Préambule à une phénoménologie du ratage amoureux par Jean-Pierre Fleury. Préfa
Préambule à une phénoménologie du ratage amoureux par Jean-Pierre Fleury. Préface à ma façon : « préface en aéromanches ». Voilà qu’Olivier Mathieu a achevé un nouveau tome de ses « Aventures de Robert Pioche ». Ce « Voyage en Arromanches » m’inspire une « Préface en aéromanches », véhicule aquatique inconnu et de rêves, sorte d'aéroglisseur primitif, objet curieux de dessins-animés muni de plusieurs manivelles et manches en bois de cèdre du Liban, celui que Gilgamesh voyagea. Je ne le voyais guère plus moderne qu’un « Voyage en avirons » du côté de l’ancien Palais des Papes, sur un Rhône assagi comme Marne et canots, Maupassant, caboulots et impressionnistes. Effectivement, ce voyage n’est pas moderne, il est du passé. Il est du temps d’avant la décadence, d’avant la dégénérescence des mœurs et des cœurs. « Plaisirs d’amour…» On connaît la chanson. Aimer : quel grand malheur ! « Nous, les psychologues », comme eut dit le poète de Zarathoustra, nous les naïfs par goût de l’au-dessus, nous devinons les choses, mais à qui la faute et à quoi bon ? Ô, il n’est jamais trop tard pour dire, médire ou maudire… Mon vieil Olivier, arbre méditerranéen, arbre robuste, arbre tors, que pouvons-nous de la vie présente en ce maudit état utilitariste, en ce maudit monde laid ? Nous les « Fidèles au beau qu’on proscrit, Qu’avec ironie on insulte, Pour encenser l’or, nouveau culte … Nous… solitaires de la pensée1 » ? Toi, tel qu’en toi-même immuable, tu te revendiques âme d’enfant perdu, moi « tel j’étais autrefois et tel je suis encore 2 »… J’ai mis de longues années à m’en rendre compte, mais je suis un misanthrope. Nous sommes tous deux, Olivier Mathieu et moi, des ultra- misanthropes et entendons bien le rester encore, car il n’y a que les misanthropes, les vrais misanthropes, non ceux qui parodient la tristesse, qui savent ce qu’est aimer et ressentir au-delà, sans doute. Comme il n’y a que les vrais misogynes à adorer joyeux, les fleurs printanières ou le bel automne. L’amour, l’amitié, la vraie complicité avec les animaux familiers. C’est notre jeunesse curieuse, avenante, émue, intriguée, étonnée qui nous tient au cœur, qui nous tient à cœur, qui nous tient chaud et haut les cœurs. Quiproquo, la vie n’est pas autre chose. La naissance même est quiproquo et son pendant, la mort. L’alpha et l’oméga de l’inutilité terrestre. Alors quitte à vivre, à subir « l'effroyable translation de l'utérus au sépulcre qu'on est convenu d'appeler cette vie 3 », aimons. La Beauté, la Vérité, l’Intelligence, l’Art, les Savoirs, les Techniques bénéfiques, la Terre, le Soleil et la Lune. Et levant les yeux aux cieux, l’Amour. Aimons la Beauté des Femmes. Le mystère de la chair. L’instinct des corps et des âmes. Aimons l’inutile, les donquichotteries, l’étrange, l’instant, la poésie et le rien qui est tout. Les doctes, les pédants et les fourbes nous rappellent, serinent et somment les principes : « On n'est pas sur la terre pour s'amuser. – Pardon, s’interloque Léon Bloy dans ses Exégèses des Lieux Communs, voudriez-vous me dire pourquoi on y est, si ce n'est pas pour s'amuser. Serait-ce pour souffrir ? » lui qui répondait que « oui », puisque « la douleur est l’auxiliaire de la création. » Mais seul un créateur peut comprendre cette affirmation, cette évidence. « J'aimerai toujours le temps des cerises. C'est de ce temps-là que je garde au cœur Une plaie ouverte ! » Qui ne connaît ces paroles de Jean- Baptiste Clément mis en musique par Antoine Renard ? Cette chanson fut la rengaine des Communards, qui ne voulaient pas donner la France aux Prussiens et rêvaient d’un monde meilleur. Je connais le Mur des Fédérés. Ce fut ma première visite lorsque je me rendis pour la première fois à Paris. Il y a bien longtemps. J’y étais seul, j’imaginais la scène, je voyais la tombe de Clément. Grand moment d’émotion tout là- haut au coin à droite du Père- Lachaise. Soleil, nuages, j’ai oublié la saison. Pas même un chat ou un pigeon à l’horizon. Il y a du communard dans la croyance folle en la Beauté, la Vérité, l’Amour. Il y a de la plaie ouverte, du masochisme diront les psychiatres, ces ennemis de la démesure, ces matons de la vie morte et morne. Car voilà que se dessinent déjà les premiers rets, les entraves sévères des conventions sociales des fourmis humanoïdes. Le conformisme à la sauce des modes sociétales du moment. Soi-disant fripon, curieusement hédoniste (bourgeoisement borné) mais dans les faits, si peu fou au bon sens du terme, l’homme. Ainsi, les êtres libres et rares crient : « Si tu ne m’aimes pas je t’aime, et si je t’aime prends garde à toi, prends garde à toi ! ». C’est du Bizet adulé par Nietzsche car pour lui, sa musique incarnait la vraie vie. Celle que lui-même désirait, recherchait et trouva, ô pas dans les bordels fréquentés par les étudiants teutons d’autrefois, mais en compagnie de son ami Paul Rée, dans le personnage de Lou qui, comme de bien entendu, s’éprit finalement ni de l’un ni de l’autre, et se maria (mariage non consommé) à un orientaliste oublié, le falot des trois, partit vers de nouvelles aventures et devint un jour l’amante et la mère d’un certain Reiner Maria Rilke pris dans l’œuf. Cette histoire est éternellement recommencée ; et de nos jours encore plus qu’hier, c’est l’humanité qui est malade. « Combien d’âmes réellement vivantes – s’interroge Léon Bloy – dans ce grouillement d’êtres humains4 ? » L’instant parle à la femme maternité, attaches domestiques, sécurité. Instincts matriarcaux. À l’homme, l’aventure plus ou moins débridée et marginale. Je n’entends pas ici les coucheries et pantalonnades – cela dit amusantes en verve et comique de situation – d’un Feydeau ou d’un Labiche mais plutôt celles d’un Marivaux, d’un Musset plus rare et bien sûr d’un Don Juan. Pas non plus cette outrance des pièces du grand-guignol « dix neuf cent » et ses passions mortifères. Non, que du plaisir, et le moins possible de torture volontaire. De la contemplation monacale pour commencer. La torture s’impose malheureusement d’elle-même plus tard, et le temps ne peut en « désaviver » l’emprise. Le morbide vient après et l’on s’en dégage comme on peut. Mais les regrets veillent ainsi que la Mémoire, cette seconde déesse de l’humanité après la Mort ; Memoria, cette dame exigeante et intraitable. La joliesse, la beauté, le charme, le chien, l’élégance. La Femme en piédestal. Statue vivante et vibrante. Et l’intelligence parfois (ah ! ne la faites pas parler !), mais ni plus ni moins que chez les mâles. Voilà ce qui fait la femme avant tout, pourrait dire Olivier Mathieu qui est quelquefois un bon sauvage à la Rousseau. Autrement dit, la femme n’est pas plus l’avenir de l’homme que l’homme n’est l’avenir… de quoi donc au juste ? Il y a des traits communs entre Olivier Mathieu et Jean-Jacques Rousseau, mais ceci est une autre histoire. Délicatesse et tendresse, même si parfois il se laisse aller à une certaine gauloiserie à la Rabelais ou à la Villon. Les malades ne seraient-ils pas la masse des hyposensibles, de plus en plus amorphes et avachis d’aise dans leur confort de larves ? Écoutez quelques vers bien anciens, si vieux de la Complainte à Nibru5 : « Larmes, lamentation, découragement et désespoir ! Combien de temps brûleront son esprit et son cœur qui n’est pas apaisé ? Pourquoi, ceux qui, une fois, avaient joué du shem et des tambours ala6, étaient là à dépenser leur temps en âpres regrets ? Pourquoi les pleureurs étaient-ils assis dans ses constructions de brique ? Ils étaient en train de déplorer les épreuves et les souffrances, qui les assaillaient »… Lisez quelques mots du scribe inconnu qui, comme dans la Prière à Nanna pour Riyim-Sîn, parle d’un temple sacré avec les mots de l’amour, où la maison de la déité est comme un être désiré « doté de charmes abondants, tels ceux d’une femme raffinée dont la tête est portée haute, noblement, dont les appâts irradient comme des fruits mûrs, aux charmes abondants, adorables, mais imposant en splendeur comme les collines »… L’invariant littéraire et humainement humain nous redisent et clament qu’être jolie, belle, charmante, mignonne, intelligente, attachante, attirante... n’est pas un péché, ni judéo-islamo-chrétien, ni athée-moderniste. À propos de néant et de la chute mentale et existentielle de notre époque décadente, pour ne pas dire dégénérée, sans poésie ni sacré : il semble établi que les femmes, au même titre que les hommes, mais en des termes différents, aient un problème avec leur vraie nature. D’où cette glorification subite de l’unisexe féminisant et de l’homosexualité, qui plus est sous des traits grotesques. La victoire de la Culture (mais quelle culture ?) sur la Nature (mais quelle Nature !). Il n’est que de lire ce qui suit pour voir en quoi nous avons presque tout perdu des mystères des temps passés. L’Utilitarisme et le moralisme bourgeois, uploads/Religion/ voyage-en-arromanches-olivier-mathieu-preface-de-jean-pierre-fleury 1 .pdf
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- Publié le Mar 09, 2022
- Catégorie Religion
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