Michel van Esbroeck L'encyclique de Komitas et la réponse de Mar Maroutha (617)

Michel van Esbroeck L'encyclique de Komitas et la réponse de Mar Maroutha (617) Les deux documents que nous traduisons ici ont été publiés de longue date, mais ils ont été mal signalés dans les divers répertoires.1 A vrai dire, M. Ormanian les avait connus tous les deux, mais son commentaire n'a pas réuni les deux lettres comme elles doivent l'être.2 En outre, M. Ormanian ne semble pas avoir eu à sa disposition le texte complet de la lettre: celle-ci est en effet acéphale dans le Livre des Lettres, à la suite de la chute d'un feuillet du manuscrit aujourd'hui à Bzommar? Pourtant, la lettre complète avait été éditée en 1894 par Ter-Mikelian, dans un ouvrage consacré avant tout à l'édition du Yacaxapatoum attribué à Grégoire l'Illuminateur. Il n'a inséré le texte de Komitas que dans le commentaire du vingt-deuxième chapitre de cet ouvrage, consacré à l'essence immuable et inaltérable de Dieu.4 Il nous a paru nécessaire de donner à ces deux documents, datés d'une manière exceptionnellement précise, la place qui leur reviennent dans l'histoire de l'Église arménienne. Peu de documents sont aussi officiels. La première lettre est sans conteste le document sur la base duquel, à la suite d'une réunion des évêques, Komitas définit sa politique religieuse vis-à-vis des Orientaux. C'est un appel pour un ralliement, qui ne saurait être trop éloigné de l'année même de l'accession de Komitas au Catholicossat en 615. On peut contrôler ceci notamment par le fait que le Catholicos se réfère constamment'à Grégoire l'Illuminateur, sans mentionner jamais les reliques dé Rhipsimè, dont il a glorifié en 618 les restes par une des églises célèbres d'Etschmiadzine.5 La deuxième lettre a ceci de particulier qu'elle est datée par les années du Shahanshah Chosroes Aparwez en 617, et qu'elle condamne des évêques que tout indique comme des partisans de Gaianos. Son R. W. Thoson, A Bibliography of Classical Armenian Literature to 1500 AD, Turnhout 1995, p. 142 signale la lettre principale comme Traité de la foi, mais ajoute néanmoins le vrai titre d'après l'édition de Ter-Mkrtcean dans Ararat, 1896, avec le titre exact «aux Perses». 2 M. Ormanian, Azgapatoum, 1 (Constantinople 1913), col. 659-666, nOs 442 et 446. 3 Girk' T'lt'oc', Tiflis 1901, p. 212-219. 4 A. Ter-Mik'elean, Srboy Horn meroy eranelwoyn Grigori Lousaworc'i Yacaxapatoum Cark', Vagharshapat 1894-96, p. 300-310. 5 G. V. Abgaryan, Patmoutiwn Sebeosi, Erevan 1979, S. 121, Kap. 37, et Yovannou Kat'olikosi Drasxankertec'oy Patmout'iwn Hayoc' ,ed. M. Emin, Moscou 1853, p. 46. OrChr 85 (2001) L'encyclique de Komitas et la réponse de Mar Maroutha (617) 163 authenticité ne saurait faire aucun qoute. Mais elle a paru de manière aussi peu remarquée par les soins du mêm~ A. Ter-Mikelean, l'année précédente en 1893 à Vahgharshapat, dans les commentaires annexes à l'édition de la compi- lation historique arménienne de Samuel d'Ani.6 Récemment, la nouvelle édition du Livre des Lettres par N. Bogharian a dûment complété la lettre de Komitas avec un troisième manuscrit de Jérusalem, dans lequel cependant la lettre est mutilée.7 Il existe donc au moins trois exemplaires de la lettre. De la réponse de Marutha, nous avons également rencontré des exemplaires dans d'autres manuscrits. Il n'y a cependant guère de variantes sérieuses. Sans doute y a-t-il encore d'autres manuscrits, et une édition critique est encore prématurée. Par leur date et leur contenu, ces deux documents sont précieux pour comprendre l'évolution de l'Église arménienne au début du VIf siècle. Il nous a paru utile de les traduire d'abord, et de leur accorder un court commentaire historique qui éclaire certains aspects moins remarqués de l'histoire ecclésiastique arménienne. 1 Lettre du catholicos d'Arménie Komitas aux Perses8 1. «Toute parole est onéreuse» (Eccl. 1,8) dit quelque part le sage Salomon, l'Ecclésiaste, dans son discours; plus (onéreux) encore (est-ce) de prononcer des paroles sensées et d'écouter avec intelligence les discours de n'importe qui. Ceux-ci sont les discours des divertissements mondains et des fantasmes terrestres, tenus pas les gens. Et combien plus encore les sentences des oracles salutaires de Dieu pour l'humanité, dignement issues de la bouche des saintes Écritures, regorgent-elles pour les auditeurs qui la comprennent d'efforts oné- reux, même si celles-ci parlent avec la grâce de l'Esprit. C'est pourquoi j'ai grand besoin de la grâce du Christ, moi qui vais parler de ce qu'aucune bouche humaine n'est digne d'énoncer mais que la bouche de Dieu peut toujours réaliser «en extrayant de ce qui est vil ce qui est précieux» Ger 15,19), ou comme cet autre (verset) : «Il a usé de ma bouche comme d'une épée effilée» (Is 49,2). Aussi je me suis enhardi à parler par ordre du Seigneur et de ne pas me taire, afin qu'un peuple nombreux revienne au Christ. C'est chose particu- lièrement délicate de cueillir dans la moisson et de grappiller dans la vendange 6 A. Tër-Mik'elean, Samouëli k'ahanayi Anec'woy hawak'mounk'i groc' patmagroc', Vagharshapat 1893, p. 290-291. 7 N. Bogharean, Girk' T'lt'oc', Jérusalem 1994, p. 400-413. 8 L'édition acéphale reconstituait «Sur la foi» au lieu de «aux Perses», ce qui a égaré M. Ormanian. 164 van Esbroeck ces paroles initiales des Écritures qui ont été dites avec une grande précision9• Sans doute les sentences de sagesse de plus d'un ont-elles été mises par écrit, car elles ont traversé un temps considérable et sont vieilles et, comme le vin, plus agréables à déguster que les plus récentes. Ainsi les paroles se sont imprimées un long temps dans la conscience des auditeurs, d'autant plus que rien de faux n'a été trouvé dans la foi droite de ce qui a été dit au début, et que la doctrine ne s'est pas encombrée de choses insignifiantes ou de paroles inférieures à la doctrine. 2. Aussi au moment de recueillir les réflexions théologiques, j'accepterai d'abord la tradition initiale, et cela sans nouvelles fioritures au regard du respectable trésor d'en haut, chemin de lumière, qui est le salut du monde, même s'il est caché à plusieurs selon la parole de l'apôtre (cf. 2 Cor 4,3). Car pour eux l'illumination de l'évangile de gloire du Christ (2 Cor 4,4) n'est pas cachée; elle ne se dérobe pas à ceux qui l'aiment, et elle s'empresse à la rencontre de ceux qui la désirent (Sag 6,14). En faire une préoccupation est une prudence accomplie (Sag 6,15), et achever son nom avec une foi droite est la racine de l'immortalité (Sag 15,3) selon la parole de Salomon. Ils ont complété ce qui touche à la mort du Fils de Dieu, ils ont été indiciblement vivifiés par la communion en portant en eux-mêmes la grâce de l'adoption du saint Esprit. 3. Il est écrit qu'en ce temps-là la sagesse se taira (Amos 5,13), mais le temps présent me requiert à cause des gens de l'extérieur, qui ne sont pas de cet enclos, et il me donne la hardiesse: «Allez tant que vous avez la lumière avec les œuvres de la vertu» sans résistance an 12,35). Et encore «il convient en tout temps d'être zélé pour le bien» (Gal 4,18), et encore «Je dirai mon témoi- gnage devant les rois et je n'aurai pas honte» (Ps 118,46). Soyons nous-mêmes la main d'œuvre de mes prières pour le troupeau des fidèles. Avec courage allons à l'accomplissement du bien selon le but fixé par le bienheureux Paul, dont le triomphe est la croix (Gal 6; 14), la liberté le ciel et l'exécuteur le Christ (Heb 12,2). Et encore. «Souvenez-vous de vos maîtres, qui vous ont appris la parole de Dieu, et ayant vu l'issue de leur démarche, devenez les imitateurs de leur foi» (Heb 13,7). Et encore «Soyez zélés en vue des grâces qui sont excellen- tes!» (1 Cor 12,31). 4. Et je ne m'exprimerai plus en gardant le silence sur ma conscience et en me contentant d'un discours succinceo, et je ne m'en irai pas par paresse en prétextant l'ignorance, et je ne dirai rien d'autre que ce qui est acquis. Mais comme l'est cette parole «Le fondement solide de Dieu est déjà présent et 9 Cette précision ressort beaucoup mieux avec le verset complet de Jérémie 15,19 «Si tu recueilles le bon du mauvais, tu seras ma bouche!». La précision concerne aussi les attendus du paragraphe 11 ci-dessous, récoltés dans le champ immense du parler humain. 10 De fait sept citations scripturaires sont alléguées au chapitre 3. L'encyclique deKomitas et la réponse de Mar Maroutha (617) 165 possède le sceau» (2 Tim 2,19), «car je sais en qui j'ai mis ma confiance, et je suis persuadé qu'il est capable de pr~server ma tradition» (2 Tim 1,12) et celle de la foi droite, car il n'y a pas des n~uveaux miracles où les pasteurs reçoivent la grâce de la prophétie (Lc 2,8-15), où des pêcheurs deviennent évangélistes de la parole de Dieu (Matth 4,18-19), où la veuve de Sarepta dans la disette reçoit la nourriture par le prophète (1 R 17,9-16), et où le Verbe pour la personne de la Samaritaine est source de l'eau vive (Jn 4,13-14). 5. J'ai l'espoir d'oser considérer cela dans les Écritures inspirées avec le point de vue qui convient selon les uploads/Religion/ van-esbroeck-l-x27-encyclique-de-komitas.pdf

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  • Publié le Dec 26, 2021
  • Catégorie Religion
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