LA PRIERE THEOLOGALE Un chartreux 1 LA PRIERE THEOLOGALE par un Charteux, Avent
LA PRIERE THEOLOGALE Un chartreux 1 LA PRIERE THEOLOGALE par un Charteux, Avent 1988 Il y a quelques années j'ai essayé de te parler de la prière du cœur. Ce n'était qu'une introduction à un sujet très vaste, trop vaste peut-être, parce qu'il est très simple et nous avons toujours du mal à identifier et à formuler les choses simples. Aujourd'hui je voudrais te parler de la prière théologale, ce qui est en réalité une autre manière d'aborder la prière du cœur. Que signifie cette formule "prière théologale" ? Elle veut évoquer une orientation du cœur qui prend appui sur les trois vertus théologales : la foi, l'espérance et l'amour. Je suppose que cela représente pour toi quelque chose d'assez précis : ce sont, en résumé, les capacités que Dieu nous donne, par grâce, de pouvoir l'atteindre Lui directement. Alors que les autres vertus, les vertus morales, concernent les moyens qui nous aident à cheminer vers Dieu. Nous retrouvons là une orientation essentielle de la prière du cœur. Elle vise directement au cœur de Dieu. C'est mon cœur profond qui est en recherche d'une rencontre directe avec Dieu. Non seulement une rencontre affective, sous forme d'une sorte d'expérience de la tendresse divine qui se fait percevoir à mes besoins les plus profonds, les plus secrets de goûter à un niveau humain la bonté de Dieu. Non pas tellement cela, mais une possibilité qui m'est offerte par le Père : c'est Lui qui vient à moi et, au-delà de tous les moyens ou les intermédiaires, il y a rencontre parce qu'Il le veut bien et m'en donne la possibilité. 2 Mais alors je me demande si tu n'aurais pas envie de m'arrêter tout de suite en me posant la question : "Pourquoi tellement insister sur ce qui paraît une évidence ? Prier c'est chercher Dieu, c'est tendre à la rencontre la plus immédiate possible entre lui et moi dans l'amour". Précisément, il me semble que trop souvent, au lieu de prier de cette manière, nous gaspillons notre temps et nos énergies en des activités qui n'ont peut-être plus que les apparences de la prière. Ce n'est plus Dieu, c'est le moi de chacun qui devient le centre d'intérêt de son agir. Nous en faisons tous l'expérience, mais peut-être sans toujours en tirer les conséquences que cela devrait entraîner. Permets-moi, à titre d'illustration, de te raconter une histoire vécue. Il m'est arrivé dans l'évolution de ma prière une aventure dont je sais que bien d'autres ont fait une expérience analogue et je pense utile d'en dire un mot tellement elle m'a frappé et a orienté toute la suite de mon existence. J'étais alors adolescent ; un jour, apparemment par hasard, je tombe sur un volume des œuvres de Thérèse d'Avila et, sans réfléchir, je me mets à le lire. Je ne sais pas combien de temps cela dura et je suis sûr que des années durant ensuite je n'ai plus lu une page de la grande Sainte Thérèse. Mais cette lecture a transformé mon existence. Elle avait en quelque sorte fait jaillir instantanément une source au fond de mon cœur, une source dont j'aurais été bien en peine de décrire le contenu, mais dont je savais pourtant qu'elle établissait entre mon cœur et Dieu un lien infiniment profond et vrai. Cette source était suffisamment abondante pour envahir toute ma vie et c'est elle qui m'a conduit clans ma cellule de 3 Chartreux où elle répondait à tous les besoins, autant ceux de la solitude que ceux de la liturgie. Je pouvais sans même me poser de questions toujours revenir à ma source sans jamais être déçu. Cependant un jour se dessina puis s'affirma le doute. Cette source : que me donnait-elle ? Répondait-elle vraiment au désir ultime de mon cœur ? Autrement dit, était-ce Dieu que je rencontrais en elle ? Ou bien – et c'est là que la question devenait douloureuse – finalement n'était-ce pas moi que je trouvais, même si à travers cela m'arrivait le reflet de Dieu qui me captivait depuis des années ? La chose devint de plus en plus claire : cette source, ce n'était pas Dieu alors que c'est de Lui seul que j'avais soif. Il me fallait donc abandonner ma chère source ; si cela avait été possible je l'aurais tarie, je l'aurais obstruée, car je la ressentais désormais comme un obstacle : elle prenait dans mon cœur la place de Dieu. Et c'est alors que j'ai découvert la nécessité de trouver le moyen, l'attitude du cœur par laquelle j'ouvrirais la porte directement à Celui qui y frappait depuis si longtemps en vain parce que dans ma prière je m'occupais d'abord de moi-même. Je me suis attardé sur cet épisode pour donner un exemple de ce qui me paraît être un des pièges inévitables de la solitude : sous prétexte de chercher Dieu, finalement se trouver soi-même de manière très pieuse et en faire son bonheur. Comment échapper à ce traquenard ? * * * Une autre difficulté me saute souvent aux yeux, autant dans ma vie personnelle que dans l'existence religieuse de ceux qui m’entourent. Même si les relations que nous entretenons avec 4 notre entourage sont cordiales, il serait difficile d'affirmer que nous sommes toujours prêts à établir avec eux de véritables rapports d'intimité. S'il en est ainsi avec mon frère que je vois, comment imaginer que le même phénomène ne se produise pas également avec Dieu que je ne vois pas ? S'il y a bien un domaine où le sacrement du frère est efficace, c'est celui de la rencontre authentique avec le Seigneur bien-aimé. L'avantage du sacrement du frère est qu'il se situe à un niveau où il nous est difficile de nier un certain nombre d'évidences, qui échappent facilement lorsque dans notre cœur nous nous essayons à préparer les voies du Très-Haut. Or que me dit l'expérience de la rencontre avec mon frère ? Suis-je assez accueillant pour le laisser pénétrer en mon moi profond ? Ou, au contraire, ne suis-je pas bardé de défenses, de blindages, de refus ? Ces forteresses intérieures font partie de ma physionomie secrète ; elles jouent donc nécessairement leur rôle dans la prière et font obstacle à la démarche du Seigneur en quête du chemin qui conduit au sanctuaire intime de mon cœur. Si je regarde maintenant la démarche de rencontre avec mon frère dans l'autre sens, c'est-à-dire lorsque c'est moi qui m'efforce d'aller vers lui, suis-je meilleur joueur ? Je ne le crois pas. Je pense, par exemple, à toutes les formes d'agressivité que d'instinct je mets en œuvre face à tout autre : trop souvent j'adopte une attitude étrangère au respect, à l'attention délicate et aimante, qu'il serait en droit d'attendre de moi. Peut-être est-ce encore une forme de peur de lui ou de moi, mais le fait est que ces réflexes entrent en jeu dans mes relations avec mon frère... et avec le Seigneur. Pardon de m'étendre sur ces considérations qui te paraîtront peut-être fastidieuses ou décourageantes, mais Jésus lui-même 5 nous donne ce conseil : "Avant de se mettre à construire une tour, il faut d'abord s'asseoir et faire ses comptes, de peur de s'engager dans une entreprise qui dépasse nos forces et d'être oblige de laisser l'ouvrage à moitié terminé" (cf. Lc 14.28). C'est pareil dans le cas présent. Ne serait-ce pas une vilaine plaisanterie de parler de construire la tour de la rencontre intime avec Dieu sans même se soucier de savoir si nous avons un terrain libre pour y poser les fondations ? Il est inutile de viser à une rencontre vraie de moi-même avec le Père dans la liberté des enfants de Dieu, si je ne prends pas au départ conscience que je suis ligoté de bien des manières et que m'en libérer représentera une tâche considérable, que finalement seul le Seigneur pourra pleinement réaliser. * * * Vraiment j'ai l'impression de ne pas être pour Dieu un partenaire très attirant. Mais est-ce la réponse qu'Il attend de moi ? Dieu a envoyé son Fils pour me rencontrer moi, tel que je suis, dans la réalité de ce que je vis aujourd'hui. Dès ce point il faut essayer d'avoir une vue de foi de la situation. Le projet de Dieu est-il d'entrer en communion avec des êtres sans tache, sans défaut, sans faiblesse ? Ou bien ne nous dit-il pas juste le contraire ? Le père a envoyé son Fils pour nous prendre sur ses épaules, perdus et blessés que nous sommes, et nous ramener au bercail, où il y a joie immense à voir les pécheurs accueillir Jésus dans leur cœur. Ainsi approchons-nous peu à peu de ce qui constitue la prière théologale : la rencontre en mon être réel d'aujourd'hui avec Dieu qui vient à moi, non pour me repousser, ni pour me 6 condamner, mais pour faire de moi son enfant, né de lui dans la fois : "À ceux qui croient en son Nom, il a donné de pouvoir devenir enfants de uploads/Religion/ un-chartreux-la-priere-theologale.pdf
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- Publié le Jui 30, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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