sotériologique. Dans la description de la nature divine comme relation Père-Fils, une relation fondamentalement génératrice, il identifie la nature divine comme source de la création : Dieu a suscité toutes choses dans l’être par le Verbe, … il les fait toutes à partir du néant par son propre Verbe, notre Seigneur Jésus Christ, … Il ne créa pas simplement les hommes, comme tous les vivants sans raison qui sont sur la terre ; mais selon son Image il les fit, leur donnant part à la puissance de son propre Verbe : possédant comme des ombres du Logos et devenus « logiques », ils pourraient demeurer dans la béatitude. (DI 3, 1-3). Par de tels propos, Athanase entend balayer la thèse d’Arius selon laquelle Dieu serait devenu Père dans le temps. De son point de vue, la qualification d’Arius ne peut être valable parce qu’elle n’a pas de sens dans un monde où des réalités intermédiaires ne peuvent pas exister. Si on veut rester dans la tradition de l’Église, il faut affirmer la paternité éternelle de Dieu. Le mot Père indique que le commencement divin existe premièrement comme relation Père-Fils. La description de Dieu comme Père est aux yeux d’Athanase, comme aux yeux de ses illustres prédécesseurs Clément, Origène et Alexandre, une donnée irréductible de la foi chrétienne transmise par les Apôtres. 2. Le Fils L’expression qui caractérise le mieux Athanase est amoureux du Verbe de Dieu dont il défend la divinité à tout prix. Il portera dans sa mémoire l’expérience qui marquera à jamais l’histoire de l’Église, le concile de Nicée, en 325. Sans avoir droit de vote, il n’était que diacre, uploads/Religion/ theologie-trinitaire-de-saint.pdf

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  • Publié le Mar 28, 2022
  • Catégorie Religion
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